Les cerfs du Jura sous surveillance

La limitation des dégâts provoqués par les cerfs est un élément clé de la gestion durable des forêts sur le massif du Jura. Et pour gérer raisonnablement les populations de grands herbivores qui s'installent peu à peu, un observatoire du cerf a été créé, dans le cadre d'un programme européen, lancé entre 2006 et 2008. Et pour coordonner toutes ses actions, l'observatoire a confié une mission de surveillance à la fédération départementale des chasseurs du Jura. « On connaissait mal ces populations et leurs déplacements, explique Jérôme Bombois, technicien à ladite fédération. Nous avions des soupçons de déplacements ou d'échanges de populations importants avec le Pays de Gex où le cerf avait été réintroduit dans les années cinquante, voire sur le bassin genevois. L'objectif qui nous a été fixé était de mieux comprendre ces déplacements. Et ce pour gérer au mieux les populations et limiter ainsi le développement d'une problématique de dégâts forestiers... »
56 semaines de surveillance
La première phase de travail des techniciens jurassiens a été de définir les actions à mener, de les chiffrer, de chercher des financements, d'établir un calendrier, tout en coordonnant des actions avec les techniciens des fédérations départementales concernées, les gardes faune du canton de Genève et des techniciens forestiers. Puis ce furent les opérations de capture, au fusil hypodermique, de quelque 36 biches et cerfs. Tant sur France que sur Suisse.
« Nous souhaitions trouver les réponses à des questions précises, explique Jérôme Bombois. Était-ce les mêmes cerfs présents sur le Haut Jura et le Pays gessien, la Suisse ? Était-ce la même population ? Quelle devait être son échelle de gestion ? Que devenaient ces cerfs en hiver et quelles distances étaient-ils capables de parcourir ? »
Les cerfs ont alors été équipés de colliers émetteurs, programmés sur une période de 56 semaines. Toutes les deux heures, chaque animal pouvait être localisé – sauf en cas de zone blanche téléphonique – et des informations enregistrées sur son activité : mouvement, inclinaison du cou, vitesse de déplacement... Au bout des 56 semaines, les colliers s'ouvraient automatiquement, tombaient au sol en attendant d'être récupérés. Ce qui ne fut pas toujours une mince affaire puisque le dernier collier GPS n'a été retrouvé qu'à Pâques 2015, par un promeneur, du côté de Divonne-les-Bains.
Un plan de chasse transfrontalier
Les données recueillies ont été analysées, étudiées et ont fait l'objet d'un rapport détaillé. « À chaque échelle sont identifiés l'emplacement géographique, la distance et l'orientation des déplacements, explique Jérôme Bombois. Les liens entre les migrations saisonnières et les conditions climatiques locales sont analysés. Même démarche pour les déplacements quotidiens lors des activités de chasse... On a alors noté que les animaux s'affranchissent des limites départementales et de la frontière... Pour le Jura par exemple, les biches et les cerfs sont les mêmes que ceux étudiés sur le Pays de Gex.
À partir de ces éléments, entre gestionnaires des différentes entités administratives, il a été défini un périmètre de l'unité de gestion biologique de la population de cerfs. C'est à cette échelle que le plan de chasse doit être défini, en étroite collaboration entre tous les acteurs du Jura, de l'Ain et de Suisse. C'était important pour installer durablement ces effectifs et gérer, dans le temps, les forêts de ce massif du Jura.
Michel Ravet