Pâturage sous noyers : on en discute !
Eleveurs, nuciculteurs, techniciens étaient invités à venir échanger début septembre, à Chatte, autour des résultats du stage de Marie Doreau, stagiaire ingénieure agronome, dans le cadre du projet multipartenarial Parten'R Aura.
Les contextes de la pratique du pâturage sous noyers, les avantages et les difficultés rencontrées ou encore le déploiement de cette pratique sont autant de questions qui ont été abordées lors d’un temps d’échanges réunissant le 4 septembre à Chatte éleveurs, nuciculteurs et techniciens des filières ovine et nucicole.
Marie Doreau, stagiaire ingénieure agronome, dans le cadre du projet multipartenarial Parten’R Aura, a présenté l’analyse d’une trentaine d’enquêtes, réalisées dans les deux territoires étudiés : la vallée de l’Isère et le Diois. L’étude a mis en avant plusieurs profils de pratiquants aux enjeux très variables. Les participants ont ensuite échangé en petits groupes sur les difficultés rencontrées et les pistes de solutions existantes ou à imaginer.
Des systèmes nucicoles variés développent le pâturage ces dernières années
Trois critères distinguent trois profils de nuciculteurs qui utilisent le pâturage : la surface en noyers exploitée, le niveau de diversification des fermes, et les objectifs de production et de commercialisation.
Les nuciculteurs spécialisés gèrent plusieurs dizaines d’hectares de noyers. Ils souhaitent maintenir leur itinéraire technique qui est exigeant et stressant. Ils utilisent le pâturage comme un moyen de réduire les coûts d’entretien. Ils s’impliquent peu dans la gestion quotidienne du troupeau. En revanche, ils sont très investis, voire aux manettes de l’élaboration du circuit de pâturage, afin de pouvoir mettre en adéquation la présence des animaux et les interventions nécessaires.
D’autres exploitations nucicoles, plus diversifiées, dont la noix est la production principale, sont attirées par le retour de l’élevage dans le système. Les producteurs s’interrogent sur leurs pratiques, et sur l’interaction entre productions animale et végétale. Ils s’impliquent assez fortement auprès des animaux pendant leur présence dans l’exploitation.
Enfin, certaines exploitations, davantage diversifiées, considèrent leurs vergers comme secondaires et intègrent le pâturage pour simplifier le travail d’entretien. La gestion des animaux est entièrement déléguée.
Les noyeraies, une ressource précieuse pour les éleveurs
En vallée de l’Isère, ce sont essentiellement des éleveurs herbassiers qui viennent pâturer les noyers, sur une courte durée. Après un pâturage au Sud, ils remontent vers les alpages et s’arrêtent sous noyers. La date de départ en estive est connue, mais la date d’arrivée est plus incertaine en fonction de la disponibilité fourragère en amont. Les troupeaux sont de grandes tailles et sont gardés quotidiennement. Le pâturage est dynamique avec un fort chargement et un changement quotidien de parcelle.
Un deuxième profil d’éleveurs a été mis en avant. Ce sont des éleveurs sédentaires qui exploitent les noyeraies voisines dans une logique plus locale. Ils mobilisent les surfaces au printemps, mais aussi parfois en été. L’autonomie alimentaire de l’élevage dépend de ces ressources, en l’absence d’estive.
Des nuciculteurs-éleveurs qui pâturent leurs noyers depuis longtemps
Moins nombreux mais plus expérimentés, des nuciculteurs-éleveurs ont une pratique historique du pâturage sous noyers.
Pour certains, les vergers sont de vraies surfaces fourragères intégrées dans la conduite du troupeau. D’autres, plus spécialisés en élevage, considèrent les noyers comme un héritage marginal. La dépendance fourragère et le gain économique sur la conduite des noyers sont négligeables.
Lever les freins techniques
À chacun des profils identifiés correspond un potentiel de développement mais surtout des conditions de réussite de la pratique.
En ateliers, les participants ont donc travaillé sur les points clés de réussite, qui pourraient porter à la fois sur la gestion animale, la gestion des noyers, le respect de réglementations, la prise en compte des risques, les interactions avec l’environnement (image de l’exploitation, conflits éventuels).
Certains participants ont déjà mis en avant des pistes de travail pour lever ces freins : « idéalement il faudrait disposer de surfaces de repli en cas de traitement ou d’humidité » ; « on met systématiquement en place une protection des jeunes arbres, notamment pour la faune sauvage » ; « on a demandé un arrêté municipal pour informer les riverains » ; « chaque hiver, je prends contact avec mes collègues de la commune pour préparer l’arrivée de l’éleveur au printemps et son circuit de pâturage » ; « j’accueille chaque année les élèves de l’école l quand le troupeau est là, avec l’éleveur, ça nous permet d’expliquer nos métiers et que tout se passe bien avec les parents pendant la période de pâturage ».
Et tous se rejoignent sur le constat d’une nécessaire amélioration de l’interconnaissance des métiers et des enjeux de chaque filière, qui passera par une plus forte communication entre nuciculteurs et éleveurs.
Catherine Venineaux, conseillère ovins, Chambre d’agriculture de l’Isère
Caractériser les pratiques
Parten’R Aura, pour PÂturage de la Ressource herbacée des TErritoires Nucicoles en Région Auvergne-Rhône-Alpes, vise à mieux caractériser cette pratique, en comprendre les freins, mais également les leviers utiles à son développement dans deux territoires nucicoles que sont la vallée de l’Isère-Grésivaudan et le Diois.
L’approche du projet est multiple autour de plusieurs axes :
· caractériser la ressource herbagère sous noyers (potentiel fourrager, flore, dynamique des minéraux) ;
· évaluer les risques liés à la pratique (sur les animaux, sur les arbres, sur la contamination des noix) ;
· Analyser les types de partenariat et le potentiel de diversification des systèmes nucicoles.
Le projet est porté par un consortium de partenaires techniques, scientifiques et territoriaux : Chambres d’agriculture 38 et 26, la Senura, AgriBiodrôme, la Fédération ovine de la Drôme, Le Parc régional du Vercors, le FIBL et l’Inrae. Soutenu par la Région Aura et le fonds FEADER, il se poursuivra jusqu’en 2027.
CV