Pâturage tournant dynamique : un atout au service de l'autonomie

Au Gaec de la Praille, les vaches ont toujours pâturé. Mais depuis que Daniel et Myriam Boiteux ont pris le virage de la bio, en mars 2016, le régime et les parcours de leurs hosteins ont sensiblement évolué. Le pâturage classique, jusqu'alors complémenté en maïs ensilage, a été progressivement remplacé par un système de pâturage tournant dynamique. Cette nouvelle gestion répond à un triple objectif : respecter le cahier des charges de la bio, gagner en autonomie alimentaire et baisser les charges de l'exploitation. « On voulait travailler l'herbe et valoriser les surfaces en utilisant le pâturage tournant dynamique, explique Daniel Boiteux. Je ne sais pas si on va réussir, mais on essaie. Et la démarche nous plaît. »
Faire monter la gaine des graminées
Le couple s'est lancé après avoir suivi une formation avec l'Adabio. Suivi et conseillé par Isère conseil élevage, les deux éleveurs ont soigneusement préparé leur système tout au long de l'année 2016, découpant leur parcellaire en une trentaine de petits paddocks, créant des chemins d'accès et opérant des échanges avec les agriculteurs alentour pour disposer de pâturages au plus près des bâtiments. A l'automne, des cultures sont converties en pâturage et des prairies multi-espèces implantées de façon à satisfaire les besoins du troupeau.
Au début de l'année 2017, tout est prêt pour le grand saut. A la mi-février, les vaches commencent à sortir les après-midi, en dépit de l'herbe jaune. « Elles trouvaient quand même quelque chose à manger », rassure l'éleveur. Intérêt de la démarche : quand l'herbe s'est vraiment mise à pousser, la transition était déjà faite. Depuis, les éleveurs gèrent leur pâturage au quotidien, déplaçant les bêtes d'un paddock à l'autre au rythme de la pousse de l'herbe... et de la course du soleil. « Le pâturage tournant dynamique, ce n'est pas hyper compliqué, indique Daniel Boiteux. La seule particularité, c'est qu'il faut faire monter les gaines des graminées, où sont stockées les réserves. A partir de trois feuilles, une graminée profite au maximum de la pousse. Quand on allonge la gaine, la feuille sort plus longue, donc elle capte plus de lumière et offre plus de rendement. Pour arriver à ça, il faut éviter de faire trop raser les vaches. » Le raisonnement vaut pour la fenaison : depuis deux ans, l'éleveur fauche en levant la barre de coupe et prend pour repère sa main posée à la verticale, afin de préserver la gaine : « On gagne vraiment à faucher haut : ça repousse super vite. Et la moindre goutte de pluie profite. » Ce qui, en ces temps de sécheresse, est loin d'être négligeable.
Gestion des paddocks
Ce nouveau mode de conduite implique d'être organisé. Tout en veillant à conserver toujours un stock de foin - « C'est mon obsession », sourit l'éleveur -, Daniel Boiteux gère ses paddocks à l'aide d'un tableau qui lui permet de suivre la repousse de l'herbe et d'établir un planning prévisionnel pour savoir où sont passées et où doivent passer les vaches. Au moment des fortes chaleurs, il prend soin de déplacer les bêtes d'une parcelle à l'autre, le matin dans les paddocks où il n'y a pas d'ombre, l'après-midi dans les parcelles boisées. « Ça fait les bouger à midi, mais ça prend cinq minutes. » Pour Jean-Pierre Manteaux, conseiller bovin lait au sein de l'équipe Elevage Drôme-Isère, « l'objectif, c'est que les vaches sortent le ventre vide le matin et mangent pendant douze heures. »
Même s'ils sont encore un peu limités en surface (de 10 hectares de pâture en 2016, ils sont passés à 18 cette année), les Boiteux ont pu cette année « faire du 100 % herbe », en dépit d'un printemps compliqué et d'une sécheresse persistante. « Quand on est en bio, il y a un intérêt réel à pâturer, explique Daniel. L'herbe est un super aliment : moins on la mécanise, mieux ça marche. Il suffit de s'occuper à faire manger correctement. » Pour les périodes trop humides par exemple, quand l'herbe se met à pousser partout en même temps, il faut prévoir des sorties de bonne heure, plutôt courtes (deux à trois heures) pour éviter le piétinement. « Au pire des cas, un paddock peut être abimé, mais ça représente une petite surface : le jeu en vaut la chandelle. » A l'inverse, en année sèche, le pâturage tournant dynamique permet un maintien de la pousse. « Quand ça ne pousse plus, il faut freiner et allonger la rotation, conseille Daniel Boiteux. Ça permet de gagner du temps de repousse. » Et d'obtenir des résultats intéressants, même dans les situations de sécheresse persiistante.
Marianne Boilève