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Semences

Soutenir l’innovation face aux tensions géopolitiques

Les tensions géopolitiques rétrécissent dangereusement le débouché des semences françaises. Pour sa pérennité, l’excellence française dans le domaine des semences a plus que jamais besoin de soutien à l’innovation, de stabilité politique et d’harmonisation règlementaire, selon l’Union française des semenciers. 

Soutenir l’innovation face aux tensions géopolitiques
Alors qu’une semence sur deux produite en France est destinée à l’export, la pérennité de ce leadership suppose une stratégie française concernant la recherche.

« La France est le premier exportateur mondial de semences, mais je ne sais pas si ce sera encore le cas l’an prochain, car le développement de nos entreprises se faisait surtout à l’Est », a indiqué Olivier Paul, président de l’Union française des semenciers (UFS), à la conférence de presse annuelle de l’association le 5 novembre. L’expansion du premier marché des semences qu’est la Russie s’est arrêtée brutalement. Les exportations françaises vers la Russie se tenaient à quelque 100 millions d’euros (M€) par an dans les années 2010. Elles ont grimpé jusqu’à un pic de 200 M€ en 2021-2022, puis ont connu une forte baisse en 2023-2024 à 160 M€, a rapporté Rémi Bastien, vice-président de l’UFS.

La génétique russe en marche

Ce reflux n’est sans doute que l’amorce d’une dégringolade des exportations de semences françaises vers la Russie, selon Olivier Paul. « La Russie a décidé de produire elle-même toutes ses semences et surtout d’investir massivement dans sa génétique, pauvre jusque-là, pour assurer sa souveraineté alimentaire à long terme ». Cette « avance à marche forcée » en matière de compétences génétiques a des chances de se révéler gagnante pour la Russie à long terme, selon lui. La nation, qui ne produisait que 25 % de ses semences, vise une autonomie de 75 % en 2030. L’autosuffisance russe atteint déjà 76 % en semences de maïs et 69 % en semences oléagineuses. L’Ukraine est aussi devenue exportatrice de semences, l’agriculture étant un levier pour son économie de guerre, à telle enseigne que les importations françaises en provenance de ce pays ont grimpé de 105 % en 2023-2024. À l’Ouest, les débouchés se ferment aussi, depuis que Washington a imposé des taxes de 25 % à l’entrée de tous les produits aux États-Unis, tandis qu’au Sud les tensions diplomatiques avec l’Algérie font que des appels d’offres sont annulés par Alger en cas d’offres françaises, a témoigné le président de l’UFS.

Sécuriser le crédit impôt recherche 

Alors qu’une semence sur deux produite en France est destinée à l’export, la pérennité de ce leadership suppose une stratégie française concernant la recherche. « Il faut sécuriser le crédit impôt recherche (CIR) », demande l’UFS, sachant que son devenir est incertain et sujet à des remises en cause lors des débats sur le budget. Les discussions à l’Assemblée sur le projet de loi de finances chaque année avant Noël ont fini dernièrement par des coups de rabot restreignant l’assiette ou renforçant les critères d’accès. L’UFS soutient trois amendements visant à réintégrer les dépenses liées aux brevets et aux certificats d'obtention végétale dans l’assiette du CIR et quatre amendements proposent de rétablir le dispositif « jeune docteur ».

Un autre dossier « très technique, peu médiatisé et néanmoins stratégique », celui de la règlementation européenne PMR1, est à suivre de près, car il conditionne le cadre de l’inscription des variétés, leur production et leur commercialisation pour les 15 à 20 prochaines années, a ajouté Rachel Blumel, directrice générale de l’UFS. Le règlement européen PMR est conçu pour simplifier une règlementation qui s’appuie sur dix directives transposées par des règles nationales différentes, sources de distorsions de concurrence. L’UFS cherche à éviter que s’insinuent des interprétations floues par des pays moins rigoureux et souhaite au contraire « tirer la règlementation vers le haut ».

1- Matériaux de reproduction des végétaux 

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