Noix de Grenoble : abondance, qualité et calibre sont au rendez-vous

Pour les uns, « c'est pas trop vilain ». Pour les autres, c'est même « joli ». Olivier Gamet, producteur à Chatte, n'a pas cette circonspection. Il est content et il le dit : « Les arbres sont si chargés que les calibres ne vont pas tous être exceptionnels. Mais petites ou grosses, ce sont des noix, il y en a des quantités et le marché est là. » De fait, la campagne 2015, qui attend le top départ de la commision mâturité pour démarrer (sans doute vers le 20-21 septembre), s'annonce bien : « Il y a plus de noix que l'an dernier, elles sont plus grosses et plus lourdes. La multiplication des pains aidant, le marché sera de très bon niveau », pronostique Franck Michel, technicien chez Coopénoix. Avec 6 800 hectares sous appellation noix de Grenoble et 900 producteurs habilités (1), dont 82% en Isère, 18% en Drôme et quelques exploitations savoyardes en « secret statistique » (en raison de leur trop petit nombre) , l'optimisme règne dans les vergers et chez les metteurs en marché.
Il n'en fallait guère plus pour placer l'assemblée générale du CING (2) sous de bons auspices. Vendredi 4 septembre à Vinay, face à un public nombreux, Yves Borel, président du comité interprofessionnel, ouvre la séance d'un sonore « je constate que les producteurs ne sont pas dans les vergers et c'est une bonne chose ». En effet, en dépit d'une « climatologie pénalisante » pour les vergers non irrigués (seulement 25% de production supplémentaire par rapport à 2014 contre 54% de plus dans les vergers irrigués), les nuciculteurs ne devraient pas être à la peine cette année : la production est au rendez-vous et l'état sanitaire des vergers est qualifié de « correct » par les techniciens de la Senura (2).
Efforts collectifs
Mais les producteurs de noix sont des gens prudents. En véritables paysans, ils savent qu'une bonne conjoncture peut facilement se retourner. « La noix de Grenoble se porte très bien en ce moment et on peut espérer que ça dure. Mais c'est justement quand ça va bien qu'il faut prévoir quand ça ira mal », lance Yves Borel pour justifier son appel à augmenter les cotisations. Car, la promotion de la noix de Grenoble, comme sa défense sanitaire par le biais de la recherche, via la Senura, coûte de l'argent. Et le président du CING aimerait que les producteurs de noix de Grenoble et les metteurs en marché ne soient pas les seuls à mettre la main à la poche : « La noix de Grenoble est bien organisée : on paie et on fait le boulot. Alors qu'il y en a qui ne cotisent pas et qui profitent aussi bien de la promotion globale faite par le CING et de la recherche de la Senura. » Jean-Luc Revol, président de la Senura, embraye : « Le colleto va nous causer de gros problèmes : serons-nous capables d'anticiper ? Si on n'anticipe pas dès maintenant, le réveil va être brutal. Le problème, c'est que nous sommes 55% à cotiser pour le financement de la Senura. Si on apporte 20% de plus, la pérennité de la recherche est assurée. Il faut que la filière s'organise. » Oui, mais comment ? Personne n'a encore lancé de piste...
Côté promotion, même constat : les campagnes pour la noix de Grenoble profitent à tous. D'où la volonté affichée du CING de développer la notoriété de l'appellation – et d'elle seule – en France et à l'étranger, tout en la « ré-ancrant dans son terroir ». L'an dernier, le Comité interprofessionnel a ainsi financé une vaste opération séduction en direction des consommateurs italiens, opération qui devrait porter ses fruits cette année grâce à un important volume de production : « Ça va être tip-top », se félicite la directrice du CING, Catherine Petiet. En parallèle, le CING va poursuivre ses actions locales autour du balisage de la zone de production et de la promotion de la vente directe (vente à la ferme et à distance).
Vigilance sur les labels
Le Comité a également annoncé le lancement d'une réflexion commune avec les promoteurs de deux autres produits phare – le saint-marcellin et le bleu du Vercors. « Nous sommes souvent sollicités en tant que fleuron du département, rappelle Catherine Petiet. Il serait pertinent de bâtir un projet commun au niveau du Sud-Grésivaudan. » Une réflexion reçue cinq sur cinq par les élus présents dans la salle, qui, de Bernard Pérazio, vice-président de l'Isère, à Gérard Chaumontet, conseiller départemental de la Drôme, ont à leur tour salué la démarche du CING. « Vous avez une stratégie qui n'est pas de tuer la poule aux œufs d'or, a déclaré l'élu drômois. C'est la qualité qui nous sauvera. Et l'identification de la noix de Grenoble qui lui permettra de résister au rouleau compresseur de la noix américaine ou chinoise. » La députée iséroise Michèle Bonneton a cependant mis en garde les producteurs : « Soyez vigilants à l'égard du traité de libre-échange TAFTA : nos labels y sont très mal reconnus. Il existe plus de 600 labels en France. Mais notre pays risque de n'en recenser que 42 susceptibles d'être pris en compte. » Et il n'y a pas que les producteurs de noix de Grenoble qui risquent d'en pâtir...
Marianne Boilève
(1) On dénombrait 1100 producteurs de noix de Grenoble en 2008, mais comme la taille moyenne des vergers en appellation augmente, les surfaces totales cultivées sont stables.
(2) Comité interprofessionnel de la noix de Grenoble
(3) Station expérimentale nucicole Rhône-Alpes
Opération séduction en Italie
Les Italiens seraient-ils plus gourmands que les Français ? Sans doute... En tout cas, ils ont été très réceptifs à la campagne de communication lancée par le CING (budget : 80 500 euros) à la demande des opérateurs commerciaux. Pourquoi l'Italie ? Parce qu'elle est redevenue le second marché européen après la France. Et que les Italiens sont de fins gourmets. D'où une double campagne orientée « saveur », tant en direction des consommateurs et des professionnels. Pour les premiers, le « claim » (l'argument) affirme que « la noix de Grenoble donne de la saveur à la saveur », ce qui, pour les professionnels, devient « la noix de Grenoble donne de la saveur à la qualité ». Dans les deux cas, il s'agit de donner une « image dynamique » au fruit et de mettre en avant ses atouts organoleptiques et gustatifs, accessoirement de rappeler ses vertus nutritionnelles. Ce qui est amusant, c'est qu'en France, l'aspect saveur vient en troisième position dans le « claim » : la santé et l'énergie sont considérés comme prioritaires.MB