Les chasseurs, régulateurs du loup

« La population de loup est en perpétuelle augmentation, c'est un fait, déclare Michel Savin, sénateur de l'Isère. Et il est impossible de faire cohabiter les loups, les éleveurs, les patous et les randonneurs. Il est donc temps d'essayer de faire bouger le cadre législatif national », estime-t-il, vendredi 26 août, aux côtés de Frédérique Puissat, conseillère départementale et maire de Château-Bernard et de Bernard Perazio, conseiller départemental dans le Royans.
Ces deux-là confrontés tout l'été aux attaques incessantes du loup, ont donc sollicité le sénateur pour porter des propositions au niveau national. « Nous allons demander à l'Etat, via la loi, de donner les moyens juridiques et matériels aux chasseurs via les ACCA d'organiser une régulation réelle du loup, annonce le sénateur d'opposition. Et nous allons essayer d'introduire dans la discussion de la loi Montagne une reconnaissance de la fonction de chiens de protection des troupeaux afin d'atténuer la responsabilité des éleveurs dans le cadre d'un accident comme celui de Chichilianne. »
Bataille économique et sociale
« Aujourd'hui nous sommes interpellés par la détresse des éleveurs qui se sentent incompris, s'alarme Bernard Perazio. Nous sommes face à une détresse sociale, un sentiment d'abandon. Le loup descend de plus en plus dans les vallées, attaque les troupeaux de plus en plus en plein jour. Face à cela, les éleveurs reculent et abandonnent. » Sentiment identique de Frédérique Puissat quand elle analyse la situation qu'elle vit tous les jours en tant que maire dans le Trièves. « Le loup est en train de gagner une bataille sur le terrain, une bataille économique avec le départ des éleveurs et des touristes, une bataille sociale quand on voit la détresse morale dans laquelle se trouve le berger qui doit assumer aujourd'hui le comportement de ses chiens. » Et elle élargit ces constats au rôle des maires : « nous, en tant qu'officier de police judiciaire (OPJ), ne sommes plus capables d'assurer la sécurité de nos concitoyens, dans le territoire communal. » C'est bien pour cela qu'un certain nombre de maires ont pris au début de l'été, des arrêtés municipaux requérant l'appui des ACCA dans le cadre d'atteinte avéré à la sécurité publique. Le nouveau préfet de l'Isère vient d'envoyer aux maires concernés, un courrier (dans le cadre d'un recours gracieux) leur demandant de retirer ces arrêtés.
Interventions politiques
« Certains l'ont fait, mais pas tous », confirme Frédérique Puissat. L'avis des trois élus est que des instructions précises sont venues de Paris ordonnant au représentant de l'Etat d'aller dans ce sens. Hormis cet épisode politico-juridique, les trois reconnaissent aussi que le préfet, dès son arrivée a eu une écoute attentive du dossier. « Les services de l'Etat chargés de l'environnement ne nous aident pas en Isère », se plaignent les trois élus. Pour preuve des conditions draconiennes, et à la limite du ridicule, avaient été formulées lors de l'autorisation d'abattage du premier loup. « Très rapidement après son arrivée, le nouveau préfet a fait rectifier certaines conditions pour permettre une régulation plus sérieuse. » C'est pour cela que les maires concernés « ne veulent plus que ce dossier soit suivi par les services de l'environnement mais par ceux gérant la chasse », affirme Frédérique Puissat. Mais du côté des politiques, il n'y pas vraiment un front commun de l'ensemble des élus locaux, maires, conseillers départementaux ou députés et sénateurs vis-à-vis de la régulation du loup. « A quelques mois des élections présidentielles, il a un peu tendance à se lézarder », avancent-ils. Mais Bernard Perazio apporte un bémol : « ce n'est pas tellement un clivage droite-gauche qu'il faut rechercher, mais davantage une opposition population des montagnes et citadins, ces derniers percevant nos territoires comme des espaces de loisir et non des espaces économiques. » Le malaise semble profond.
Jean-Marc Emprin