Traitement des effluents phyto : soleil ou bactérie ?

Depuis septembre 2006, les agriculteurs sont tenus pour responsables de toute la chaîne d'utilisation de leurs produits phyto jusqu'à leur élimination. Ils doivent donc les manipuler sans risquer de polluer les eaux superficielles et souterraines. Si le traitement des effluents (fonds de cuve, bouillies phyto non utilisables, eaux de nettoyage du matériel de pulvérisation...) est en général assez bien maîtrisé (1), le remplissage des cuves semble plus problématique : la grande majorité des pollutions vient d'un débordement de la cuve du pulvérisateur au moment du remplissage, d'un retour de bouillie phytosanitaire dans la ressource en eau, voire de bidons mal vidés, brûlés (2)...
Protéger la ressource en eau
Comment prévenir ce genre d'accident ? La solution la plus pertinente est l'aménagement d'une aire étanche reliée à un dispositif de traitement des effluents phytosanitaires. C'est ce qui ressort des échanges qui se sont tenus le 10 avril dans le cadre d'une journée technique phytosanitaire, au lycée agricole de La Côte Saint-André (Isère). Présentant plusieurs systèmes de gestion des effluents en grande culture et polyculture élevage, les experts de la chambre d'agriculture en ont profité pour délivrer quelques conseils concernant la protection de la ressource en eau (installation d'une cuve intermédiaire, d'une potence ou d'un clapet anti-retour) et les moyens d'éviter les débordements (installation d'une cuve intermédiaire ayant le même volume que le pulvérisateur, mise en place d'un volucompteur simple avec vanne quart de tour ou d'un volucompteur programmable à arrêt automatique).
Pour le traitement des effluents proprement dits, il existe actuellement une douzaine de procédés considérés comme efficaces par le ministère du Développement durable. Individuel ou collectif, selon la taille ou la localisation de l'exploitation, ils fonctionnement selon deux grands principes : d'un côté, la dégradation des molécules par voie biologique ou physico-chimique, de l'autre leur concentration par déshydratation ou coagulation-filtration. Deux de ces systèmes ont été présentés lors de la journée technique du 10 avril : le Phytobac et le système Héliosec.
Le système Phytobac
Le premier a fait l'objet d'un exposé « sur pièce ». Depuis 2012 en effet, l'exploitation du lycée de La Côte Saint-André accueille une aire collective de type Phytobac, aujourd'hui utilisée par deux autres agriculteurs, et sans doute un troisième cette année. Simple d'utilisation et sans aucun déchet dangereux à gérer, ce dispositif est le plus adapté aux objectifs pratiques et pédagogiques fixés par l'équipe. D'un montant total de 33 000 euros (subventionnés à 80% par l'Agence de l'eau et le Feader), l'installation consiste en une aire de stationnement maçonnée, sur laquelle sont effectuées les opérations de remplissage et de lavage des pulvérisateurs. Les eaux usées sont collectées et dirigées vers un bac étanche en béton, enfoncé dans le sol et recouvert d'un toit amovible. Rempli d'un mélange de deux tiers de terre végétale et d'un tiers de paille, le bac utilise le pouvoir épurateur des sols pour dégrader les effluents phytosanitaires : les résidus phyto sont dégradés biologiquement par les bactéries naturellement présentes dans le substrat. Equipé d'un système automatisé d'aspersion qui, toutes les heures, maintient une humidité suffisante, le Phytobac de La Côte-Saint-André est installé en plein soleil, ce qui permet d'optimiser le pouvoir épurateur des microorganismes. L'épandage du substrat est possible tous les cinq à dix ans (selon les apports), après cinq mois sans apport.
Le système Héliosec
Le second système, présenté par Eric Veyret, exploitant 50 hectares de SAU dans la Drôme (céréales, arboriculture, légumes et petits fruits), est basé sur le principe de la déshydratation naturelle des effluents par l'action du soleil et du vent, les résidus étant récupérés au fond d'une bâche (changée tous les ans en octobre) et stockés en attendant leur élimination lors des collectes PPNU (3). A l'origine du projet de l'agriculteur drômois (installé dans la zone de captage d'Albon) : la nécessité d'aménager une aire de lavage-remplissage dans le cadre de nouveaux aménagements. Nous sommes en 2009. Le Phytobac® est alors jugé trop complexe à gérer (pas d'autorégulation à l'époque) et d'un intérêt limité pour traiter le cuivre (qui ne sera pas dégradé). Eric Veyret choisit donc d'installer une aire couverte de 100 m2, avec gestion du remplissage par volucompteur et système de traitement Héliosec. Coût total de l'opération : 30 000 euros (dont 40% de subvention provenant de l'Agence de l'eau). Cinq ans plus tard, l'agriculteur n'a qu'un regret : celui d'avoir été pionnier. Aujourd'hui, les aides financières peuvent représenter 60 à 75% de l'investissement, 80% pour les porteurs de projets collectifs dans le bassin Rhône-Méditerrainée...
Marianne Boilève
(1) Selon une enquête de l'agence de l'eau Seine Normandie, 18% des pollutions phytosanitaires sont provoquées après traitement par lavage de matériels non rincés, de vidange des eaux de lavage ou des fonds de cuve.
(2) Selon la même enquête de l'agence de l'eau Seine Normandie, 67% des pollutions phytosanitaires ont lieu avant le traitement.
(3) Produit phytosanitaire non utilisé.