Quelles suites pour la loi Duplomb ?
Après la censure partielle de la loi Duplomb par le Conseil constitutionnel et sa promulgation, en l’état, par Emmanuel Macron, les réactions sont toujours vives au sein de la profession agricole. Le sénateur Laurent Duplomb n’exclut pas un nouveau texte pour réintroduire l’acétamipride.

Entre incompréhension et indignation, la plupart des agriculteurs français nourrissent le sentiment d’être les victimes expiatoires d’enjeux qui les dépassent. La loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur n’avait d’autres buts que de permettre à l’agriculture française de mettre fin aux surtranspositions qui entravent lourdement ses capacités de production et de réaligner le corpus juridique français sur les normes législatives et réglementaires européennes. L’essentiel de la loi a été validé sur la forme et sur le fond. C’est environ 80 % du texte qui a été validé, sans aucune modification. Le stockage de l’eau pour l’irrigation des cultures ainsi que l’agrandissement des bâtiments d’élevage seront ainsi facilités. Il reste cependant une très grande pointe d’amertume qui domine aujourd’hui dans les campagnes françaises. Car le point principal de crispation demeure : le retour de l’acétamipride. La France reste le seul pays de l’Union européenne à 27, à s’en priver. Or cette molécule est autorisée par l’Agence européenne de sécurité sanitaire (Efsa), a rappelé la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) dans un communiqué du 8 août. Pis. À ses yeux, cette décision des neuf « Sages » pérennise « la flagrante distorsion de concurrence entre de nombreux agriculteurs français et leurs voisins européens, bien qu’ils opèrent sur un marché unique », ajoute-t-elle. Le sénateur Duplomb l’a concédé à nos confrères du Figaro : « C’est une victoire de la décroissance qui aura pour conséquence l’appauvrissement de la souveraineté alimentaire française ». La plupart des filières concernées par l’acétamipride établissent le même constat : à terme, il faut s’attendre à une forte baisse des surfaces cultivées pour cause d’impasse technique et d’absence de rentabilité. Dans la foulée, les outils industriels (notamment les sucreries) risquent d’être fragilisés et pour répondre à une demande sans cesse croissante, le niveau des importations de sucre, de noisettes, de pommes, de poires, etc. augmentera mécaniquement. Ironie du sort : ces importations auront été traitées avec les molécules interdites en France !
Mode d’emploi pour une nouvelle loi ?
Cependant, Laurent Duplomb entend rester positif. « Le Conseil constitutionnel ne ferme pas la porte, puisqu’il nous donne les éléments qui pourraient permettre, avec un nouveau texte, de trouver des solutions pour pouvoir peut-être le réintroduire […] Il reste encore du temps pour examiner ce qui va se passer, comment nous allons pouvoir le faire », a indiqué Laurent Duplomb le 8 août sur les ondes de RMC. Autrement dit, la censure porte plus sur la forme que sur le fond et les neuf « Sages » donnent en quelque sorte le mode d’emploi. En termes plus prosaïques, il suffirait de réécrire l’article censuré de manière plus claire, en précisant par exemple, la ou les molécules à utiliser, leur durée et leur champ d’application pour que le Conseil constitutionnel valide le texte. De son côté, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a appelé, le 8 août sur France Inter, à « une réévaluation par les autorités sanitaires européennes sans délai de l'impact sanitaire de l’acétamipride (…) On ne peut pas interdire une substance en France si on importe les produits des autres pays européens qui traitent les aliments avec ce produit-là », a-t-il affirmé. D’autres organisations agricoles, à l’image de l’Association nationale pommes-poires et le Comité de sauvegarde des fruits et légumes français (CSFL), demandent au gouvernement d’actionner l’article 36 du traité de Rome. Ils estiment que le gouvernement « doit aller jusqu’au bout de sa logique et interdire l’importation de tous les fruits et légumes européens et mondiaux qui sont traités avec cette substance (acétamipride, ndlr) ». Le feuilleton est loin d’être terminé.
Christophe Soulard
La loi Duplomb est promulguée
Comme il s’y était engagé, le président de la République, Emmanuel Macron a promulgué, le 11 août, la loi nᵒ 2025-794 du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur. Cette promulgation, réalisée de son lieu de vacances au fort de Brégançon (Var), est inscrite au Journal officiel publié le 12 août. Cette loi est cosignée par le Premier ministre, François Bayrou, et quatre autres membres du gouvernement : Travail-Santé-Solidarités (Catherine Vautrin) ; Économie et Finances (Éric Lombard) ; Agriculture (Annie Genevard) et Santé (Yannick Neuder).
Laurent Duplomb
