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Loup

Les solutions du Glandon

A l'occasion des deuxièmes rencontres de la montagne, qui se sont déroulées le week-end dernier au Col du Glandon, les élus locaux sont allés plus loin dans la préconisation de solutions pour régler la question du loup.
Les solutions du Glandon

Réunis dans l'urgence l'an dernier au Col du Glandon, entre Isère et Savoie, les états généraux du pastoralisme avaient donné lieu à une motion portée au ministère de l'Ecologie et signée par 400 élus hautement concernés par la question du loup. Ils avaient été en partie entendus, bien que certains qualifient de « mesurettes » les mesures* annoncées par Ségolène Royal à Gap, le 21 juillet dernier. Pour enfoncer le clou, les six élus des vallées des Villards, des Arves et de l'Eau d'Olle, porteurs de l'initiative ont de nouveau organisé « Les rencontres de la montagne ». Le thème a peu varié : « Pour une montagne vivante et une gestion territorialisée du loup ».

Élus, éleveurs, bergers et professionnels de la montagne étaient venus nombreux pour débattre sur la question du loup.

Sécurité civile

« Oui, nous avons une catastrophe reconnue. Les représentants de l'Etat ne sont plus dans le déni. Et nos propositions arrivent à un moment où nous pouvons être entendus », assurait Jacqueline Dupenloup, maire de Saint-Alban-des-Villards (73), devant un auditoire composé d'élus ruraux, d'éleveurs, de bergers et de professionnels de la montagne. A la différence de l'an passé, où ils étaient fort nombreux, les élus nationaux avaient déserté le débat cette année. Pourtant, au Col du Glandon, la présence de la gendarmerie rappelait combien le sujet demeure sensible. Pierre-Yves Bonnivard, maire de Saint-Colomban-des-Villards déplorait « le manque de communication sur tout ce qui se passe dans nos territoires ». Sur l'alpage du Col du Glandon, une centaine de bêtes a déjà disparu sous les crocs du loup. « Tous les éleveurs sont touchés », poursuivait-il. La multiplication des patous en montagne pose de réels problèmes de sécurité civile pour les élus de montagne, de même que les tirs hors période de chasse. Le loup, les chiens, les armes : « Je ne veux pas entendre dire que les gens ne vont pas en montagne car c'est trop dangereux », se désolait Patrick Provost, maire de Saint-François-Longchamp et membre de l'association nationale des maires de stations de montagne. Les élus ont rappelé la détresse humaine des éleveurs et bergers, la souffrance animale, le péril économique, le préjudice environnemental et le risque de désertion touristique. Alors, ils veulent reprendre pied sur leurs territoires, revenir au centre des décisions qui les concernent, qui engagent leurs communes, leurs alpages.

Opportunisme alimentaire

Michel Meuret, écologue à l'Inra Montpellier et signataire avec 33 autres scientifiques du « Plaidoyer pour des écosystèmes non désertés par les bergers » paru dans le journal Libération en octobre 2014, se pose en lanceur d'alerte. Invité par les organisateurs, il a insisté sur « l'explosion du chiffre des victimes depuis 7 ans », indiquant que chaque loup prélevait environ 20 à 30 animaux d'élevage chaque année. Un chiffre quatre à cinq fois supérieur aux autres pays. Pourquoi ? Parce que le prédateur « intelligent et inventif » s'adapte sans cesse, attaquant désormais de jour, à proximité des habitations « que la présence humaine ne dissuade plus », décryptent les scientifiques qui appellent cela « l'opportunisme alimentaire ». Leur constat : « La stratégie européenne de coexistence a échoué », l'ardoise est énorme puisqu'elle s'élève à 50 000 euros par loup en 2014, la France « a besoin d'écosystèmes et de paysages diversifiés », « une véritable gestion des loups s'impose » et celle-ci doit être ciblée.

La Fédération nationale ovine mobilisée.

Loup sans gêne

Laurent Garde, le directeur adjoint du Cerpam**, est tout aussi inquiet. « La situation sur le terrain se dégrade à grande vitesse, constate-t-il. Si le loup se fixe en meute cela devient ingérable pour éleveurs. » Or, il y avait officiellement 27 meutes en France en 2014 et 300 loups, observant une croissance démographique annuelle de 20%. L'ingénieur en pastoralisme posait aussi la question du loup sans gène ou « sans gêne ». Que protège-t-on exactement puisque l'hybridation de ce loup venu d'Italie est antérieure à l'établissement de sa carte génétique ? Sur le terrain de l'action, Bruno Caraguel, le directeur de la Fédération des alpages de l'Isère, a souligné l'intérêt de replacer la question du loup dans les projets de territoire qui concernent la question pastorale, dont il est curieusement absent. En Lozère, où le loup est arrivé récemment, la réaction a été d'autant plus rapide que les élus ont fait montre d'organisation. En effet, le parc national des Cévennes est classé au patrimoine mondial de l'Unesco au titre de l'agropastoralisme, ce qui rend la présence du loup contradictoire. Joël Mazalaigue, maire de Glandage dans le Diois (26) et vice-président de la fédération de chasse de la Drôme a complété ces intentions politiques par des propositions pratiques en demandant l'autorisation des piégeages assortis d'euthanasie, ainsi que la détection photographique.

Il y a urgence

Au moment de rédiger la motion qui sera envoyée aux ministères concernés, les élus et les éleveurs ont ferraillé sur la terminologie, les derniers estimant que les termes gestion et régulation sont aujourd'hui dépassés. Ils réclament des territoires sans loup. Finalement, la motion a été baptisée : « Pour une sauvegarde de l'élevage pastoral menacé par le loup. Il y a urgence. » Ils réclament un colloque européen, désirent partager les réelles difficultés des éleveurs avec la population, veulent une véritable régulation du loup, espèrent une solidarité des arrêtés de tirs face aux attaques des défenseurs, attendent la déclassification du loup de la liste des espèces protégées, une exploitation de toute forme de solution et une clarification sur l'hybridation du loup présent en France.

 

De g. à d. : Laurent Garde du Cerpam, Jacquelien Dupenloup et Pierre-Yves Bonnivard, maires, Bruno Garaguel, directeur de la FAI.

 

* Deux arrêtés ministériels fixent les conditions de tirs et le nombre de loups (36) pour la période 2015-2016

** Centre d'Etudes et de Réalisations Pastorales Alpes Méditerranée

Isabelle Doucet

(encadré)
Le troupeau ovin de Françoise Darves-Blanc a essuyé de nombreuses attaques cette année.

 

« Des journées à chercher des cadavres »

« Entre le 28 mai et le 18 juillet, il y a eu 27 bêtes manquante dans le troupeau », constate François Darves-Blanc, éleveuse à Saint-Alban-les-Villards (73) où elle possède un troupeau de 230 brebis. « La plupart des attaques ont eu lieu en journée, à basse altitude, à proximité des hameaux. Et ce n'est pas le fait d'un seul individu. Je suis effrayée par la consommation : des agneaux de 35 kg entièrement mangés. Un loup mange habituellement 5 à 6 kg par bête, or là ce sont des bêtes entières. » Aujourd'hui, l'éleveuse compte un lot d'agneaux en moins et ce n'est pas l'indemnisation qui comblera son manque à gagner. « J'élève des agnelles. Celle qui a été supprimée ne pourra donc pas donner d'agneau l'année prochain, sans compter le moral de l'éleveur qui passe ses journées à chercher des cadavres. Tout le troupeau a été poursuivi, les bêtes sont stressées pour longtemps. Elles ont perdu la confiance. Elles sont traumatisées alors qu'elles devraient être sereines à la montée en alpage, après des mois passés en bergerie. Voilà où finissent les agneaux de qualité », se désespère l'éleveuse qui produit des bêtes sous label agneau de l'Adret. « C'est dur », reprend-elle. Il y a deux ans, elle a été confrontée au loup, en plein après-midi. « Depuis, j'ai passé mon permis de chasse et une bonne partie de l'été une carabine à la main, alors qu'avant, je ne pouvais pas voir une arme. Cela m'a mis la rage. » Françoise Darves-Blanc attend toujours des résultats et mesure les dégâts opérés par le loup. « J'ai deux patous. Je peux les contrôler. L'an prochain, il y en aura cinq et ça deviendra une meute et donc une catastrophe pour le tourisme ». Les conséquences frappent à tous les niveaux pour cette éleveuse dont le fils de 21 ans projette de s'installer. Aujourd'hui elle se pose la question de l'encourager ou pas. « C'est du gâchis pour des générations d'éleveurs comme dans les élevages », regrette-t-elle.
ID