Le miscanthus invite à des projets de filières
A Romans, un forum sur le miscanthus a présenté des projets de filières locales.

Implanté en France depuis 1990, le miscanthus (aussi appelé roseau de Chine) fait partie des plantes dites à biomasse. Doté d'un métabolisme en C4 (comme le maïs ou le sorgho), la plante produit beaucoup de carbone tout en étant peu gourmande en intrants. Utilisable comme combustible, cette graminée vivace non invasive et stérile peut également être transformée en paillage horticole, litière animale, isolant thermique en écoconstruction. On peut, aussi, en extraire des biopolymères. Son attrait est donc à la fois économique et environnemental. Depuis l'automne 2011, un groupe de travail constitué de collectivités, d'organismes publics (dont la chambre d'agriculture de la Drôme) et d'associations contribue à l'émergence d'une filière locale. Son action consiste à mettre en relation les producteurs actuels et potentiels de miscanthus (agriculteurs, horticulteurs...) et les acteurs de la valorisation (combustible, paillage...). Une première journée d'échanges s'est déroulée au lycée horticole de Romans, site où le miscanthus est expérimenté.
Deux projets à prix garantis
Sophie Delattre (chambre d'agriculture d'Alsace) a relaté deux projets garantissant un prix stable aux agriculteurs. Le premier, dont l'objectif est la reconquête de la qualité des eaux, se situe à Ammertzwiller (Haut-Rhin). « En lien avec le syndicat d'eau potable, des diagnostics de pratiques agricoles ont été faits, a-t-elle expliqué. Puis un plan d'actions agricole a été construit pour limiter les apports et ruissellement d'intrants chimiques. » Diverses options ont été analysées (Cipan...) dont celle du miscanthus. « Pour inciter les agriculteurs dans cette culture, il fallait assurer un débouché durable, a-t-elle ajouté. Ainsi est né le projet de chaufferie collective d'Ammertzwiller, qui nécessitait 20 hectares de miscanthus. » Il est plus économique que le bois plaquette. Les études de faisabilité, en 2008, ont également analysé des marges brutes pour les agriculteurs. Des financements de l'agence de l'eau ont pris en charge les frais d'implantation de la culture. Seize agriculteurs se sont engagés dans la démarche en 2009 sur la base d'un contrat de quinze ans avec le Sivom. Le prix d'achat du miscanthus a été fixé entre 95 et 130 euros la tonne de matière sèche. À noter, le Sivom a pris en charge l'investissement du hangar de stockage. Et le chantier de récolte, collectif, se fait via une entreprise de travaux agricole.
Après deux campagnes de chauffe (132 puis 187 tonnes de miscanthus ont produit 563 et 670 mégawatt heure), le système donne satisfaction. « Le démarrage n'a pas été évident, il a fallu trouver les bons réglages », a expliqué Sophie Delattre. Parmi les contraintes, elle cite la formation de mâchefer (résolu par ajout de chaux à 2 %), le doublement du volume de cendre et une maintenance accrue de la chaudière.
A Brumath (Bas-Rhin), un projet similaire a abouti, mais sans aucune aide. Le contrat entre les agriculteurs et la ville, d'une durée de 17 ans, fixe le prix d'achat des récoltes de miscanthus à 100 euros la tonne de matière sèche (avec une indexation). Et l'agriculteur qui a financé le hangar de stockage reçoit de la ville une rémunération contractuelle.
Des expériences en Drôme et Isère
A Saint-Barthélémy-de-Beaurepaire, entre Nord-Drôme et Isère, l'EARL de Montremond cultive des céréales (65 ha), gère une plateforme de compostage et exerce, entre autres, une activité d'entrepreneur de travaux agricole. « Nous avons planté du miscanthus en 2008 sur 1,35 hectare (ha) pour faire un essai dans notre région », a raconté l'un de ses associés, Loïs Point. En 2010, une première récolte de 5,5 tonnes / ha entre dans la fabrication de compost. En 2011, le rendement atteint 11,7 tonnes / ha. Une partie du miscanthus est utilisée en compost, une autre fait l'objet d'un essai de transformation en set de table et matériaux de construction pour l'entreprise Cicarelli. Le reste sera utilisé l'année suivante en paillage par les pépinières Damien Vivier (Penol - Isère). Faute de temps, l'EARL ne récolte pas en 2012. En mars 2013, le rendement atteint 29 tonnes / ha. « Nous avons eu deux récoltes en une », a souligné l'exploitant. L'acquéreur reste les pépinières Vivier, qui continue ses essais. Le miscanthus est également testé comme litière de box à chevaux. L'EARL se fixe comme objectifs de développer un réseau commercial et d'agir en prestations de conseils dans l'implantation et les débouchés liés au miscanthus.
A Saint-Bardoux, dans la Drôme des collines, l'EARL Deroux projette, elle, de tendre vers l'autonomie énergétique pour chauffer ses trois serres. Ses besoins sont de 300 MWh par an. Les deux hectares de miscanthus implantés cette année devraient lui fournir 120 MWh. « Avec un coût d'investissement de 197 000 euros, l'amortissement se fera en moins de sept ans », a expliqué Vincent Stauffer (bureau d'étude Agrithermic).
Après l'étude de diverses solutions (photovoltaïque, essences forestières...), le miscanthus a également été choisi par le Sytrad pour recouvrir le centre d'enfouissement des déchets de Saint-Sorlin-en-Valloire. L'essai porte sur un des vingt hectares du site. « L'idée est d'occuper intelligemment des sols dégradés », a expliqué Freddy Martin-Rosset. Les rhizomes, acquis auprès du lycée horticole de Romans, ont été mis en terre avec une planteuse à fraisier. A 400 mètres d'altitude et sur un sol argilo-calcaire, la pousse semble se dérouler normalement. Les débouchés sont en cours de recherche.
Ces retours d'expériences montrent que la valorisation locale du miscanthus est possible. À la condition, toutefois, de nouer des partenariats solides et durables, apportant un soutien à certains investissements et surtout une garantie de débouché et de prix.