« Nous devons garder la maîtrise de la situation sanitaire »
Dominique Chargé, président de La Coopération agricole, revient sur la gestion des crises sanitaires en élevage, l’impact que cela peut avoir sur les coopératives agricoles et comment ces dernières peuvent accompagner les éleveurs.
La Commission européenne a validé, le 22 octobre, la levée de la première des cinq zones réglementées - la Savoie et la Haute-Savoie - pour cause de dermatose nodulaire bovine (DNC) qui est devenue « zone vaccinale », facilitant ainsi les mouvements de bovins entre cette zone et la zone indemne. Estimez-vous que la politique rigoureuse adoptée par le gouvernement français jusqu’à présent soit la bonne ?
Dominique Chargé : « Cette approbation par la Commission européenne et les États membres montrent, en effet, que la stratégie qui a été mise en place et la solidarité exemplaire de la filière qui l’a accompagnée sont efficaces. Cette stratégie permet de répondre à un double objectif que nous partageons : éradiquer la maladie d’une part, mais aussi de garder la situation sous contrôle et éviter tout dérapage qui mettrait tout le monde à mal. »
Quel rôle peuvent jouer les coopératives dans cette situation ?
D.C. : « Elles sont bien évidemment pénalisées elles aussi par la situation car, quand il n’y a pas d’activité pour les éleveurs, il n’y en a pas non plus pour les coopératives. Notre devoir, c’est d’expliquer la situation et d’appeler tout le monde à la responsabilité en respectant les règles qui ont été définies. Ensuite, nous avons une responsabilité d’assister les éleveurs qui, pour une raison ou pour une autre, n’auraient pas la capacité de conserver leurs animaux. Les coopératives doivent leur trouver des solutions, en orientant, par exemple, les broutards vers l’engraissement, dans le strict respect, bien entendu, des règles en vigueur. Nous resterons attentifs aux situations de fragilité. »
Quelles leçons devrait-on tirer de cette crise ?
D.C. : « La situation sanitaire des dernières années, qui met l’élevage sous une pression constante, nous invite à nous interroger sur un système de traçabilité devenu un peu archaïque et, en tous cas, inadapté à une gestion sanitaire réactive. Il faut s’appuyer sur l’expérience de ces crises successives (FCO, MHE, DNC, etc.) pour accélérer la modernisation de nos outils. Nous, coopératives, plaidons pour accélérer la dématérialisation des passeports et des attestations sanitaires. Alors que tout est prêt pour y parvenir, on repousse sans cesse sa mise en œuvre. »
L’apparition de plusieurs foyers d’influenza aviaire et qui a motivé la décision du gouvernement de placer la France en niveau de risque « élevé », le 21 octobre, montre que le secteur de la volaille n’est pas encore complétement tiré d’affaire…
D.C. : « Oui, cela nous rappelle que les mesures de biosécurité mises en place lors des épisodes de 2022-2023 avaient eu leur efficacité. Mais cela nous montre aussi que le désengagement programmé de l’État en matière de financement de la vaccination est particulièrement malvenu. Cette baisse de la contribution des pouvoirs publics de 70 % en 2024-2025 à 40 % en 2025-2026 comporte un risque majeur de démobilisation de certains éleveurs, notamment dans la filière de palmipèdes. Sur le fond, les assouplissements décidés par le ministère de l’Agriculture en septembre, autorisant la sortie des canards vaccinés même en période de risque élevé, nous paraissait une stratégie adaptée. Sur ces dossiers sanitaires, il est important de mener une politique exigeante mais aussi pragmatique. »