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Economie

Sortie de crise par l'entreprise

Pourra-t-on sortir de la crise en 2015 ? s'interrogeaient les économistes invités par le Crédit agricole sud Rhône-Alpes et le Medef aux rencontres économiques qui se sont déroulées la semaine dernière à Grenoble.
Sortie de crise par l'entreprise

Ce serait tellement beau d'y croire, à la sortie de crise. En tous les cas, Philippe Ithurbide, directeur de recherche et analyse chez Amundi, société de gestion d'actifs pour le Crédit agricole, avance quelques « signes » qui font penser à une « convalescence », en dépit du constat que l'on sort désormais « d'une crise pour entrer dans une autre ». Car « quand les Etats-Unis vont bien, avec une croissance du PIB de 2,7%, la dynamique est bonne pour l'Europe. » Il en est de même pour la croissance mondiale, qui s'établit à 3%. En revanche, la zone euro demeure autour de 1% de croissance, notamment parce qu'il existe de grandes disparités entre les pays. Mais une inquiétude persiste quant aux leaders de chaque bloc régional, depuis la Russie clairement en récession, jusqu'à la Chine dont la croissance « ralentit ». D'autres facteurs sont à double tranchant : l'inflation, qui baisse pratiquement partout, est bonne pour la consommation, mais l'est moins si elle induit une baisse d'activité. Idem pour le prix du pétrole « dont l'impact est très différent entre pays ». Enfin, le docteur en économie et finances internationales classe parmi les bonnes nouvelles les taux bas pratiqués par les banques et « les politiques monétaires accommodantes ». Il souligne cependant le poids de la dette privée ou publique* qui freine beaucoup de pays, notamment la France dont « le déficit alimente la dette publique ».

Philippe Ithurbide propose plusieurs scenarii de sortie de crise. Il croit notamment aux vertus d'un solide tissu de PME-PMI, véritables creusets d'emplois (85% des créations d'emplois et 70 millions de salariés en Europe). A condition de les aider, par des solutions de financement ou de titrisation pour accompagner leur croissance, laquelle peut être rapide si les investissements portent sur l'innovation. L'expert imagine « des solutions de packaging de crédit » ou de financements intra-européens, regrettant cependant « que l'Europe du Nord ne s'intéresse pas à l'Europe du Sud ». Ceci, conjugué au geste fort de la Banque centrale européenne, qui a annoncé un plan massif de rachats d'actifs, dont les emprunts d'Etat, injectant ainsi 60 milliards d'euros par mois dans l'économie européenne jusqu'en septembre 2016. « C'est l'équivalent de 10% du PIB européen ». Un acte qui garantit durablement des taux d'intérêt à leur plus bas niveau. Cette situation favorable à certains actifs financiers peut entraîner un effet de richesse pour les consommateurs et d'aubaine pour les entreprises qui sauront attirer les investisseurs, notamment en payant des dividendes.

 

Les rencontres économiques du Medef et du Crédit agricole sud Rhône Alpes ont réuni Emmanuel Barras, directeur adjoint CASRA, Philippe Gueydon, président du Medef, Jean-Pierre Gaillard, président du CASRA, Philippe Ithurbide, économiste, Christian Rouchon, directeur du CASRA et Hugues Poissonnier, professeur à Gem.

Confiance et responsabilité

Le pôle d'excellence grenoblois, que décrit Hugues Poissonnier, enseignant associé de Grenoble école de management, saura-t-il en tirer profit ? Si Forbes a fait de Grenoble la cinquième ville la plus innovante au monde, il ne faut pas oublier que son industrie est plurielle et ne dépend pas uniquement sur le secteur des high-tech. « Les succès à venir reposent sur un raisonnement par écosystème », reprend-il en soulignant cependant « le manque d'entreprises de taille intermédiaires », (ETI). « Or, ce sont elles qui créent du lien, qui collaborent avec les grandes entreprises et les PME, poursuit Hugues Poissonnier. L'innovation repose plus sur la capacité collaborative d'une entreprise que sa taille ». Ce modèle, très grenoblois, relève de la confiance et de la responsabilité. Aux grandes entreprises de savoir accompagner ETI et PME dont elles sont partenaires, mais aussi de payer leurs fournisseurs dans des délais légaux. Enfin, il relève combien ces collaborations peuvent être créatrices de valeurs, selon le principe du « pricing power », c'est-à-dire la capacité de vendre plus cher que la concurrence des produits bénéficiant d'une belle image de marque. Petzl ou Poma peuvent en témoigner. Quant à Christian Rouchon, le directeur du Crédit agricole sud Rhône Alpes, il délivre quelques conseils aux entreprises pour éviter les tensions sur leurs liquidités, « un sujet mortel ». « Il importe de conserver du cash pour les besoins en fonds de roulement et de faire appel aux banques pour financer l'investissement plutôt que les liquidités... »

Isabelle Doucet

* La dette publique est contractée par les états, la dette privée, par les banques.

 

Voir aussi l'article de Terre dauphinoise :

Entre crise et reprise, les entreprises naviguent encore à vue