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Politique locale

La rupture entre les élus locaux isérois et nationaux est consommée

Le 67e Congrès de l’Association des maires de l’Isère a fait état du sentiment profondément désabusé des élus locaux à l’égard de la situation politique nationale.

Par Isabelle Brenguier
La rupture entre les élus locaux isérois et nationaux est consommée
Présidé par Daniel Vitte, le Congrès de l'Association des maires de l'Isère s'est tenu le 11 octobre à Aoste, dans le territoire des Vals-du-Dauphiné.

Pour certains, ce 67e congrès de l’Association des maires de l’Isère (AMI) était le dernier. Pour d’autres, prêts à repartir pour un tour, il était « simplement » le dernier d’un mandat jugé « particulièrement difficile ».

Attachés à cette rencontre qui chaque année leur permet de partager « problématiques, expériences et solutions », ils sont venus nombreux le 11 octobre à Aoste, dans le territoire de la Communauté de communes des Vals du Dauphiné, pour profiter d’« un moment de convivialité, de solidarité même ».

Distance avec la scène politique nationale

La difficulté notoire de ce mandat a été évoquée à différentes reprises durant la journée. D’un côté, « les contraintes, les incertitudes, les injonctions contradictoires, les carcans, l’inflation normative, qui freinent les initiatives », n’ont cessé de s’accentuer, selon Bernard Badin, le président de la Communauté de communes des Vals du Dauphiné. De l’autre, un contexte politique sans précédent, qui a suscité commentaires… et critiques, et qui a contraint les intervenants à réviser leur copie jusqu’à la dernière minute de leur prise de parole tant les rebondissements se sont multipliés les jours et même les heures qui ont précédé le congrès.

Les nombreux propos qui se sont succédé en ce sens, ont révélé que la rupture entre le local et le national semblait largement consommée. Qu’ils parlent de « désordre », de « chaos », de « mauvaise farce », tous sont désabusés et prennent leur distance avec la scène politique nationale. Au-delà du « triste spectacle » donné, ce sont les conséquences pour les collectivités et in fine, les citoyens, qu’ils déplorent, car l’incertitude et l’instabilité actuelles ne permettent à personne de se projeter, ni les territoires, ni les entreprises.

« Gestions prudentes et rigoureuses »

Daniel Vitte, le président de l’AMI, Murielle Fabre, la secrétaire générale de l’Association des maires de France et Jean-Pierre Barbier, le président du Département de l’Isère, ont fait part de leurs inquiétudes concernant les textes législatifs en attente (1), les budgets et les dotations à venir, ainsi que les exigences dont fait preuve l’Etat à leur égard.

« Les perspectives sont aussi sombres aujourd’hui que l’an passé », a lancé Daniel Vitte. « L’Etat ne peut pas en même temps, nous demander de dépenser moins et de dépenser plus. Et les ponctions ne sont pas des solutions. Elles sont source de récession », s’est insurgée Murielle Fabre.

Dans ce contexte, tous trois ont revendiqué la stabilité que les collectivités représentent, faisant état de « gestions prudentes et rigoureuses ». Evoquant la situation du Département de l’Isère, Jean-Pierre Barbier a cité quelques-uns des domaines dans lesquelles la collectivité intervient (2).

« Tous ne font pas partie de nos compétences, mais nous agissons quand même, tant c’est important pour le collectif, explique-t-il. En ce qui concerne nos engagements en faveur des communes, nous les tiendrons jusqu’en 2027, car nous savons que sans cet effet levier, ce seront leurs investissements qui seront supprimés. Mais nous ne pouvons pas parler de 2028. Sans visibilité, il est hors de question que nous fassions preuve d’irresponsabilité », a-t-il ajouté.

Il a salué l’action des 1 500 élus de proximité présents dans la salle, et loué « le travail accompli au quotidien pour l’intérêt général », insistant sur le fait que c’était bien « grâce aux collectivités locales, à leurs élus et à leurs agents, ainsi qu’aux services départementaux et régionaux de l’Etat, que le pays tenait encore debout ».

En première ligne

La proximité des élus locaux avec leurs administrés a aussi été vivement saluée. « Satisfaisons-nous de l’avantage que nous possédons, celui de l’ancrage que nous avons avec notre territoire et nos concitoyens, et gardons le bon sens qui nous anime », a ainsi déclaré Daniel Vitte. Si Murielle Fabre voit les élus locaux comme « le cœur battant de la démocratie », Jean-Pierre Barbier, estime quant à lui qu’« être maire revient à exercer le plus beau des mandats. Il est ingrat et gratifiant à la fois. C’est un engagement qui demande beaucoup de sacrifices personnels et de savoir tout faire ».

Il considère cependant que ses conditions d’exercices sont devenues plus difficiles tant la société s’est tendue. Et d’évoquer les trois agressions d’édiles qui ont eu lieu cette année en Isère. « Ces actes sont inadmissibles, insupportables, intolérables, a-t-il réagi. Nous devons respecter les élus. C’est la base de notre contrat social. Quand on attaque un élu, on attaque la République », a-t-il poursuivi.

Comme lui, Daniel Vitte s’est indigné de ces agressions et a réaffirmé le soutien de l’AMI dans les démarches judiciaires de ces maires. Il rappelle qu’ils sont « en première ligne pour répondre aux préoccupations de leurs administrés, gérer les services publics de proximité et faire vivre la démocratie locale, ils ne sauraient être exposés à de telles violences et menaces dans l'exercice de leurs fonctions ».

En 2020, lors de la première agression d’un édile, l’AMI avait créé le slogan « Respect des maires, respect de la République » afin de défendre le premier maillon du « bien vivre ensemble ». « L’association ne pensait pas, alors, devoir le rappeler aussi régulièrement dans l’enceinte d’un tribunal », soupire-t-il.

Isabelle Brenguier

(1)   notamment ceux sur le statut de l’élu et l’extension des pouvoirs de police municipale.

(2)   solidarité, collèges, routes, sécurité, très haut-débit, la santé.

Initiatives

Des projets pour faire vivre les villages

La deuxième édition des Trophées de l’AMI a distingué les projets mis en œuvre par les communes de Saint-Jean-de-Vaulx, Brié-et-Angonnes et Revel-Tourdan. Saint-Jean-de-Vaulx a reçu le premier prix.

Des projets pour faire vivre les villages
Les communes de Saint-Jean-de-Vaulx, Revel-Tourdan et Brié-et-Angonne ont été récompensées pour leurs initiatives originales dans le cadre de la deuxième édition des Trophées de l'Ami.

La création de commerces au centre du village, la rénovation d’une ancienne cure, d’une école et d’une salle communale, ainsi que la réhabilitation d’un moulin centenaire … Ces trois projets ont été récompensés par la deuxième édition des Trophées de l’AMI.

Les prix, qui distinguent les initiatives locales inspirantes, ont été attribués à l’occasion du 67e Congrès de l’Association des maires de l’Isère, le 11 octobre à Aoste. Ils ont été mis à l’honneur les projets portés par les communes de Saint-Jean-de-Vaulx, Revel-Tourdan et Brié-et-Angonnes.

Co-construction

Le premier prix des trophées a récompensé une réalisation d’ampleur mise en œuvre à Saint-Jean-de-Vaulx, village de 545 âmes, qui ne comptait aucun commerce. Pour remédier à ce manque, le conseil municipal s’est mis en quête de porteurs de projets intéressés pour venir installer leur activité. Ainsi, quatre jeunes femmes sont venues créer une maison d’assistantes maternelles, une autre a lancé une activité de traiteur, puis encore trois autres ont installé un atelier de photographie, un cabinet de kinésithérapie et enfin un club de fitness. Ils sont partis de rien, mais après de nombreuses réunions et deux appels d’offres, les élus de Saint-Jean-de-Vaulx se réjouissent d’accueillir toutes ces activités, ainsi que huit logements sociaux, en plein cœur du village. Le maire Jean-Luc Ravanat s’est montré très ému de recevoir cette récompense, qui salue l’investissement de son équipe et de son prédécesseur, Patrick Reynier-Pöete.

Le deuxième prix est revenu à l’initiative portée par la commune de 1 050 habitants de Revel-Tourdan, de faire renaître, après une vingtaine d’années de désaffection, l’ancienne cure en pisé avec son appentis, l’ancienne école galets roulés et la salle communale accolée. De cette réhabilitation, sont ressortis une médiathèque, une salle de pratiques artistiques et sportives, ainsi que deux gîtes occupés par des familles en vacances ou des salariés en déplacement. Selon son maire, Yvan Argoud, « ce projet n’aurait pas pu être réalisé sans une co-construction avec de nombreux partenaires et une aide appréciée au niveau de l’ingénierie, qui représente toujours une charge importante pour les petites communes ».

Endormi depuis bien longtemps, le moulin centenaire de Tavernolles, un des hameaux de Brié-et-Angonnes, est à nouveau en fonctionnement, grâce au projet de réhabilitation porté par l’équipe municipale. A la faveur de blé bio acheté dans le Trièves, il produit de la farine vendue sur place. Le projet a reçu le troisième prix.

IB

Les collectivités iséroises, bonnes gestionnaires

Les collectivités iséroises, bonnes gestionnaires
Catherine Seguin est la préfète de l'Isère.

Invitée au 67e Congrès de l’Association des maires de l’Isère, Catherine Seguin, la préfète de l’Isère est revenue sur les « conditions exceptionnelles » dans lesquelles se tenait ce congrès.

Elle a salué le travail accompli quotidiennement par les services de l’Etat et indiqué l’importance de « revenir aux fondamentaux que sont l’intérêt général et la continuité de l’action publique ».

La préfète a abordé le thème de la sécurité, insistant sur le fait que « nos concitoyens avaient le droit de vivre en paix », et qu’« aux côtés des élus locaux dont le rôle en la matière était essentiel, l’Etat était pleinement engagé sur ce sujet ».

Sur la question des finances publiques, elle a expliqué que « le contexte budgétaire contraignait à la sobriété, aux économies, à la révision des priorités ». Dans le même temps, elle a loué l’action des collectivités iséroises qu’elle a, chiffres à l’appui, qualifié de « bonnes gestionnaires ».

La représentante de l’Etat a également partagé quelques considérations sur l’économie du département, estimant qu’elle bénéficiait d’un écosystème atypique favorable, que les entreprises étaient des acteurs majeurs de la transition énergétique.

Citant le monde agricole et la manière dont il fait vivre et façonne le territoire, elle est revenue sur la crise de la DNC (dermatose nodulaire contagieuse) et sa gestion, saluant « la solidarité qui a joué en Isère et une excellente campagne de vaccination menée en un temps record ».

Enfin, Catherine Seguin a abordé la question de la transition écologique, et a souligné que l’Etat était aux côtés des maires pour développer des projets de rénovation énergétique, de mobilité, de gestion des déchets… « L’objectif est de mettre en œuvre des démarches de planification à long terme dans le but de préserver la résilience des territoires. »

IB