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NÉGOCIATIONS

Les coopératives entre contraintes juridiques et partenariats

Si les lois Égalim ont apporté des garanties aux producteurs dans les négociations commerciales, celles-ci restent encore souvent marquées par le rapport de force. Partout en France, des coopératives ont cependant mis en place des partenariats associant acheteurs, transformateurs et producteurs.

Les coopératives entre contraintes juridiques et partenariats
Avec la fin d’année revient le temps, souvent redouté, des négociations commerciales entre les entreprises agroalimentaires et la grande distribution.

Sept ans après la promulgation de la première loi Égalim, ses avatars cristallisent toujours les débats. « La loi a eu un effet positif sur le long terme sur la rémunération des producteurs de lait », a assuré Jean-Marie Le Bris, directeur des produits de grande consommation de Laïta. « Dans le contexte actuel de concentration de nos interlocuteurs en aval de la filière, heureusement que nous disposons de cet outil ». Un jugement que relativise la sénatrice Anne-Catherine Loisier (UDI – Côte-d'Or), rapporteuse du groupe de suivi des lois Égalim au Sénat. « Depuis le début, le législateur courre après les tentatives de contournements des textes », a-t-elle souligné. L’adoption d’un seuil de revente à perte majoré de 10 % (SRP+10) « n’a pas abouti à un ruissellement de la marge comme escompté, les objectifs d’approvisionnement en restauration collective n’ont pas été atteints et l’obligation de contractualisation écrite est loin d’être respectée dans certains secteurs, notamment en viande bovine, a-t-elle énuméré. On assiste même, en ce moment, à un retour à la guerre des prix avec la multiplication des publicités comparatives ». L’élue de Côte d’Or ne souhaite pas pour autant détricoter la loi et appelle « à préserver un cadre juridique stable pour les opérateurs en le décomplexifiant ». Une position partagée par Thierry Dahan, médiateur des relations commerciales agricoles qui déplore également « l’accumulation des textes ». Thierry Dahan plaide pour une simplification du dispositif en le concentrant sur le périmètre de l’agriculture française (en excluant les eaux, les sodas, les bières ou encore le pet-food), mais aussi en imposant un cadre plus « directif » sur les évolutions de prix, afin d’en finir avec « les contestations permanentes de la distribution »« La complexité de la loi a entraîné une surcharge administrative considérable », a témoigné Jean-Marie Le Bris, de Laïta. « Pour ceux qui ont choisi l’option 3 de transparence sur les prix (qui prévoit une intervention, à deux reprises, d’un tiers indépendant certificateur, Ndlr), les attestations ont un coût énorme, correspondant à des centaines de milliers d’euros à l’échelle de Laïta », a-t-il assuré.

Affrontement ou partenariat 

L’affrontement ou la suspicion sont cependant loin d’être généralisés dans les relations commerciales, ont témoigné plusieurs coopératives aux côtés de leurs clients. C’est le cas en particulier des partenariats noués par la coopérative U avec ses homologues du secteur agricole. « Nous avons mis en place 32 filières - quelque fois bien avant Égalim - s’appuyant sur 105 contrats tripartites », énumère Bertrand Morand, directeur partenariat et filière agricole. « Ce sont des contrats de trois à cinq ans qui garantissent des volumes fermes chaque année et qui s’adaptent aux prix de marché et aux coûts de production. » L’objectif de l’enseigne, de modèle coopératif est de sécuriser ses approvisionnements en matière première, en particulier sur ses marques propres. Pour Antoine Lacombe, directeur commercial de Galliance, la filière volaille Terrena, le partenariat engagé avec le distributeur pour sa marque U n’a rien d’anodin pour les éleveurs. « Dès les premières discussions en 2015, la volonté était d’apporter une offre différenciée sur un produit du quotidien, le poulet, avec des engagements en matière d’alimentation sans OGM, de bien-être animal ou encore de certification bleu-blanc-cœur », explique le cadre de l’entreprise. « Si ce partenariat dure ainsi dans le temps, c’est que nous nous sommes confrontés à la vision de nos metteurs en marché et qu’ils se sont intéressés à nos contraintes », explique-t-il. « Nous avons notamment beaucoup d’échanges sur la gestion mais aussi sur l’équilibre matière ». Depuis 2017, les volumes de poulets produits par Galliance pour la filière U « Engagés avec nos producteurs » ont doublé. 

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Avec Pomona, Lunor diversifie son offre

Des relations commerciales fructueuses et apaisées peuvent également être trouvées avec la restauration hors-domicile. C’est le cas de celles mises en place par la coopérative normande Lunor, à l’origine de la « 5e gamme » (légumes cuits à la vapeur et vendus sous-vide), avec son client Pomona, leader national de la distribution livrée de produits alimentaires aux restaurateurs et commerce de proximité. « Il y avait des raisons objectives à ce rapprochement », a expliqué Bruno Mauduyt, directeur général de cette coopérative filiale de NatUp. « Pour approvisionner cantines et restaurants d’entreprise, Pomona avait des besoins dans l’année scolaire, mais pas en été, ce qui correspondait à nos cycles de production », indique Bruno Mauduyt, dont la coopérative commercialise auprès de Pomona des pommes de terre précuites, des betteraves, des lentilles, des carottes et légumineuses sur la base de contrats pluriannuels. « De notre côté, nous étions à la recherche de fournisseurs locaux mais capables de s’inscrire dans la durée, ce qui est le cas d’une coopérative », complète Claire Bueno-Ragache, directrice Stratégie et développement de Pomona. « Les produits proposés répondent aux exigences d’Égalim en matière d’approvisionnement local et de végétalisation mais Lunor est aussi capable d’innover, par exemple en proposant des produits pasteurisés sans conservateurs et non stérilisés. » Le partenariat a même permis à des adhérents de NatUp de diversifier leur assolement, par exemple en se lançant dans la lentille, le pois chiche ou encore les fèves Edamame.