Le lycée La Martellière fait peau neuve
C'était hier : des gouttières, des bassines, des tuyaux d'eau chaude passant par l'extérieur, des hauteurs sous plafond rendant les pièces impossibles à chauffer. L'ancien internat du lycée professionnel agricole La Martellière à Voiron offrait à ses hôtes une véritable plongée dans le XIXème siècle. Si bien qu'il n'accueillait plus que 35 internes. Dix huit mois de travaux et 4,4 millions d'euros plus tard, le bâtiment à retrouvé sa superbe, répond à tous les critères de confort et propose 76 lits dont 50 sont déjà occupés. « Il ne manque qu'un baby foot », plaisantait Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes qui a financé les travaux, venu inaugurer la rénovation de l'internat et du self-service.
Spécialisé dans les formations liées aux services à la personne et au commerce, le lycée professionnel public agricole La Martellière accueille 220 élèves dans un cadre privilégié. Pour Michel Guin, le proviseur de cet établissement à taille humaine, l'internat est « un outil pédagogique qui participe à la réussite scolaire, sociale et professionnelle des élèves car c'est un lieu d'échange, de socialisation et d'ouverture vers les autres ». Président du conseil d'administration depuis 2007, Thierry Blanchet a suivi toute l'évolution du projet et souligne la persévérance des quatre proviseurs qui ont mené à terme cette rénovation, « ceux qui ont eu l'idée, ceux qui sont allés à la Région, ceux qui ont discuté avec l'architecte, ceux qui ont suivi le chantier... » Cette continuité a permis « le maintien d'un établissement public de formation dans le secteur tertiaire en Isère, depuis le CAP jusqu'au BTS », a insisté le président du conseil d'administration, mettant l'accent sur la dimension agricole de cet enseignement, dès lors qu'il s'agit de services en milieu rural et que se développent les circuits courts aux côtés des filières longues de l'agroalimentaire. Il rappelle que le lycée dispose également d'un verger conservatoire, une noyeraie d'un hectare et d'une centaine d'arbres, régulièrement visitée par les étudiants qui assurent la récolte, le séchage, l'ensachage et la vente des noix.
Un lieu d'histoire
Pour Julien Polat, le nouveau maire de Voiron, « La Martellière n'est pas une lycée comme les autres ». Il cite son ambiance particulière, les souvenirs partagés par de nombreux Voironnais, la diversité des formations en lien avec le milieu rural, mais surtout son histoire. La première pierre de l'établissement a été posée en 1860. Il a été orphelinat, puis école ambulante de formation agricole, école ménagère, avant de devenir lycée agricole après-guerre. Le lieu porte aussi des stigmates, ceux de la rafle du 22 mars 1944 de 17 enfants juifs et de la mère de deux d'entre eux, qui s'étaient réfugiés dans une de ses bâtisses. Les plus jeunes prendront le convoi sans retour 71, celui qui emmène aussi les enfants d'Izieu. Les autres, le convoi 73. Il n'y aura qu'un seul survivant.
Aujourd'hui, le lycée de la Martelllière compte parmi les 20 lycées agricoles régionaux. « Chacun a sa personnalité », ajoute le président de la région. Celui-ci s'est adapté en proposant des formations au plus près des besoins des territoires ruraux. C'est ainsi qu'il ouvrira, à la prochaine rentrée, un Capa services en milieu rural pour les élèves après la troisième. L'établissement se distingue aussi par ses formations biqualifiantes : sportive (ski et accompagnateur de moyenne montagne) ou d'animation avec le Brevet d'aptitude professionnelle d'assistant animateur technicien (Bapaat). Si bien que le lycée est placé sous trois tutelles pédagogiques : le ministère de l'Agriculture, l'Education nationale et Jeunesse et sport. Il affiche d'excellents résultats : 90% de réussite aux examens et un très beau taux de placement (90% des élèves sont en situation d'emploi trois ans après leur sortie). Quant aux jeunes, ils soulignent le programme soutenu d'activités que propose l'établissement, du défilé de mode au ramassage des noix, en passant par des rencontres inter-établissements et les tournois sportifs. « Ce n'était pas mon premier choix, concède Yannis en première année de Bac pro conseil et vente. Quand on pense lycée agricole, on n'imagine pas ce type de formation à la vente ». « Alors que c'est un très bon lycée : nous ne sommes pas nombreux par classe, à peine 13, les profs nous connaissent tous et l'ambiance est très bonne », reprend Dylan en bac pro également.
Regagner en attractivité par ses filières et ses infrastructures participe des objectifs de ce chantier de rénovation. Il a fallu plus de 10 ans et la détermination de nombreux proviseurs et élus pour que le projet aboutisse, mais l'établissement répond à la forte demande de places en internat en région Rhône-Alpes. Son proviseur actuel, Michel Guin, nourrit déjà de nouveaux projets de formation continue adultes, toujours dans les secteurs du commerce et des services à la personne. Il entend également piloter une nouvelle extension des salles de cours et des locaux administratifs.
Isabelle Doucet
