Les agriculteurs contrôlent le Carrefour de Voiron

Ils étaient déterminés. Le petit groupe d’agriculteurs qui s’est présenté dans le locaux du magasin Carrefour de Voiron, mercredi 19 août était là pour sensibiliser et faire de la pédagogie, autant envers les consommateurs, peu nombreux en cette période estivale, qu’envers les dirigeants du magasin. « En complément des actions coup de poing du début de l’été, aujourd’hui, on renseigne nos fiches, on reste présent, confirme Laura Budillon-Rabatel, présidente cantonale des jeunes agriculteurs. On vient leur faire voir qu’on ne lâchera et que l’on garde toutes ces enseignes à l’œil. »
Producteurs régionaux
Pourtant, au moins dans l’affichage, ce magasin Carrefour, intégré dans le groupe Provencia, a l’air de travailler fortement avec les producteurs locaux. Les affiches et les étiquettes placées en de nombreux endroits des rayons incitent à le croire. Mais les producteurs étaient venus vérifier si cela correspondait à une réalité en contrôlant l'étiquetage des produits. Côté lait, celui estampillé régional l’était : l’occasion pour Laura Budillon de faire œuvre de pédagogie auprès des journalistes ou des consommateurs présents vis-à-vis de l’estampille sanitaire (FR pour France et 38 pour l’embouteillage en Isère). Dans le rayon viande, les choses sont moins claires. Les publicités garantissant l’approvisionnement local sont nombreuses, mais sur les produits, on sait surtout que l’emballage des viandes est réalisé dans le 74 (Haute-Savoie) ce qu’un porte-parole du magasin confirmera en indiquant qu’il y a un atelier de transformation du groupe Provencia dans ce département. La direction du magasin refusant de rencontrer la presse, on ne peut pas en savoir beaucoup plus. Cependant, Sébastien Ferrand, directeur du magasin arrivé depuis deux mois (ce qui explique peut-être son attitude prudente) a exposé aux producteurs, que si la saucisse ne pouvait pas être marquée 100% française, c’est que le boyau de provenance européenne l’en empêche. Mais la viande serait bien hexagonale.
0,65 à 2,5 euros pour le saint-marcelin
Les producteurs ont eu « un échange simple, cordial dans la forme, mais finalement peu transparent, estime Laura Budillon-Rabatel, notamment en matière de prix ». Là, comme d’habitude c’est l’histoire de la patate chaude ou des méandres de filière difficiles à décrypter. Ce que les producteurs savent, c’est que le saint-marcellin AOC qui part de l’usine Lactalis est vendu 0,65 euros selon nos sources. Il est présent dans les rayons du magasin Carrefour à 2,50 euros. Entre, il y a au moins un passage par la centrale d’achat Carrefour Provencia. La différence entre ces deux prix reste importante. « Où passent toutes ces marges », s’interroge Thierry Blanchet, représentant de la FDSEA, à l’initiative de l’action syndicale du jour.
Pour la viande, le circuit est plus compliqué notamment au niveau de la formation des prix, les cours fluctuant toute l’année. Ce que les agriculteurs de la FDSEA et des JA de l’Isère ont appris, c’est que l’atelier de transformation de Provencia se fournit auprès de Bigard Socopa.
Europe sociale
Thierry Blanchet ressort un peu désabusé de cette rencontre. « Chacun est resté sur sa faim, constate-t-il, car on ne se comprend pas avec les distributeurs. Nous parlons de prix et eux de pourcentage. Je regrette également l'absence des transformateurs et d'élus politiques locaux qui avaient pourtant été invités à donner leur point de vue. Ce n'est pas anecdotique, car la solution viendra en partie d'eux car nous aurons besoin d'un cadre défini dans une Europe sociale. Les élus devront aussi indiquer clairement à la société combien ils veulent d'agriculteurs dans les dix ans. La politique d'installation en dépend. Si c'est deux fois moins, il faut le dire tout de suite.»
Le bon accueil des consommateurs était évident lorsque les manifestants leur tendaient des tracts et entamaient - brièvement - les explications sur leur présence. « Je comprend leur mouvement et suis consciente de la difficulté de leur travail. Alors quand ils réclament d’être payés pour leurs efforts, c’est normal », dira une consommatrice interrogée au hasard mais qui reflétait le ton général. Malgré tout, elle comme d’autres venaient aussi « parce que les GMS, c’est moins cher ».
Jean-Marc Emprin
1- Le magasin affiche visiblement une volonté marquée de travailler avec des producteurs locaux, ce que lui permet davantage l'appartenance au groupe Provencia.
2-Les barquettes de viandes dont l'origine n'étaient pas identifiable ont été dotées de stick explicites.
8 - La saucisse ne pourrait être indiquée d'origine française en raison de son boyau européen.