Les éleveurs laitiers veulent reprendre leur destinée en mains
Pour donner l’envie à des jeunes de s’installer en élevage laitier, l’un des leviers reste la rémunération. Or celle-ci n’est pas totalement au rendez-vous, ont estimé les responsables de la FNPL (FNSEA) lors d’une conférence de presse sur le Space à Rennes (Ille-et-Vilaine).
Le prix moyen du lait standard de vache en Europe a augmenté de 15 % en mai dernier par rapport à mai 2024. Selon le ministère de l’Agriculture (Agreste), il était payé 486,60 euros les 1 000 litres (€/1000 l) en mai dernier en France. Or les producteurs sont à la peine en termes de prix (et donc de rémunération) en comparaison de leurs concurrents européens : les écarts sont importants : les éleveurs irlandais sont payés 27 €/1000 l de plus, les Belges 38 €, les Allemands 49 €, les Pays Bas 79 € et les Italiens 93 €. « Ça ne peut plus durer », se sont agacés les représentants des éleveurs laitiers qui estiment avoir réalisé les efforts nécessaires de compétitivité. Ils demandent aux autres acteurs de la filière, plus précisément aux industriels privés de « faire cet effort », a martelé le président de la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), Yohann Barbe. « Leurs marges nettes sont très importantes : de l’ordre de 5 à 7 % quand celles des coopératives laitières peinent à atteindre 1 % », a-t-il ajouté. Pourquoi un tel écart ? Parce les industriels privés importent du lait étranger quand les coopératives privilégient le lait français, ont fait entendre les responsables syndicaux. Pis. « Les industriels privés ont massivement investi dans les unités de transformation hors de France, pour un montant de 25 milliards d’euros », a constaté Yohann Barbe qui aurait préféré que ces industriels se concentrent sur la modernisation et la compétitivité des outils de l’aval comme l’ont fait nos compétiteurs européens.
« Faire tomber l’apport total »
Les éleveurs entendent peser sur les négociations en cours pour faire revenir sur leurs exploitations une valeur ajoutée qui leur échappe en bout de chaîne. Pour ce faire, ils veulent réviser trois indices. En tête : l’indice beurre-poudre de lait. « Les discussions sont en cours depuis deux ans », s’est agacé Benoit Gavelle, secrétaire général adjoint de la FNPL qui a hâte d’aboutir. Sans accord, les éleveurs feront pression sur les organisations de producteurs pour qu’elles négocient avec les transformateurs et certains pourraient être tentés de porter une partie de leur lait « ailleurs », a mentionné Yohann Barbe. Ce dernier ne verrait pas d’un mauvais œil de « faire tomber l’apport total ». Le deuxième indice concerne celui de l’exportation des produits de grande consommation, l’objectif étant de réduire l’écart de prix entre les producteurs français et leurs homologues communautaires. Enfin, le troisième indice, et non des moindres, a trait aux coûts de production. Sur ce point, si les producteurs ont mis tous leurs comptes d’exploitation sur la table (« en totale transparence », a affirmé Yohann Barbe), il n’en va pas de même pour les industriels. « Nous voulons davantage d’équité dans la filière et revoir les modalités de durées d’amortissement pour parvenir, finalement, à une meilleure et plus juste rémunération », a insisté le président des producteurs laitiers. « Nous sommes souverains sur le lait, contrairement à d’autres productions et nous entendons le rester », a résumé le secrétaire général et éleveur dans la Loire, Stéphane Joandel.
Christophe Soulard