Prix du lait : le combat est politique

Dans le rouge depuis des mois, les producteurs laitiers sont partagés. Il y a ceux qui veulent relancer les opérations coup de poing contre les industriels, et notamment contre Lactalis accusé d'être « le plus mauvais payeur », et ceux qui préfèrent discuter et mettre les politiques face à leurs responsabilités. Sébastien Poncet, président des JA de l'Isère, est de ceux-là. « Bloquer les usines, nous en avons parlé, mais nous ne sommes pas pour, parce qu'il faut livrer notre production, même si elle n'est pas chère payée », explique l'éleveur avec pragmatisme. D'autant que les blocages de l'été dernier ont laissé un goût amer chez de nombreux éleveurs, frustrés de n'avoir quasiment rien obtenu. « Je comprends l'exaspération des éleveurs, mais il ne faudrait pas que les manifestations nous coupent l'herbe sous le pied », ajoute Jean-Michel Bouchard, responsable du dossier lait à la FDSEA, qui livre lui-même à Lactalis. Ce qui ne l'empêche pas d'être lucide quant à la portée des discussions engagées jusqu'à présent. « Les représentants des organisations de producteurs ne sont pas bons pour négocier le prix de base au niveau national, reconnaît-il. Nous n'avançons pas aussi vite que nous le souhaiterions, mais il y a un vrai travail qui est fait au niveau des OP. De toute façon, il faudra que le prix du lait remonte, parce que ça fait 18 mois que ça tire et que nous ne pouvons pas continuer à produire en dessous de nos coûts de production. »
Pression sur les politiques
Quoi qu'il en soit, aux yeux des deux responsables syndicaux, la question du prix du lait est avant tout politique. « Il existe des lois qui protègent les industriels, mais il n'en existe pas pour les producteurs, relève Sébastien Poncet. Notre objectif est de mettre la pression sur les politiques pour qu'ils votent la loi Sapin 2 courant septembre et qu'elle entre en application rapidement. Les industriels sont contre, parce que la loi va introduire plus de transparence et qu'ils ne pourront plus se cacher derrière les cours mondiaux pour expliquer la baisse du prix du lait. » Certes, la loi ne règlera pas tout, mais elle permettra de « contraindre les industriels à devenir raisonnables et à mettre un peu du leur », estime Jean-Michel Bouchard. « On ne peut pas toujours aller vers le moins disant pour essayer d'éliminer les producteurs qui les intéressent le moins. »
Si l'heure n'est pas à l'optimisme, elle n'est pas non plus à la résignation. Les représentants discutent pied à pied avec les industriels pour obtenir des augmentations. Si le prix de base ne bouge pas d'un iota, des avancées ont été obtenues au niveau des primes, notamment chez Lactalis. Mais les JA veulent aller plus loin. Début septembre, ils prévoient d'aller à la rencontre de la grande distribution pour obtenir un coup de pouce sur les prix, comme l'a déjà fait Lidl au niveau national. Mais en bordant bien leur affaire, histoire que les compensations financières aillent dans leur poche et non pas dans celle des industriels...
Marianne Boilève