Maïs : une récolte très en retard

En Isère comme dans le reste de la France, la récolte de maïs grain a plus d'un mois de retard. En cause : les conditions météo qui, depuis le printemps, induisent des décalages en cascade. Aux retards d'implantation qui, dans certains secteurs, ont conduit à semer, voire à ressemer, jusqu'à la fin du mois de juin, s'ajoutent les retards de croissance et de maturité. Selon les secteurs, ce retard était estimé, au début de l'été, entre deux et quatre semaines. De fait, en dépit d'un mois d'août chaud et humide, les récoltes de l'automne sont à l'avenant : elles se font avec trois, voire quatre semaines de retard.
Trois semaines de retard
A la veille du premier novembre, la Dauphinoise n'était qu'à 25 % de la production de maïs récoltée, « alors que normalement nous avons pratiquement terminé », indique Philippe Lefebvre, le responsable « métiers du grain » de la coopérative. Si François Cholat a quant à lui commencé le dernier jour de septembre, il n'est aujourd'hui qu'à 30% du volume récolté. Chez Terre d'Alliances, la récolte n'a vraiment démarré qu'aux alentours du 26 octobre. Même situation à la SAS Payre : « Nous avons déposé des bennes, mais nous en sommes à peine à 0,01% de la récolte », se désolait le responsable logistique de la coopérative en début de semaine dernière. Idem à la Drômoise de céréale : « Nous avons commencé avec trois semaines de retard, signale Prune Farque, technicienne de la coopérative. Il pleut tous les trois jours, nous avons peu de créneaux pour récolter. » Les conditions de récolte s'en ressentent. Si les choses se passent plutôt bien en plaine sur graviers, du côté de Beaucroissant par exemple, la récolte est nettement plus délicate sur les terrains lourds. Les épisodes pluvieux ont été si nombreux et intenses dans les dix derniers jours d'octobre que certaines parcelles n'étaient même plus accessibles...
Autre conséquence de ce début d'automne calamiteux, le grain récolté présente des taux d'humidité importants. Certes le vent du sud a un peu amélioré la situation, mais pas suffisamment. La plupart des coopératives annoncent des taux d'humidité de cinq points supérieurs à la moyenne. François Cholat rentre des maïs à 31-32% d'humidité, mais « il y en a plein qui sont encore verts ! » Chez Terre d'alliances, on est à 30-32 % d'humidité (contre un taux habituel de 27). La Dauphinoise, qui accepte d'ordinaire des taux entre 28 et 32%, déroge cette année à la règle (une limite de 35%) et tolère des grains à 37%. « Cela pose des problèmes techniques, reconnaît Philippe Lefebvre, puisque le grain est plus fragile, qu'il peut donc y avoir plus de brisure, et que les temps de séchage sont plus longs. » Donc plus coûteux.
Récolte à tour de bras
Quels rendements peut-on attendre cette année ? Les experts estiment qu'ils seront moins bons que l'an dernier en raison des décalages de semis. Mais le bilan semble moins catastrophique qu'attendu. A la Dauphinoise, on tablait sur une baisse de rendement de 25%, il semble qu'elle ne soit « que » de 15 à 20%. Chez François Chollat, on estime également la baisse à 15%. Chez Terre d'alliances, les estimations sont actuellement de 95 à 105 quintaux à l'hectare. Et ce dans un contexte économique tendu. « Les prix sont repartis en blé et en maïs grain, car les Chinois sont revenus sur le marché, explique Pierre Langlois, analyste chez Terre d'alliances. Comme les stocks en maïs sont très bas et que la marchandise tarde à arriver, en Europe comme aux Etats-Unis, il devrait y avoir une tension ponctuelle du marché. Les prix devraient donc monter. Mais on attend des quantités importantes, les prix ne devraient pas grimper tellement plus. »
Course contre la montre
La situation est radicalement différente pour le maïs semence. La collecte a démarré aux alentours du 20 septembre et se déroule depuis sans interruption. Les entrepreneurs n'en sont pas moins engagés dans une course contre la montre. « Nous sommes arrivés à récolter tous les jours en déplaçant les entrepreneurs selon les aléas climatiques », explique Dominique Vial, directeur du pôle semence du groupe La Dauphinoise. De fait, début novembre, on estime à près de 75% la quantité de maïs semence récoltée en Isère. Une fois séché et effeuillé, le maïs semence est égrainé. Pour ce qui est du maïs égrainé à ce jour, les premières observations laissent présager une baisse de rendement de 10% par rapport à l'an dernier. « Nous considérons que ce niveau pourrait légèrement se dégrader avec les récoltes actuelles et celles des semaines à venir, prévient prudemment Dominique Vial. Car plus on va loin dans la récolte, plus on accroît les risques climatiques. »