« Les agriculteurs puisent dans la trésorerie »

Depuis quatre ans, le Cerfrance Isère réalise un document (1) où sont compilés les résultats technico-économiques des principales filières du département.
Ce panorama de la performance des entreprises agricoles est complété par des prospectives sur l'année en cours.
« L'objectif de cette plaquette est de donner des chiffres et une explication du contexte », précise Romain Lecomte, responsable du conseil agricole du Cerfrance.
Cerfrance évalue également le risque financier (2) des entreprises, d'une année sur l'autre.
« Un niveau de risque moyen est déjà un indicateur d'alerte », prévient Romain Lecomte.
L'étude présentée porte sur 832 exploitations en Isère.
Le premier résultat significatif est le constat d'une érosion de 9% du revenu disponible par exploitation entre 2014 et 2015.
La médiane, en Isère, s'établit à 12 472 euros de revenu disponible par UTHF. Ce qui est peu. 44% des exploitants se dégagent moins de 10 000 euros annuels de revenu.
« Les agriculteurs ne se rémunèrent pas à hauteur de 1,5 smic, voire, ils puisent dans la trésorerie », constate le conseiller Cerfrance
Erosion des revenus
Dans la ferme Isère, une fois retranchés les prélèvements et les annuités, l'excédent brut d'exploitation (EBE) ne permet pas de dégager la marge d'orientation nécessaire pour investir ou consolider la trésorerie.
Le calcul du risque financier confirme une situation qui se tend : 18% des exploitations présentaient une risque moyen à élevé en 2015 contre 15% en 2014.
C'est sans doute dans la filière bovins lait que le climat est le plus dégradé.
« Il faut regarder la ligne de flottaison de la marge d'orientation. Or, en quatre ans, on constate qu'il n'y a qu'une seule année où elle est positive », détaille Romain Lecomte.
En 2015, le recul de la marge d'orientation est de - 8 716 euros.
La filière paie cash la fin des quotas laitiers, elle n'a pas la main sur l'évolution des prix. Même les meilleurs observent une érosion de leurs revenus. Quant aux jeunes installés fortement engagés financièrement, leur situation est très compliquée.
En bovins allaitants, l'érosion de la marge d'orientation est tout aussi symptomatique et structurelle. « Il conviendrait de réfléchir soit à un positionnement par rapport aux coûts de production, soit par rapport aux marché ou bien à une amélioration des productions pour gagner en valeur ajoutée », suggère le conseiller. Pour autant, la santé financière des entreprises se maintient, mais la filière est toujours en recherche de compétitivité « dans un contexte de marché chahuté ».
Aides PAC
Les perspectives diffèrent concernant les ovins viande. Le produit total des exploitations augmente grâce au produit de la viande et aux aides PAC.
Plus de 90% des élevages présentent un risque faible ou nul. La marge d'orientation pourrait se rétablir en 2016 pour une part importante des exploitations.
« La filière caprine lait se porte également mieux, après des années difficiles », note Romain Lecomte.
Le prix du lait de chèvre a été mieux valorisé cette année et les produits fromagers de qualité tirent leurs épingle du jeu.
Si la marge d'orientation s'améliore, elle ne permet toujours pas aux éleveurs caprin de dégager une rémunération nette de 1,5 Smic. Mais la conjoncture est favorable.
Idem en arboriculture et plus particulièrement en fruits d'été où le marché a été tenu par la qualité, l'export et une progression des prix moyens.
Du coup, la marge d'orientation est positive de plus 4 030 euros.
Mais face aux aléas climatiques et sanitaires, le Cerfrance pose la question de « l'investissement dans des filets paragrêle ».
Enfin, les chiffres de la filière céréales montrent une certaine dégradation de la situation des exploitations.
La marge d'orientation est fortement négative à moins 15 000 euros.
Déjà amorcée, la baisse des charges devrait s'accompagner de la recherche de nouvelles stratégies de commercialisation.
« Les critères de qualité ont un effet stabilisateur », fait remarquer Romain Lecomte.
La comparaison avec les chiffres des filières de qualité régionales (AOP, AOC IGP) révèle en effet un fort décrochage de la performance des entreprises en période de crise.
Isabelle Doucet
(1) Plaquette disponible dans l'espace Cerfrance connect
(2) Plusieurs critères entrent dans la notation, selon une méthode mise au point par l'Inra. Elle tient compte du taux d'endettement global, du taux d'endettement circulant (la trésorerie à court terme), de la charge de la dette et du revenu disponible par homme.