La souveraineté passe par la rémunération
La Confédération française de l’aviculture (CFA) a récemment organisé son assemblée générale à Paris. L’occasion pour les responsables de plancher sur le développement de la souveraineté alimentaire dans leurs filières. Et de rappeler que la rémunération est une condition essentielle de cette souveraineté.
L’équation est simple mais difficile à faire accepter à l’aval de la filière avicole : sans rémunération décente de l’éleveur, il n’y a pas d’investissement, pas d’attractivité, pas de renouvellement des générations et pas de développement de la filière. Stéphane Sallé, directeur du pôle volailles du groupe LDC a résumé la situation : « Pas d’éleveurs, pas d’abattoirs et pas d’abattoirs pas d’éleveurs ». Mais dans les négociations, la transparence des coûts ne va pas de soi. Benoît Carrez, représentant d’AgroMousquetaires, rappelle que si la matière première agricole (MPA) est devenue non négociable dans les négociations commerciales, « on ne sait jamais combien sont payés les organisations de producteurs et les éleveurs ». Hélène Bompart, éleveuse de volailles de chair dans la Drôme, a fait ses calculs. Ne sachant pas laquelle de ses productions (volailles et céréales) gagnait ou perdait de l’argent, elle a mis tous ses comptes à plat. Elle a séparé dans un tableau Excel ses ateliers, calculé et réparti l’ensemble de ses charges : eau, électricité, mécanisation, cotisations MSA, révision des extincteurs, redevances, taxes etc. Ces charges sont « nettement plus nombreuses que celles de l’intégrateur », a-t-elle souligné. Hélène Bompart a aussi, et surtout, intégré le fait de pouvoir rémunérer chaque unité de travail humain (UTH) présent sur son exploitation à hauteur de deux Smic chargés ainsi que les provisions pour investissements. Le calcul final lui donne environ 14 euros de charges/m2/lot. « Cette somme tient compte de l’investissement en poulet standard sur 15 ans », a-t-elle précisé. Cette somme sert de base de négociations avec l’intégrateur. « C’est un levier indispensable et nécessaire, même si au départ l’intégrateur a tenté de contester ces chiffres. Mais au fil des échanges et des discussions, la confiance est venue. Maintenant, nos coûts de production sont réellement pris en compte et révisés en fonction de la conjoncture », a-t-elle assuré.
554 jours de délai moyen
Pierre Dupont, éleveur de lapins et représentant la Coopérative agricole Vendée approvisionnement céréales (Cavac), a suivi une démarche identique avec la mise en place d’un « Plan Marshall du lapin » en 2020, qui a débouché ensuite sur un plan d’avenir de la filière cunicole en 2022. « Nous sommes aussi partis de la rémunération de l’éleveur, soit deux Smic/UTH chargés et nous avons remonté la pelote en incorporant l’ensemble des coûts. C’est ce qui nous a permis de défendre un prix de base commun auquel viennent se greffer des compléments de prix propres à chaque exploitation. » Dans son cas aussi, le suivi des charges et de leur évolution est assuré régulièrement. « Quand on va à la banque pour négocier des prêts, nous sommes mieux armés », a-t-il indiqué. Pour l’ensemble des intervenants, il y a urgence à assurer un revenu décent aux agriculteurs pour attirer dans la profession : un aviculteur sur deux (48 % selon le dernier recensement agricole) a plus de 50 ans. Ils sont un peu moins (42 %) dans le secteur des poules pondeuses. Preuve supplémentaire que l’heure est au « recrutement », le nombre de permis de construire en volailles s’est amenuisé au fil des ans : 213 pour l’année 2018 avec une superficie globale de 300 000 m2 contre 107 en 2024 pour une surface de 108 000 m2. Il faut aussi compter 554 jours de délai moyen entre le dépôt initial du dossier et l’achèvement des travaux. Le sujet administratif est d’ailleurs très sensible et dissuade les jeunes agriculteurs d’investir dans la filière, au même titre que les difficultés liées à la trésorerie et à la conjoncture. Le renouvellement des générations dépendra, outre la rémunération, d’un équilibre de vie plébiscité par les nouveaux agriculteurs qui s’installent de plus en plus de dehors du cadre familial.