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Qualité

Le saint-marcellin décroche enfin son label

Après 20 ans de procédures administratives, le fromage saint-marcellin décroche enfin son Indication géographique protégée (IGP), soulignant la qualité de l'élevage laitier isérois.
Le saint-marcellin décroche enfin son label

Depuis le mois d'octobre, les professionnels se doutaient bien que l'Indication géographique protégée, qui avait été validée par Bruxelles, devait paraître au Journal officiel européen dans les deux mois. C'est chose faite depuis le 29 novembre dernier. « Nous avons été agréablement pris de court », reconnaît Bruno Neyroud, le président du comité pour le saint-marcellin (CISM), qui après 20 ans, attendait la nouvelle pour décembre. Il ne boude pas son soulagement, mais sait que c'est le début d'une nouvelle aventure. « Il nous reste à tout mettre en place pour la valorisation du produit et que cela fonctionne, en particulier pour tous les producteurs qui sont à l'initiative de cette démarche. »

La zone de l'IGP saint-marcellin recouvre le territoire du Dauphiné et regroupe 274 communes entre le fleuve Rhône et le massif du Vercors : 185 en Isère, 76 dans la Drôme et 13 en Savoie. Environ 120 producteurs sur les 230 éleveur du secteurs seront habilités à être collectés en vue de la transformation, qui est réalisée dans six fromageries : l'Etoile du Vercors (environ 60% de la transformation), la fromagerie Valcrest, celle du Dauphiné et Vercors lait en Isère, mais aussi la fromagerie Alpine à Romans et Sainte-Colombe en Savoie. Aujourd'hui, cinq producteurs fermiers souhaitent également intégrer leur production à la démarche IGP. La production annuelle, légèrement en retrait ces dernières années, s'élève à un peu moins de 2 800 tonnes en 2012, soit 35 millions de petits fromages. Sur les 59 millions de litres de laits collectés dans l'aire géographique, 33 millions sont transformés en saint-marcellin IGP.

A point nommé

Mais pour le comité du saint-marcellin, le sésame de l'IGP n'est qu'une heureuse étape. Reste désormais à rendre ce label intéressant pour les producteurs, efficace sur le segment commercial et à lever quelques derniers obstacles. C'est le cas du dispositif dérogatoire qui intéresse la fromagerie Valcrest, dont un atelier de fabrication est situé hors de l'aire géographique. Viendra aussi la question des primes liées à l'IGP. La négociation est toujours en cours entre les producteurs et les transformateurs. Depuis 1997, les producteurs collectés bénéficient déjà d'avantages liés aux négociations relatives à la démarche initiale pour l'AOC, qui se traduisaient en une prime régionale et une prime de qualité. « Il nous faut désormais trouver une transition à travers une prime pour ceux qui feront partie du cahier des charges, tout en conservant une prime de qualité pour les autres », explique le président du comité. « Les discussions avec les entreprises sont difficiles dans le cadre du contexte général laitier », explique à son tour Jean-Michel Bouchard, représentant de la section laitière pour la FDSEA. Pour lui, l'IGP revêt une autre importance car « elle fixe le lait sur un territoire. Cela dans un cadre politique européen de libre échange et de concentration laitière qui risque de faire perdre du lait dans les régions de montagne. La reconnaissance d'un produit comme le saint-marcellin est importante, mais tout reste à faire. Certains producteurs attendent beaucoup, car ils voient comment les produits sont valorisés dans les territoires voisins, mais il ne faut pas se faire d'illusions quant au prix du saint-marcellin. Le marché est difficile, mais l'IGP est un moyen d'inverser la courbe ». En effet, le retour à certaine dynamique commerciale, qui semble avoir abandonné le saint-marcellin depuis quelques années, est collectivement attendu. « Nous assistons à un tassement de la production, s'inquiète Bruno Neyroud, nous souhaitons que l'IGP permette de mieux valoriser le produit et que les tonnages retrouvent le chemin de la croissance. L'appellation vient à point nommé. »

Partenariat

Pour cela, Jean-Michel Bouchard compte beaucoup sur un partenariat « gagnant-gagnant » avec les entreprises de transformation, afin « qu'elles valorisent le travail et la qualité de la production laitière du territoire. Cela ne se fera qu'avec des exploitants qui travaillent dans de bonnes conditions et peuvent investir correctement dans leur outil de production ». D'autant qu'il souligne un cahier des charges contraignant, ne permettant pas de tirer les meilleurs marges pour des raisons de concentration et d'alimentation du bétail. L'éleveur en est persuadé : les bénéfices de l'IGP, qui induit des charges supplémentaires pour les exploitations, ne se fera ressentir que dans quelques années.

Pour l'heure, et sur le volet commercial, une fois que les anciennes étiquettes seront écoulées, va débuter une vaste campagne de communication autour de l'obtention de l'IGP, la quatrième appellation seulement en Isère après l'AOC de la noix de Grenoble, celle du Bleu du Vercors et l'IGP des vins de l'Isère. Bruno Neyroud mesure le chemin parcouru, émaillé de difficultés, pour obtenir cette reconnaissance : « En 1997, nous fait un blocage avec des camions pour obtenir une prime de qualité et plus tard, nous avons dû prendre la décision de cesser la démarche AOC pour partir sur l'IGP. Enfin, en juin 2012, alors que le dossier semblait entendu, il a été rejeté car, contre toute attente, on nous a demandé de préciser le taux de matière grasse. »

Pour autant Bruno Neyroud et Jean-Michel Bouchard affichent une belle satisfaction. « Pour l'Isère et la région Rhône-Alpes, c'est une nouvelle reconnaissance et le signe de la qualité de ses produits », confie ce dernier.

Isabelle Doucet

Un cahier des charges contraignant :

Le fromage saint-marcellin est issu d'un lait entier de vache cru ou thermisé, non standardisé en matières grasses ou en protéines. Les vaches laitières bénéficient d'une alimentation spécifique qui tient à une certaine autonomie alimentaire (80% de la matière sèche est issue de l'aire géographique), l'herbe représente quant à elle plus de 50% de la matière sèche de la ration annuelle et le foin 15%. Enfin, les aliments complémentaires ne dépassent pas 30% de cette matière sèche. La durée minimale de pâturage est de 180 jours par an et le chargement des exploitations est limité à 1,4 unité de gros bétail (UGB)/ha. Les étapes de la production du saint-marcellin se déroulent dans l'aire géographique. Sa teneur en matière grasse est de 40 à 65 grammes pour 100 grammes de fromage après dessiccation.