Les chambres d’agriculture doivent accélérer la régionalisation
La Cour des comptes a rendu publique, le 1er octobre, ses observations définitives sur le réseau des chambres d’agriculture depuis leur régionalisation. Si elle donne quitus à certaines avancées récentes, elle estime que des transformations restent nécessaires.
Comme toujours dans les rapports de la Cour des comptes, les rondeurs du langage cachent des piques plus acerbes et des exigences très marquées. Celui sur les chambres d’agriculture publié le 1er octobre ne déroge pas à la règle. Que dit ce rapport1 ? Que la régionalisation des chambres d’agriculture engagée depuis le décret du 13 mai 2016 et qui impose aux chambres départementales et interdépartementales le transfert de leurs compétences et de leurs moyens de support (notamment la gestion du personnel, la paie et les achats) vers les chambres régionales d’agriculture, peine à s’appliquer. L’objectif de cette mutualisation, qui doit rendre le système plus efficace, performant et plus sobre financièrement, n’a été réalisé que dans quelques régions.
Pouvoir de sanction
Incidemment, les magistrats de la rue Cambon estiment que le mode d’élection des chambres ne facilite pas la dissociation des responsabilités syndicales d’une part et la conduite d’un établissement public, avec ses missions de service public, d’autre part. Et de conclure, au regard de cette analyse que « l’un des freins à une plus grande intégration régionale tient en effet au caractère principalement départemental de la légitimité électorale des élus des chambres ». La Cour recommande d’ailleurs que « lors de la signature du prochain contrat d’objectif et de performance (COP), Chambres d’agriculture France instaure, pour les prochaines élections (2031), un scrutin régional pour l’élection des membres des sessions des chambres territoriales et des chambres régionales ». Cette disposition permettrait à la tête de réseau de mieux se faire « respecter ». Mais ainsi que le souligne Chambres d’agriculture France, elle ne dispose pas de pouvoir propre de sanction à l’égard des autres Chambres. Ce dispositif est prévu par la loi d’orientation agricole du 24 mars 2025 mais le décret d’application n’a pas encore été publié au Journal officiel. La Cour des comptes qui recommande « l’unification nationale des systèmes d’information » et la gestion des ressources humaines, lui enjoint aussi de mieux gérer son parc immobilier. Si Chambres d’agriculture France a commandé une étude d’opportunité sur la pérennité de l’implantation actuelle de son siège (6 500 m²) à Paris (8ème) au regard des investissements à réaliser, les magistrats s’étonnent des cas « édifiants » des projets immobiliers conduits par les deux chambres d’agriculture corses. Pour asseoir encore plus le pouvoir de la tête de réseau, la rue Cambon propose de transférer la détermination et la répartition du produit de la taxe pour frais de chambres d’agriculture (TFCA) directement à Chambres d’agriculture France.
Situation fragile
La Cour presse le réseau des chambres à mieux « accompagner l’agriculture française dans ses transitions » et se recentrer sur certaines missions comme le conseil, la gestion de l’eau, l’agriculture biologique, la gestion forestière. Ce recentrage devra intervenir d’autant plus rapidement que le réseau aura à appliquer de nouvelles missions : l’identification animale à partir du 1er janvier 2026 et la gestion du guichet unique France Services Agriculture par la transmission et l’installation et à la transmission à partir du 1er janvier 2027. « La stratégie numérique devra également s’amplifier, notamment autour du portail ‘‘Mes Parcelles’’, afin de renforcer l’efficacité et la cohérence de l’action », souligne également le rapport. Enfin, les magistrats du chiffre souhaitent plus de transparence et une meilleure efficience financière de la part du réseau « Si certaines chambres ont dégagé des excédents, près de 42 % étaient déficitaires en 2023. La situation est particulièrement fragile en Corse et Outre-mer, où la conjonction de difficultés structurelles agricoles et de choix de gestion discutables réduit la capacité contributive », indique le rapport. A ce titre, ils demandent que le prochain COP (2026-2030) fixe « des cibles plus ambitieuses, garantisse une comptabilité analytique fiable, généralise la certification du service rendu et assure le suivi des gains attendus de la mutualisation ».