Le pôle agroalimentaire isérois intéresse les départements

« Depuis trois ans, nous mettons toute notre énergie à structurer le pôle agroalimentaire et les filières, afin que l'aval alimente l'amont », a répété Jean-Pierre Barbier, président du Département de l'Isère, devant Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France.
Mercredi 14 mars, l'ex-ministre était en visite en Isère, à Bourgoin-Jallieu, dans le cadre des ateliers dont l'objectif est que « les bonnes idées des uns irriguent les autres ».
A la question du renforcement de l'attractivité économique et agricole de l'Isère, tous les acteurs ont fait part de l'initiative originale du pôle agroalimentaire.
Le département de l'Isère se caractérise par la grande diversité de ses productions, par son usage des circuits courts et son bassin de consommation de 1,290 million d'habitants, « une chance », comme l'a souligné Jean-Claude Darlet, président de la chambre d'agriculture de l'Isère.
Il cite également les atouts que représentent la présence de produits de qualité consommés localement et d'une industrie agroalimentaire. Mais cette dernière « a perdu la valeur de la production des exploitations ».
Equilibre matière
Constat est fait que tous les acteurs sont en place, reste seulement à recréer du lien qui réponde aux exigences d'équité, de qualité et de traçabilité.
Pour les producteurs comme les transformateurs, les problématiques avancées sont très concrètes.
Yannick Bourdat, président de l'association Eleveurs de saveurs, qui rassemble plus de 30 producteurs de bovins viande, retrace leur parcours, depuis le travail avec quelques boucheries iséroises jusqu'aux essais avec la GMS, comme le SuperU de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, mais aussi avec les cuisines mutualisées du département.
Simplifier la mise en relation
« On se bat, on essaie », déclare l'éleveur qui insiste sur la recherche de l'équilibre matière. Si la RHD est intéressée par les avants des bêtes pour ses plats cuisinés, qui veut des arrières ? « Combien de restaurants, comment les livrer ? Nous avons besoin d'un réseau pour simplifier la mise en relation et combler tout le monde ».
A l'interface entre les producteurs et les transformateurs ou les consommateurs, l'abattoir de Grenoble a su conserver et renforcer son atelier de découpe afin que cette prestation ne soit pas le maillon manquant à toute la chaîne.
« C'est aussi une question de volumes », avertit Eric Rochas, éleveur dans le Vercors et président de la SCIC qui gère l'outil. « Nous devons arriver à créer quelque chose ensemble, un nouvel outil, poursuit-il. Et heureusement que le département est là pour accompagner les investissements. »
Tout est dans la rencontre et la volonté de faire ensemble.
Un outil intermédiaire fiable
Martine Jonnet, qui a repris en 2005, l'entreprise Motte Viandes à La Mure ne dit rien d'autre.
L'entreprise, spécialiste de la charcuterie traditionnelle, s'est inscrite dans la niche des recettes locales : tourtes, rissoles, caillettes, matefin etc.
Pour les viandes, elle s'approvisionne chez un grossiste ou un agriculteur voisin, « c'est tellement plus pratique », explique la dirigeante d'entreprise.
En recherche de produits de qualité, elle reconnaît que la restructuration de l'abattoir « permet enfin de travailler avec les agriculteurs locaux. Je suis rassurée qu'il existe une structure intermédiaire fiable ».
Du bons sens
La question récurrente reste celle de l'équilibre matière, pour les porcs comme pour les bovins. « Il faudrait développer une chaîne avec les charcuteries intéressées par les autres morceaux ».
La connaissance du tissu d'entreprises et de producteurs locaux est pointée comme une urgence.
Même constat pour Pascal Moiroud, dirigeant des saucissons Moiroud Salaison et conserverie à l'Isle-d'Abeau. « Mettre en avant les produits autour de chez nous, c'est du bon sens. Encore faut-il trouver ces produits », lance le dirigeant.
Pour valoriser certains morceaux, il a créé une activité conserverie il y a trois ans. Mais, à défaut de pouvoir s'approvisioonner en Isère, il se sert en région.
« Il faudrait un outil pour se répartir les morceaux », convient-il lui aussi.
A cela s'ajoute un réél déficit de matière première pour les transformateurs, surtout dans les filières porcines et avicoles, du fait que les projets sont souvent bloqués pour des raisons d'acceptabilité sociétale.
Hyper local
Pour autant, ces efforts que tente de canaliser le pôle agroalimentaire, seraient vains si le consommateur n'était pas prêt à consommer local. « Le client est sensible au local et encore plus à l'hyper local », affirme Ludovic Calloud, directeur du SuperU de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs.
Mais il estime que la démarche doit s'accompagner « d'une histoire autour du produit ».
Enfin, à la question du prix, Yannick Bourdat affirme que « ce n'est pas parce que c'est local que c'est plus cher ». Il ajoute : « Il faut jouer carte sur table : le prix ferme, le transport, la tuerie, la découpe et la livraison. On arrivera réellement à construire si tout le monde fait des efforts. »
Pascal Moiroud observe pour sa part que le choix du client « se fait sur la qualité et le prix ».
La réponse au besoin d'organisation des filières pour approvisionner les marchés locaux, qu'il s'agisse de RHD, de GMS ou de vente directe, passe forcément par le pôle agroalimentaire isérois. La démarche est scrutée par les autres départements, signe qu'elle détient très certainement une part de vérité.
Isabelle Doucet
DébatAttractivité et pression foncière
« Nous sommes fiers que des grands projets structurants se développent en Isère. Pour autant, il ne faut pas oublier que le foncier impacté est du foncier agricole, et le plus souvent des parcelles plates, bien situées. Alors, une bonne innovation serait que la restauration des grands groupes se fournisse en production locales.» David Rivière, éleveur allaitant à Virieu, n'a pas mâché ses mots à l'issue de la deuxième table ronde des ateliers départementaux sur la compétitivité iséroise.
Les acteurs économiques se réjouissent en effet que le département bénéficie de solides infrastructures qui permettent d'attirer les entreprises.
Et la disponibilité du foncier fait partie des éléments d'attractivité et de compétitivité mis en avant.Cohabitaiton acceptableMais la question de la concurrence entre les activités agricoles, les activités industrielles et de service et les préoccupations environnementales est rarement abordée.
« C'est une préoccupation quotidienne », se défend pourtant Christian Breuza, directeur de la structure d'aménagement Elegia.
Il cite en exemple le dossier des compensations du Médipôle de Bourgoin-Jallieu où l'aménageur est parvenu à obtenir « une cohabitation acceptable entre les zones agricoles et celles de protection de la nature ».
Il poursuit : « Nous cherchons à prendre des zones de compensation à l'intérieur de nos ZAC. »
Mais reconnaît que l'extension du parc de Chesne à Saint-Quentin-Fallavier, prélèvera encore 200 hectares de terres cultiviées de qualité.
« Un moyen de libérer la pression sur l'agriculture est de reconstruire sur l'existant », a fait justement remarquer dans l'auditoire un responsable du bureau d'études Envisol à Pont-de-Claix.ID