Le plein d’énergies pour du gaz vert en pays viennois
L’inauguration du méthaniseur Agrométha, à Eyzin-Pinet, a été l’occasion de retracer le long parcours des dix associés et la réussite d’un projet fortement soutenu par les élus du territoire.

« Merci aux collègues agriculteurs qui ont cru au projet », a lancé Dominique Ronzon, l’initiateur du méthaniseur agricole d’Eyzin-Pinet au moment de son inauguration, le 29 août dernier.
Le site est entré en production au mois de décembre 2024, soit presque 15 ans après les premières intentions.
Les dix agriculteurs qui sont restés dans le projet et y ont cru jusqu’au bout alors qu’ils étaient une trentaine au départ, il les appelle des « bâtisseurs ». « Car je suis content que nous ayons bâti un outil de travail pour notre indépendance énergétique et pour la jeunesse ».
Un moment rare
En Isère, 14 méthaniseurs injectent dans le réseau gaz, ce qui en fait un département moteur par son nombre d’installations. Pour autant, une inauguration est toujours un moment important, tant ceux qui portent un tel projet ont eu à surmonter de nombreux écueils.
Lors de l'inauguration d'AgroMétha, le 29 août 2025. c ID TD
« Les élus ont évité que le projet ne s’enfonce », confie un des associés. Tirant les leçons de communication des autres projets, celui d’Eyzin-Pinet n’a cependant pas eu à faire face à de gros problèmes d’acceptabilité.
« Je me souviens d’une réunion publique en 2019 où participaient 400 personnes, confie ainsi Christian Janin, le maire d’Eyzin-Pinet. Toute la salle a applaudi la trentaine d’agriculteurs qui étaient alors investis dans le projet. C’est un moment rare de reconnaissance et de respect. »
La difficulté était ailleurs, lorsque le doute s’est invité, en 2022. Une réunion de crise, provoquée par Thierry Kovacs, maire de Vienne et président de Vienne Condrieu Agglomération (VCA), finira par clarifier les choses.
Les sept exploitations et dix agriculteurs les plus motivés ont poursuivi la route autour d’un « projet redynamisé », déclare Dominique Ronzon. D’autant que toute la procédure administrative – 670 jours d’instruction ! – était achevée.
C’est à ce moment-là que le bureau d’études Opale a pris le projet en main et que les actionnaires ont pu compter sur le financement de la Caisse d’épargne Rhône-Alpes, la Banque populaire Grand-Ouest et la NEF, banque coopérative, ainsi que sur les aides des acteurs publics.
« Un soutien institutionnel et inconditionnel », insiste Julien Brut, le président d’AgroMétha. Il souligne la capacité des agriculteurs « à innover, s’adapter et produire une énergie verte locale pour l’équivalent de 3 500 foyers. En plus, nous produisons du digestat pour la fertilité de nos sols ».
Dominique Ronzon et Julien Brut, respectivement initiateur et président d'Agrométha. c ID TD
Il cite la variété des intrants qu’accueille le site : des effluents d’élevage comme le fumier et le lisier, des Cive (ou cultures intermédiaires à vocation énergétique), des cultures accidentées et non commercialisables, le lactosérum et des biodéchets à condition qu’ils passent par une unité d’hygiénisation.
Indépendance énergétique
« C’est un projet structurant, considère Christian Janin, qui répond aux besoins du territoire. » Il rappelle « le rôle fondamental de Vienne Condrieu agglomération » pour son accompagnement technique et financier.
« C’est un pas important vers l’indépendance énergétique du territoire, un complément de revenu pour les exploitations agricoles, une valorisation de leur outil de travail et un avantage pour leur transmission. »
AgroMétha est le deuxième méthaniseur avec celui de la station d’épuration de la communauté de communes. Thierry Kovacs a mis en avant un territoire « qui mise sur toutes les énergies renouvelables pour répondre aux défis du dérèglement climatique et de souveraineté énergétique », saluant « les agriculteurs engagés dans la transition énergétique ».
Cyrille Madinier, vice-président du Département c ID TD
Le vice-président du Département de l’Isère en charge de la ruralité et de l’agriculture, Cyrille Madinier, a pour sa part insisté sur l’engagement familial que représente une telle aventure. Il a fait valoir « une agriculture innovante », « gagnante pour tous » et martelé « qu’il n’y a pas de ruralité vivante sans agriculture », enjoignant les agriculteurs à se présenter sur les listes des prochaines élections municipales.
Valorisation des déchets
L’aboutissement du projet AgroMétha est pour tous les associés la réussite d’un collectif fort et bien accompagné. Julien Brut se souvient du premier jour d’injection, le 11 décembre dernier. « C’était un soulagement, un aboutissement », déclare ce convaincu de la première heure qui était en stage chez Dominique Ronzon avant de s’installer dans l’exploitation familiale, en 2015, à Moidieu-Détourbe.
« Cela nous permet de pérenniser nos exploitations et de créer du revenu », reprend-il. Avec la méthanisation, ce sont aussi les pratiques agricoles dans les exploitations qui ont changé : assolements, rotations, apport de matière aux champs, les choses ont évolué.
La valorisation des déchets, véritables gisements minéraux, participe à la vie des sols. Alors l’agriculteur dit sa fierté devant ce méthaniseur, qui comme tant d’autres a mis beaucoup (trop) de temps à sortir de terre. Pour partager cette réussite, le collectif organise une journée portes ouvertes le samedi 27 septembre.
Isabelle Doucet
Les dix associés

AgroMétha, ce sont 10 agriculteurs et sept exploitations agricoles en céréales ou polycultures – élevages bovin :
- Gaec du Vincent à Meyssiez, Fréderic Baron ;
- Gaec ferme des Platanes à Saint-Jean-de-Bournay, Damien et Jean-Vincent Chollier ;
- Gaec ferme des Lauriers à Moidieu-Détourbe, Yannick et Frederic Petit, Eric Chalaye ;
- Entreprise Julien Brut à Moidieu-Détourbe, Julien Brut ;
- SCEA du Mas Voisin et EARL du Buron à Eyzin-Pinet, Thibault Ronzon ;
- SCEA Gamet à Eyzin-Pinet, Yvon Gamet ;
- Entreprise Gilles Lentillon à Estrablin, Gilles Lentillon.
Un méthaniseur 100% agricole

L’investissement pour la réalisation du méthaniseur AgroMétha s’élève à 8 M€. Il a été majoritairement financé par les agriculteurs.
Il a bénéficié de subventions des partenaires publics à hauteur de 700 000 € de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, 500 000 € de l’Ademe, 280 000 € du Département de l’Isère et 185 000 € de Vienne-Condrieu-Agglomération.
Sa production est de 156 Nm3/h. Elle pourra atteindre 190 Nm3/h. Le biométhane est injecté dans le réseau GRDF et couvre l’équivalent de 3 700 foyers. 19 000 à 20 000 t d’intrants sont nécessaires pour faire fonctionner le site. Il en ressort autant en digestat destiné à être épandu sur les terres des associés.
Le retour sur investissement est attendu en 6 ans. Il faut dire qu’AgroMétha a bénéficié de tarifs de rachat du gaz des plus favorables, compensant des taux de crédit assez haut.
Un collectif
« C’est un site qui a atteint ses performances en un mois », indique Bénédicte Jorcin, directrice du bureau d’études Opale. C’est ce cabinet qui a permis aux agriculteurs du collectif de « recontextualiser le site et le redimensionner » après la crise de 2022.
Car si AgroMétha est le plus gros méthaniseur en entrée de fonctionnement, il aurait pu être encore bien plus important. « Il n’est pas facile pour des gens plutôt individualistes d’aller sur du collectif », souligne-t-elle.
Bénédicte Jorcin (à g.), d'Opale, avec les agriculteurs et les élus locaux. C ID TD
Les conditions d’entente sur le long terme ont été un prérequis à la poursuite du projet. AgroMétha a créé deux emplois et deux agriculteurs sont plus particulièrement dédiés au fonctionnement du site.
« Un méthaniseur c’est une implication et une organisation au quotidien », insiste encore Bénédicte Jorcin.
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