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Fromage de chèvre

Rigotte de Condrieu – rigotte du Pilat : 1-0

Les rigottes de Condrieu ont obtenu le label AOC en 2009 et l’AOP en 2013. L’entreprise partenaire historique a décidé d’en arrêter la production et a lancé sur le marché un produit concurrent : la rigotte du Pilat. Une décision très impopulaire auprès du syndicat de défense de l’appellation de l’AOP, mais aussi des différents acteurs du territoire. 

Rigotte de Condrieu – rigotte du Pilat : 1-0
Si Agrial a entendu la demande des agriculteurs et devrait ne plus produire sa rigotte du Pilat au 1er mars 2024, il ne semble pas question de revenir sur l’arrêt de la rigotte de Condrieu. © Paysans de la Loire

La fromagerie Guilloteau est l’entreprise partenaire historique de la rigotte de Condrieu. Elle a été rachetée par l’entreprise Agrial (via sa branche lait Eurial) en 2016 et a poursuivi la collecte de lait comme cela se faisait jusqu’alors. Néanmoins, la coopérative a mis en place un suivi sanitaire beaucoup plus pointu. 

« Agrial avait une politique sanitaire très exigeante que nous pouvons comprendre. Le groupe Soignon n’a pas envie d’abîmer son image de marque avec un scandale, détaille Claude Boucher, président du syndicat de défense de l’appellation rigotte-de-condrieu. Mais les agriculteurs ont eu l’impression de ne pas être accompagnés et, surtout, d’être culpabilisés, comme s’ils ne savaient pas faire du bon lait cru. »

Une politique qui, selon le syndicat, a démotivé les producteurs. Inévitablement, le volume de production a baissé : de 70 (au plus haut) à 40 tonnes par an. « Un si faible volume n’a plus d’intérêt pour un industriel. Aussi, faire le choix d’arrêter la production n’est pas incohérent. » De douze producteurs, il n’en reste que six (un départ en retraite, un arrêt de l’atelier caprin, d’autres ont basculé sur du lait pasteurisé).  

La rigotte du Pilat 

Les producteurs ne sont pas en colère face à ce choix qu’ils comprennent. En revanche, ils dénoncent la création d’un produit concurrent, au lait pasteurisé, lancé par Agrial : la rigotte du Pilat. Le fromage est commercialisé chez les distributeurs depuis début novembre. 

« Un produit marketing, fustige Claude Boucher. Les termes rigottes et Pilat sont libres, ils ne peuvent pas être déposés. Juridiquement, le projet tient la route. » Pour éviter de voir le groupe utiliser ce nom, le syndicat de défense de l’AOP avait déposé une demande auprès de l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle) en juin. Elle a été rejetée à l’automne. 

« Ce que l’on dénonce, c’est qu’en utilisant cette image de marque, ils trompent le consommateur. La forme du fromage et les étiquettes sont similaires avec la rigotte de Condrieu... Alors que ce n’est pas du tout le même produit ! » 


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Le président du syndicat de défense de l’AOP précise : « Pour produire notre fromage, on a un cahier des charges strict. Par exemple, 80% de ce que mangent nos animaux doit provenir de la zone AOP... On n’a pas eu connaissance d’un cahier des charges pour la rigotte du Pilat. » 

Pour Claude Boucher, le lait cru est « un état d’esprit. On a moins d’animaux par mètre carré et une vigilance accrue parce qu’il faut réagir tout de suite, isoler une bête quand on remarque un problème... C’est la même philosophie chez tous les éleveurs, mais avec une vigilance plus fine en lait cru ».

« Notre demande a été entendue par Agrial »

Pour trouver une solution, une réunion s’est tenue mardi 12 décembre. De nombreux acteurs du territoire étaient présents : le Parc du Pilat, des maires, députés, conseillers départementaux et régionaux, les Chambres d’agriculture de la Loire et du Rhône, des représentants d’Agrial... « Les producteurs de rigottes de Condrieu estimaient que celle du Pilat était une copie et une tricherie », relate Gérard Gallot qui représentait la Chambre d’agriculture de la Loire à cette occasion. Une première rencontre avait déjà eu lieu la semaine précédente. 

Gérard Gallot se réjouit : « Notre demande a été entendue par Agrial qui devrait arrêter la rigotte du Pilat au 1er mars 2024(1). » S’il n’est pas question que l’entreprise produise à nouveau de la rigotte de Condrieu, les producteurs veulent rester optimistes : « La rigotte va passer les turbulences », assure Claude Boucher. « Les Chambres d’agriculture de la Loire et du Rhône seront là pour accompagner les producteurs. Nous sommes très attachés à nos AOP », abonde Gérard Gallot. 

« L’AOP rigotte de Condrieu est la propriété d’un territoire et de ses acteurs, pas des entreprises. Si elles veulent utiliser l’appellation, il faut qu’elles s’y insèrent et pas qu’elles se l’approprient en la détournant en un outil marketing », conclut le président du syndicat de défense de l’appellation. 

Notes : (1) Contactée, Agrial ne nous a pas donné de réponse dans les délais impartis pour la publication de cet article. 

Alexandra Pacrot