Tout pour les auxiliaires du verger

Habitat multi strates, le verger représente un milieu favorable à la régulation naturelle des ravageurs par les auxiliaires. Sylvaine Simon, agronome à l'Inra, s'est penchée sur les leviers permettant d'accéder à des pratiques plus douces en arboriculture. Ils répondent à plusieurs niveaux d'objectifs : obtenir une plante plus forte ou plus difficile à coloniser, instaurer des antagonismes plus nombreux et procéder à une lutte directe pour limiter la population des ravageurs. « Il n'y a pas un seul mode d'action qui permette de gérer durablement le ravageur, il convient d'activer un ensemble de leviers pour atteindre une certaine efficacité », insiste la spécialiste.
Pour elle, le matériel végétal est un élément clé au regard de la longévité du verger. « C'est un choix qui engage ». L'aérer, le fertiliser, entretenir le sol et renforcer les défenses naturelles de la plante représentent les gestes de base. Et de donner l'exemple du puceron cendré dans un verger de pommiers. « Au printemps, le puceron se déplace sur le linéaire des branches des arbres. S'ils sont très ramifiés, la multiplication des intersections accentue le taux d'échec, car le puceron colonisera plus rapidement l'arbre. Moins il est rapide et plus l'arboriculteur a le temps d'agir ». Mais les spécialistes le reconnaissent, tous les outils sont indispensables pour lutter contre le puceron, notamment la couverture d'argile à l'automne et jusqu'à la chute des feuilles, pour éviter les pontes des vols retour.
Ressources et habitat
Pour une lutte intégrée, la nature de l'environnement peut constituer un atout, à l'image de la haie composite expérimentale du verger de pommiers de Gotheron à Saint-Marcel-lès-Valence dans la Drôme. L'Inra y a créé un assortiment végétal de nature à assurer les ressources et l'habitat qui conviennent aux auxiliaires. La haie est ainsi composée d'arbustes à feuilles persistantes assurant un abri d'hibernation, d'autres à floraison précoce, comme les noisetiers, dont les pollens sont importants pour la reproduction d'espèces prédatrices de la psylle du verger, et l'ensemble assurant en outre aux auxiliaires la présence de proies alternatives en attendant les proies principales. Des espèces à floraison saisonnière ou d'automne, comme le sureau, complèteront le dispositif en attirant d'autres auxiliaires. Enfin, le lierre sera destiné à maintenir l'ensemble durant l'hiver.
Pour favoriser les interactions entre le verger et les auxiliaires, les chercheurs de l'Inra proposent de multiplier les strates végétales : herbacées, arbustes, plantes pièges ou répulsives. « Il s'agit d'imaginer un design paysager à une échelle supérieure à celle de la parcelle, c'est-à-dire de toute l'exploitation agricole », explique Sylvaine Simon. Pour l'agronome, la conception de vergers adaptés à l'agriculture biologique ou permettant une régulation naturelle des ravageurs s'opère grâce à une mobilisation des bases scientifiques en biologie et en écologie, à une modélisation des pratiques couplée à une observation économique et au croisement de l'ensemble des savoir-faire des producteurs et des conseillers. « C'est une démarche participative », glisse la spécialiste du verger et de la protection des cultures.
Double axe
Une approche système peut favoriser la lutte intégrée, à l'image de la taille des vergers. L'institut agraire de San Michele, en Italie, a ainsi testé et tiré les enseignements de la conduite et de la taille d'un verger de pommiers en double axe. Les avantages de la constitution d'un mur fruitier résident dans son homogénéité, sa mécanisation rendue plus aisée, la baisse de la fréquence des pulvérisations et la possibilité d'opérer des pulvérisations en tunnel - ce qui permet la diminution des intrants - le séchage plus rapide du verger et la facilité d'installation de filets « alt carpo ». Une conduite en deux axes sur des arbres plantés à deux mètres permettrait ainsi l'obtention d'un meilleur ratio entre la surface du verger et les volumes produits. En freinant la vigueur des arbres, l'arboriculteur parvient également à obtenir une production de qualité plus homogène. Ainsi formaté, le verger facilite en outre le passage d'une machine Darwin pour l'éclaircissage mécanique, à la condition que les branches ne dépassent pas les 60 centimètres. Cette technique comporte cependant quelques bémols, comme la nécessité d'intervenir tôt sur le verger, l'exposant davantage aux froids tardifs, l'exigence d'avoir des arbres adaptés, c'est-à-dire minces, l'impossibilité de sélectionner les fleurs, de sorte que la fleur centrale n'est pas forcément conservée, le risque d'endommager le bourgeon à bois, de blesser l'arbre favorisant le flux bactérien et l'impact paysager du passage de la Darwin.
En production alternative, la fermeture des filets mono rang dans un but d'éclaircissage, s'effectuera en début de floraison (à 18% de fleurs ouvertes) de manière à limiter la pollinisation par les abeilles et donc la nouaison. Le résultat est l'obtention de fruits présentant un poids moyen intéressant avec moins de pépins. « On observe un effet magnifiant sur beaucoup de pousses au bout de deux ans d'installation », explique Guilhem Séverac, de la chambre d'agriculture du Vaucluse et père du filet alt carpo.
Enfin, le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) préconise d'abandonner la taille mécanique des vergers en hiver au profit d'une taille en vert de fin de printemps ou début d'été, afin de contrôler la vigueur des arbustes et la récolte.
Remplaçant la conduite standard en axe, les murs fruitiers ont tendance à s'imposer en production fruitière biologique. Issue d'une technique conventionnelle, cette méthode, outre ses avantages en matière d'éclaircissage et de lutte contre les ravageurs, mobilise des moindres coûts de production.