Accès au contenu
JA38

Les jeunes veulent être moteur

Gouvernance, prix du lait, mobilisation : l'assemblée générale des jeunes agriculteurs de l'Isère, qui s'est déroulée la semaine dernière à Chatte, a permis d'aborder tous les sujets d'actualité.
Les jeunes veulent être moteur

« Un mandat corsé, deux ans de crise agricole difficiles à gérer » : en accueillant l'assemblée générale des Jeunes agriculteurs, qui s'est déroulée le 9 mars à Chatte dans le canton de Saint-Marcellin, Fabien Ageron a remercié la présidente sortante, Françoise Soullier. « 180 adhérents qui voulaient manifester. C'est une responsabilité forte », a-t-il reconnu.

En égrenant toutes les actions mises en œuvre en 2015, on se rend compte combien la profession et sa jeunesse se sont mobilisées. Quelques avancées sur le court terme, « nous sommes conscients des problèmes de gouvernance et nous devons être moteurs dans l'évolution des filières », a rappelé Françoise Soullier. Pour elle, l'avenir de l'agriculture passe par une réflexion agro-éco et logique c'est-à-dire une agriculture qui retrouve une logique économique.

 

Les JA ont illustré leur malaise avec humour en interprétant une saynète où chaque acteur de la filière agricole joue une partition dissonante.

Niveau européen

Adrien Bourlez, président des JA Rhône-Alpes et Emilien Piroux, administrateur national, ont fait le point après le temps fort politique du Salon de l'agriculture. « Le combat ne se règlera pas en 15 jours, soulignait Adrien Bourlez. Il passe par une prise de conscience collective, des citoyens, du gouvernement et de nous-mêmes pour arriver à faire avancer les choses. Aujourd'hui, nous ne représentons que 2% de la population active », rappelle-t-il. « C'est compliqué, mais il existe des leviers ».

Compliqué parce qu'au niveau européen, tout le monde ne tire pas dans le même sens, à l'image de la traçabilité. L' Europe du Nord, s'appuie sur des critères de bien-être animal, tandis que l'Europe du Sud s'intéresse à l'origine des produits. Même au sein du Conseil européen des jeunes agriculteurs (Ceja), les choses ne sont pas simples. Alors que l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la France et l'Irlande s'entendent sur un accord autour de la mise en œuvre d'un plan d'urgence européen, les pays du Nord, hésitent et d'autres comme l'Allemagne sont divisés, entre logique de plaine et logique de montagne.

Pour Emilien Piroux, il importe que toutes les actions menées en région soient mutualisées, et que JA, au niveau central poursuive ses négociations. « Que tout le monde reste mobilisé », leur a-t-il enjoint.

Des boulets

La liste est longue des dossiers qui provoquent le mécontentement des JA. Au cours de leur assemblée générale, ils ont dénoncé tour à tour les blocages du photovoltaïque, la gouvernance qui leur échappe de la plupart des OP, les lourdeurs administratives ou encore le dossier brûlant des SNA.

« Pour ce qui concerne la compétitivité et la production de nouvelles normes, nous avons obtenu que, dans le cadre des discussions législatives, il serait tenu compte de l'impact économique », insiste Adrien Bourlez. Il annonce également l'exonération de mise aux normes pour beaucoup d'exploitations dans les zones d'installation classée. « On part avec une charrette de boulets aux pieds », reconnaît le président régional.

 

Les JA de l'Isère ont tenu  assemblée générale à Chatte.

 

Pour autant, certains dossiers avancent comme celui de l'harmonisation des charges sociales européennes. Prix du lait, de la viande, des céréales : « le syndicaliste n'a pas la main sur l'économie, rappelle Emilien Piroux en invitant les JA à s'investir dans leurs coopératives ». Adrien Bourlez reprend : « Si on a un problème de gouvernance, c'est parce que les gens ne s'engagent pas ». En revanche il insiste sur l'indispensable « respect de celui qui donne quelques heures à l'intérêt général ».

Isabelle Doucet

Attacher le lait au territoire

Stéphan Tirard pour Sodiaal, Didier Villard pour l'OP Sud-Est Danone et Bruno Neyroud pour le comité du saint-marcellin, sont venus présenter les enjeux au sein des organisations laitières.
L'OP Sud-Est est un groupe de producteurs laitiers constitués autour de l'usine Danone de Saint-Just-Chaleyssin. « C'est pas simple. On nous dit que les OP ne sont pas assez fonctionnelles et manquent de résultats, déclare Didier Villard. Ce sont des organisations toutes jeunes qui apprennent à fonctionner, à négocier. »
Discussion autour du prix du lait avec Aurélien Clavel, Didier Villard,Bruno Neyroud, Stephan Tirad et André Roux, maire de Chatte.
Pas évident en effet de discuter face à de grands groupes internationaux. « Il faut savoir ce que nous voulons », ajoute le producteur. L'OP s'est fixée deux chantiers prioritaires. Le prix sera construit avec Danone, sur la base d'un prix historique auquel seront incorporés les coûts de production. D'où l'importance, pour chacun, de connaître ses propres coûts de production. Un autre groupe travaille sur les volumes. Les discussions portent sur la redistribution des litrages... quand il y en a. Après avoir donné la priorité aux jeunes, qui se sont parfois mis en danger en raison de lourds investissements, l'OP et la laiterie observent désormais une certaine équité dans la redistribution. Les producteurs ferraillent pour que le lait reste là où il est.
Segmenter
C'est le sens du combat qu'a mené Bruno Neyroud avec le saint-marcellin. Près de 20 ans avant d'obtenir le signe de qualité, et l'histoire n'est pas terminée. En chemin, les trois quart des fermes ont abandonné. « Notre objectif était d'attacher le lait à un produit », explique le producteur. Mais cela n'a pas été facile de s'entendre sur le prix, d'élaborer un cahier des charges commun. Aujourd'hui, seulement 55% du lait sont valorisés en IGP. « Ce n'est pas suffisant ». C'est la raison pour laquelle les producteurs espèrent décrocher une IGP pour le saint-félicien.
Pour valoriser le lait des territoires, Sodiaal a pris le parti de la diversification. « Ce qui permet de ne pas être dépendant d'un seul marché ». Sodiaal accompagne le développement des producteurs via son dispositif de facilité de financement. Sa dernière carte est son positionnement sur le marché du lait infantile bio. « Mais nous ne sommes pas non plus des magiciens », regrette Stephan Tirard. A ceux qui reprochent au système coopératif son manque d'effort envers les producteurs, l'administrateur s'interroge de voir les autres laiteries « se caler sur les prix que nous offrons ».
Relocaliser le lait, segmenter, rendre les producteurs plus forts dans la négociation : la profession avance pas à pas, dépassant certains écueils comme ces textes qui empêchent la circulation des données économiques entre laiteries. « La seule possibilité est de constituer des associations d'OP, des AOP », insiste Didier Villard. C'est ainsi que les producteurs pèseront - un peu - sur un marché mondial et hyper concurrentiel.
ID