Sébastien Poncet : « Les indices sont bons partout, sauf dans les fermes ! »

A écouter la chronique des actions menées en 2016, il semble que la mobilisation des Jeunes agriculteurs ait été plus discrète qu'en 2015. Ce qui ne signifie pas que la situation s'améliore, comme s'en est ému Sébastien Poncet, président des JA de l'Isère, lors de l'assemblée générale du syndicat, le 10 mars à Méaudre. Guerre des prix, Ceta, loi Sapin 2, retard de paiement de la Pac, zones vulnérables, loup : les dossiers chauds n'ont pas manqué d'alimenter la crise que traversent les agriculteurs. Mais il semble que le cœur ne soit plus à la revendication. « On a l'impression que les gens sont résignés... », confie un responsable syndical.
Prix tirés vers le bas
« En 2015, on a passé tout l'été dans la rue, mais 18 mois après, la situation n'a fait qu'empirer, enrage Sébastien Poncet. La grande distribution tire les prix vers le bas et continue ses promos hors normes, tandis que nos industriels n'augmentent pas trop pour rester "prudents". » Concernant le lait, le chef de file des JA rappelle que « tous les indices sont bons... sauf dans les fermes. Il doit y avoir des fuites dans un maillon de la chaîne ou un mauvais gestionnaire, mais j'opterais pour la première idée ».
Sur le dossier des prix, le syndicat n'a pourtant pas oublié de faire entendre sa voix l'an dernier. En février, suite à la volonté de la grande distribution d'imposer de nouvelles baisses des prix aux fournisseurs, les JA ont bloqué les plateformes de distribution de Saint-Quentin-Fallavier durant trois jours. Bilan : trois enseignes sur quatre se sont engagées à rééquilibrer les négociations commerciales. Mais là comme ailleurs, la victoire ne résout pas grand chose. Fin août, solidaires avec les producteurs de Laval qui livrent à Lactalis, les JA de l'Isère appellent les grandes et moyennes surfaces à retirer de leurs raysons les produits du géant laitier. La mobilisation nationale débouche sur un accord à 290 euros les 1 000 litres, contre 260 annoncés par Lactalis.
Retard PAC
Insuffisant pour sortir de la crise. Les syndicats décident de taper plus haut, plus fort. En Isère, FDSEA et JA placent alors leurs espoirs dans la loi Sapin 2. Ils mupltiplient les courriers, interpellent les parlementaires. La loi, forte notamment de plusieurs amendements en faveur de la contractualisation et du rééquilbrage des négociations commerciales, est adoptée à la fin de l'année 2016. Mais force est de constater qu'elle n'est pas appliquée. « On a un cadre, c'est déjà ça, observe Sébastien Poncet. Mais la grande distribution continue de se garder les marges. » Et d'ironiser : « Heureusement, il y a la PAC, qui a pour objectif de soutenir l'agriculture. Mais ça a dû être oublié : en pleine crise, les paiements pour les MAEC ou les primes bio ont deux ans de retard. Les dossiers ne sont pas étudiés et traînent. Y-a-t-il des emplois fictifs aussi au ministère de l'Agriculture ? »
Contradiction
Tout au long du discours du président, l'Etat et son bras armé, l'Administration, en prennent pour leur grade. Zones vulnérables, distances de traitement, respect des normes environnementales... Le syndicaliste dénonce le hiatus entre les exigences intérieures et la souplesse à laquelle la France a dû se résoudre en ratifiant les accords commerciaux avec le Canada (Ceta) : « D'un côté, on nous demande de produire de mieux en mieux, avec moins d'engrais et de pesticides, de ne plus utiliser certains produits, et de l'autre on signe des accords pour importer des produits réalisés avec des méthodes à l'inverse de ce qu'on fait chez nous. »
Maîtriser le loup
La charge s'achève sur la question du loup et les moyens de lutte y afférents. En 2016, la pression du prédateur a été forte en Isère et trois tirs de défense ont été obtenus. Intervenant dans le Vercors, où le loup a défrayé la chronique à plusieurs reprises, le représentant des JA prévient : « Nous ne sommes pas contre le loup. Mais il faut que ses effectifs soient maîtrisés. Mesdames et messieurs les députés, vous qui êtes élus sur un territoire de montagne, l'activité agricole est primoridiale pour pouvoir conserver des territoires vivants et dynamiques. Quand il n'y aura plus de troupeaux en montagne, quelles activités allez-vous proposer aux touristes ? »