« On ne parle plus d'éducation nationale, mais d'éducation communale »

Votre commune a mis en place les nouveaux rythmes scolaires en 2014. Quel bilan tirez-vous de ces deux années de fonctionnement ?
Pour vous répondre, il faut que je choisisse entre ma casquette de maire et celle de professeur des écoles. C'est compliqué... Une petite commune comme la nôtre n'a pas les moyens de mettre une telle réforme en place, même si nous sommes en regroupement pédagogique intercommunal avec les écoles de Saint-Gervais et Rovon. Pour nous, la grosse difficulté, c'est la contrainte horaire dictée par le transport scolaire et le nombre d'enfants inscrits aux activités périscolaires (TAP). Nous avons 80 élèves : c'est bien, mais difficile à gérer. Cela étant, les nouveaux rythmes ont permis de récupérer un quart d'heure chaque jour durant la pause méridienne, ce qui laisse un peu plus de temps aux enfants.
Quel a été l'aspect de la réforme le plus difficile à mettre en œuvre ?
Ce sont les aspects organisationnels. A Cognin, les TAP se déroulent les mardis et vendredis de 15 h 10 à 16 h 10. Les personnels du syndicat scolaire intercommunal qui les encadrent ont des groupes de 20 à 25 enfants. C'est le même volume qu'une classe. Je trouve qu'on les met dans des situations difficiles et je loue leur implication, même si des bénévoles viennent leur donner un coup de main. Le personnel encadrant s'est appliqué à proposer des activités manuelles ou sportives intéressantes. Pas simple quand on a autant d'enfants. Car la problématique, c'est soit tout le monde en profite et on fait des activités au rabais, car on a un groupe important à gérer ; soit on fait des petits groupes et on essaie d'apporter une plus-value aux enfants en sollicitant par exemple la société de pêche ou en proposant une activité jardinage. Nous sommes tout le temps dans ce dilemme : comment offrir de la qualité quand on n'en a pas les moyens ?
Et quel est le point de vue du professeur des écoles que vous êtes ?
On aurait pu avoir une réforme ambitieuse, mais là, on est obligé de se débrouiller. Ce qui manque, c'est un maître d'œuvre. Les petites communes ne sont pas en capacité d'organiser ce type d'activités. L'Education nationale aurait dû être désignée comme maître d'œuvre. Cela aurait permis de mettre en avant les associations d'éducation populaire et les enseignants se seraient davantage impliqués dans le cadre du projet d'école. On ne parle plus d'éducation nationale, mais d'éducation communale. Et on tombe dans le travers de l'école à plusieurs vitesses, selon l'implication ou les moyens des communes.
Comment financez-vous les activités périscolaires ?
Au début, nous avons fait le choix de la gratuité. Mais nous avons fini par demander une participation aux familles. Les activités nous coûtent à peu près 150 euros par enfant. En tout, le syndicat prend en charge 200 élèves et salarie quatre personnes qui travaillent une heure chaque après-midi. Cela représente un budget important. Pour le moment, ça fonctionne, mais nous sommes face à des équilibres précaires. Nous pourrions faire appel à davantage de bénévoles, mais ce n'est pas si simple : les gens travaillent et ne sont pas disponibles aux heures des TAP.
Quelle solution auriez-vous souhaité ?
Il aurait fallu que les enseignants aient obligation de s'impliquer une ou deux après-midis par semaine dans leur temps de service. On aurait eu la structure pour créer du lien entre la commune et l'école. Là, rien ne nous oblige à créer ce lien. Nous aurions pu aussi, comme d'autres, faire le choix de regrouper les activités sur une après-midi complète. Mais dans ce cas, on ne diminuait pas le nombre d'heure de classe par jour. Or ce qui est important, sur le plan du rythme, c'est d'alléger la journée. Ça, avec la solution que nous avons adoptée, nous avons pu le faire. Mais il faut reconnaître que c'est une équation un peu insoluble.
Propos recueillis par Marianne Boilève