Quel est le Plan américain d’action pour la sécurité agricole ?
La secrétaire américaine à l’Agriculture, Brooke L. Rollins, a présenté son Plan national d’action pour la sécurité agricole. De quoi s’agit-il ? Quelles sont les conséquences pour l’agriculture américaine et européenne ?

Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a considérablement modifié les rapports de force entre les grandes puissances économiques, la révision des tarifs douaniers n’étant qu’un des aspects de la politique de reconquête que le président américain veut imposer au reste du monde. Pour appuyer cette stratégie, sa ministre de l’Agriculture (USDA), a présenté, un Plan national d’action pour la sécurité agricole (National farm security action plan-NFSAP). La philosophie générale de ce plan est de placer l’agriculture américaine au cœur de la sécurité nationale, c’est-à-dire « répondre aux menaces urgentes provenant d’adversaires étrangers » et « renforcer la résilience des systèmes alimentaires et agricoles du pays », explique le département de l’Agriculture américain (USDA).
Infrastructures critiques
Scindé en sept mesures, le NFSAP entend d’abord « sécuriser et protéger les terres agricoles américaines ». Concrètement, Washington veut restreindre l’acquisition des terres agricoles par des étrangers. Début 2021, environ 38,3 millions d’acres (15,5 millions d’ha) étaient détenus par des investisseurs étrangers, sur une surface totale de 893 Macres (361,4 Mha). L’USDA a d’ailleurs lancé un portail en ligne pour signaler les violations à la loi sur les investissements agricoles étrangers (Afida), ainsi qu’une carte interactive indiquant les acquisitions de terres par pays. Dans le droit fil de cette mesure, l’USDA souhaite « protéger les infrastructures critiques », c’est-à-dire les exploitations, la nourriture et les chaînes d’approvisionnement. Celles-ci sont considérées comme « des atouts de sécurité nationale et seront traitées comme tels ». En deuxième lieu, ce plan veut « renforcer la résilience de la chaîne d’approvisionnement agricole, c’est-à-dire réorienter les investissements nationaux vers des secteurs manufacturiers clés et identifier des partenaires non hostiles lorsque la production nationale n’est pas disponible ». Washington veut dans ce cas précis clairement réduire ses dépendances agricoles et agroalimentaires vis-à-vis d’une Europe qu’il considère « hostile ». L’UE fait partie des trois principaux fournisseurs agricoles des États-Unis, avec une valeur d’importations estimée à 32,9 milliards de dollars (Md$). Par ailleurs, en 2024, les importations agricoles totales des États-Unis ont atteint environ 213 Md$. C’est, selon Donald Trump, l’une des conséquences des fraudes commises « par des réseaux criminels étrangers ». C’est pourquoi il veut protéger son « filet de sécurité nutritionnel », notamment son système d’aide alimentaire appelé « Programme d'aide supplémentaire à la nutrition », doté d’un budget de 100 Md$ et qui concerne environ 40 millions d’Américains tous les mois.
« America First »
Les États-Unis veulent défendre la recherche et l’innovation agricoles et en finir avec les accords « avec des nations hostiles ». Autrement dit, le partage de données scientifiques devrait se réduire comme peau de chagrin. « Les idées et l’innovation doivent rester aux États-Unis », déclare-t-on dans l’entourage de la ministre Brooke Rollins. Cette dernière affiche clairement sa volonté de « protéger la santé des plantes et des animaux » en luttant « contre les menaces biologiques avant qu’elles n’atteignent le sol américain ». La mesure qui résume le mieux la philosophie globale de ce projet est de : « Prioriser l’Amérique dans tous les programmes de l’USDA, qu’il s’agisse de prêts agricoles ou de sécurité alimentaire. Chaque programme reflétera l’agenda ‘'America First'', ce qui s’apparente totalement à une politique protectionniste. L’Union européenne doit s’attendre à affronter davantage de barrières non tarifaires, car les États-Unis devraient renforcer leurs normes, leurs inspections et accentuer les restrictions sanitaires sur les produits agricoles et agroalimentaires. Ce qui devrait immanquablement créer des distorsions de concurrence et une réduction des exportations vers les États-Unis. L’Europe pourrait se voir restreindre l’accès à certaines innovations agricoles américaines (brevets, logiciels…) mais aussi en profiter pour développer ses propres pôles de recherche et développement…
Christophe Soulard