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Découverte

Le Vercors prêt à faire la fête du bleu

Les éleveurs du Vercors sont à pied d’œuvre pour organiser une édition originale de la Fête du bleu du Vercors-Sassenage le 26 et le 27 juillet à Méaudre. Dans un contexte sanitaire difficile, elle sera sans animaux, mais avec de nombreuses animations.

Par Isabelle Brenguier
Le Vercors prêt à faire la fête du bleu
De nombreuses animations autour du bleu et des produits locaux auront lieu durant cette 23e édition de la Fête du bleu.

A quelques jours de la 23e édition de la Fête du bleu du Vercors-Sassenage, qui se tiendra les 26 et 27 juillet à Méaudre, dans le massif du Vercors, les organisateurs ont changé leur fusil d’épaule.

Préoccupés par l’arrivée de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) en Savoie, ils ne veulent courir aucun risque de contamination. Aussi, ont-ils décidé dès le 7 juillet, d’annuler la venue de tous les animaux. Les 150 vaches et les nombreux chevaux qui avaient déjà confirmé leur participation ne seront donc pas de la partie.

« C’est une déception, c’est certain. Mais c’est tellement plus sage. Cette décision, qui a été prise en concertation avec le GDS de l’Isère, a soulagé tout le monde », confie Sylvain Faure, éleveur à Villard-de-Lans et président de la station d’élevage.

« Pour l’instant, la maladie n’est pas chez nous. Mais elle n'est pas loin. Nous voulons protéger nos fermes et éviter de promener les mouches des unes aux autres. Car nous savons que si une de nos bêtes étaient infectées, ce serait l’ensemble de nos élevages qui seraient touchés. Nous sommes une petite filière, nous ne voulons pas la compromettre », assure Alexis Fanjas, éleveur à Villard-de-Lans, et président du Siver (Syndicat interprofessionnel du bleu du Vercors-Sassenage).

Pour autant, les agriculteurs n’ont pas envisagé une seconde annuler la fête. Loin d’avoir perdu leur envie, ils s’adaptent et réfléchissent à de nouvelles animations pour organiser malgré tout, un beau week-end, et mettre selon leur slogan, « leurs produits sur un plateau ».

Outre toutes celles qui étaient déjà prévues dans les domaines de la découverte des produits locaux (1) et de la gastronomie, du patrimoine, de la culture, de la biodiversité…, ils imaginent aussi des olympiades pour les exploitants et le grand public.

« Immanquable »

Organisée pour la première fois en 2001, la Fête du bleu rassemble chaque été (2) entre 20 et 25 000 visiteurs. Autant dire qu’elle fait partie du paysage du Vercors et qu’elle a trouvé son public.

« Cette fête est « immanquable ». Elle est une vitrine de notre savoir-faire. Elle est importante pour nous retrouver entre éleveurs et faire connaître notre produit, pour nous donner l’occasion de rencontrer le grand public, de parler de nos pratiques, du cahier des charges de l’AOP (3).

Si nous regrettons de ne pas pouvoir organiser le comice, nous nous disons aussi que nous aurons plus de temps pour les échanges », estiment Sylvain Faure et Alexis Fanjas. Et plus largement, même si cela est difficile à mesurer, la fête a certainement contribué au fil des ans, à accroître la notoriété du bleu du Vercors.

« Organisée en période estivale, au moment où les touristes sont présents, nous savons que la manifestation nous ouvre sur l’extérieur », ajoute Loïc Duchêne, président de la coopérative Vercors lait.

« Nos produits ne partent pas très loin. A 90 %, le bleu du Vercors-Sassenage est commercialisé dans les agglomérations de Grenoble, Valence et Lyon. Soit la provenance des visiteurs », précise Alexis Fanjat.

D’ailleurs, les volumes écoulés ne trompent pas. Chaque année durant ce week-end, environ 2 000 kilogrammes sont commercialisés, que ce soit par les fermes en direct ou par la coopérative. Pour cette édition, cette dernière en a déjà mis 1 000 kilos de côté, et pourrait en rajouter plusieurs centaines si cela était nécessaire.

« Plus qu’une fête agricole, cet évènement est une fête de territoire », assurent les organisateurs. Bien que les éleveurs soient en première ligne, la manifestation bénéficie aussi chaque année de l’implication de la commune et de la communauté de commune hôtes, du Parc naturel régional du Vercors et de nombreuses associations locales.

Isabelle Brenguier

(1)   Des démonstrations de fabrication de bleu du Vercors-Sassenage seront mises en œuvre. Très appréciées, elles permettent de comprendre ce process artisanal.

(2)   La fête est en principe organisée une année en Isère et une année dans la Drôme.

(3)   Appellation d’origine protégée

Anniversaire

Déjà 150 ans pour la Station d’élevage des Quatre montagnes

La Station d’élevage des Quatre montagnes célèbrera à l’occasion de la 23e édition de la Fête du bleu du Vercors-Sassenage, ses 150 ans. Durant cette période, l’organisme a rassemblé les éleveurs et œuvré pour la race villarde.

Déjà 150 ans pour la Station d’élevage des Quatre montagnes
En 150 ans, la Station d'élevage des Quatre montagnes a organisé 130 comices.

Du haut de ses 150 printemps, la Station d’élevage des Quatre montagnes en a vu passer des générations d’éleveurs du Vercors. « Plus de 130 comices ont été organisés entre 1875 et aujourd’hui », rapporte Patrick Rey Giraud, éleveur à Autrans-Méaudre-en Vercors, ancien président de la station.

Créée par César Bévière, vétérinaire à Grenoble, la structure avait pour objectif d’améliorer et de perfectionner la race villard-de-lans, communément appelée villarde, et d’organiser les comices. A cette époque, il y avait un fort engouement pour ces bêtes. On comptait plus de 200 animaux. Les éleveurs devaient être sacrément motivés, car il n'y avait ni camion, ni bétaillère, pour les transporter… Après ce fut plus compliqué... »

Capable de produire « du lait, de la viande et du travail », la villarde n’a pourtant pas réussi à assurer sa pérennité. « Les éleveurs n’ont pas su s’entendre et définir ce qu’ils voulaient faire de cette vache », estime l’ancien responsable.

Pour Claude Rochas, éleveur retraité de Lans-en-Vercors, qui a participé à tous les comices du plateau depuis son plus jeune âge, « ils n’ont pas su prendre la bonne décision au bon moment. Il y avait pourtant de belles bêtes, mais il n'y a jamais eu ni organisme de sélection, ni objectifs définis, ni livre généalogique, ni taureaux d’insémination. C’est dommage. Mais c’était la période de l’après-guerre, il fallait nourrir les familles, les agriculteurs avaient des investissements, il a fallu produire du lait. De nombreux croisements ont été réalisés, avec des charolaises, des tarines, des abondances, des blondes d’aquitaine. Et puis la montbéliarde est arrivée. Cela a été difficile dans les familles, entre ceux qui voulaient garder la villarde et ceux qui ne voulaient pas. Parfois, c’était même la guerre », se souvient-il.

C’est comme cela que la villarde a périclité, jusqu’à quasiment disparaître, d’autant que les troupeaux avaient été décimés pendant la guerre. Mais grâce à différentes politiques de relance et de réhabilitation de la race, la villarde ne s’est pas éteinte.

La reconnaissance en AOP du bleu du Vercors-Sassenage en 1998 lui a redonné des couleurs. D’abord parce qu’au sein de son cahier des charges, la villarde était l’une des races autorisées, puis parce que depuis 2020, il oblige les éleveurs engagés à posséder un minimum de 3% de vache de cette race.

La même fierté

L’aventure de la station et de la villarde - intrinsèquement liées- est donc bien longue. Durant toutes ces années, elle a réussi à rassembler tous les éleveurs du territoire des Quatre montagnes, qu’ils possèdent des bovins, des ovins ou des caprins.

Selon Patrick Rey-Giraud, « elle n’a pas perdu de son intérêt. Elle a toujours contribué à créer une dynamique, à fédérer les éleveurs et les acteurs de l’agriculture du territoire ».

Depuis 2020, il a passé le témoin à Sylvain Faure, éleveur à Villard-de-Lans, et il souligne : « Cela fait plaisir de voir que les jeunes restent intéressés, rentrent dans le conseil d’administration et prennent des responsabilités. On a toujours la même fierté de présenter des animaux, le même plaisir à passer du temps ensemble. On sait que le métier d’agriculteur est un métier solitaire, mais c’est important de créer des occasions de rencontre et d’échanges. Un comice, cela sert à cela », insiste-t-il.

Dermatose nodulaire oblige, il n’y aura donc pas de comice lors de ce 150e anniversaire, mais les éleveurs l’assurent : « Il y aura de belles animations. Nous passerons un bon moment ».

IB

Les « Graines d’éleveurs » du Vercors

Les « Graines d’éleveurs » du Vercors
Les jeunes du Vercors passionnés par l'agriculture et l'élevage sont rassemblés au sein de l'association « Graines d’éleveurs ».

Ils ont entre six et 18 ans. Ils aiment leur territoire. Et ils sont passionnés par l’agriculture et l’élevage. Ces « Graines d’éleveurs », rassemblées au sein de leur association éponyme créée en 2017, jouent un rôle majeur de sensibilisation à la préservation de la biodiversité de leur territoire, notamment la vache villard-de-lans, cette race locale du Vercors qui a bien failli disparaître, et le gypaète barbu, ce vautour qui fait l’objet d’un programme de réintroduction dans le massif.

« Ces deux espèces animales sont emblématiques du plateau du Vercors. Elles font partie de la biodiversité. Elles sont notre héritage. C’est pour cela qu’il est important de les protéger », explique Meije Rochas, 14 ans, co-présidente des « Graines d’éleveurs ».

Elle détaille : « Pendant longtemps, les croyances populaires faisaient penser que les gypaètes s’attaquaient aux enfants et aux agneaux. Mais il n’en est rien. Ce sont des charognards qui ne s’intéressent qu’aux cadavres. Ils sont très utiles pour les nettoyer et empêcher la prolifération des maladies ».

Pour sensibiliser les éleveurs et les visiteurs à ces animaux, la trentaine de jeunes adhérents à l’association participe à de nombreuses manifestations au sein desquelles ils expliquent les caractéristiques de chacun d’eux.

Que ce soit à l’occasion de la Fête du bleu ou lors du Salon de l’agriculture à Paris, ils martèlent les mêmes messages. Ils évoquent leurs expériences dans les fermes de leurs parents. Ils racontent comment la villarde a pu être sauvée. Et ils font part des lâchers de gypaètes auxquels ils participent régulièrement avec les agents du Parc naturel régional du Vercors depuis plusieurs années déjà…

Il ne faut pas se fier à leur jeune âge. Ces « Graines d’éleveurs » disposent déjà de solides connaissances dans le milieu de l’élevage et de l’environnement et sont très investis pour les partager.

IB