Un nouveau départ pour les planteurs de tabac

Quelles ont été les conditions de la culture du tabac cette année ?
Comme l'ensemble des productions, celles du tabac et des plantes aromatiques ont eu à subir les difficultés climatiques. Les plantations ont eu lieu tardivement et les conditions de sols n'étaient pas idéales, avec des températures basses et un excès d'eau. Il y a eu une bonne végétation durant l'été, mais l'aboutissement de la campagne donne des rendements faibles pour une qualité correcte, sans plus. Cela ne contribue pas à ce que le moral des agriculteurs soit au beau fixe, même s'ils savent qu'ils travaillent avec la météo.
Comment se présentent les marchés ?
Nos clients ont compris depuis un an que la production s'étiole en Europe et qu'il convient de sécuriser les approvisionnements, au niveau qualitatif et quantitatif. Ils redeviennent attentifs à la production française, y compris en intégrant la question de l'augmentation des prix. Mais cela ne compense pas la perte des aides de 2010. Aujourd'hui, le prix de vente de la coopérative à ses clients s'élève à 3,50 euros pour le Burley et 3,20 euros pour le Virginie. En 2009, ces prix étaient tombés à 1,20 euros. Il y a donc un minimum de raisonnement politique de la part de nos clients qui sont les grands cigarettiers, allant dans le sens d'une défense des productions européennes. Ce coup de main des lobbies fait partie du jeu commercial. Car, de façon dramatique, la production européenne a été divisée par trois depuis cinq ans, alors que la consommation de tabac n'a pas baissé, ce qui n'a fait qu'accroître les importations de la zone. Face à nos principaux concurrents qui sont les pays asiatiques, l'Amérique du Sud, et la partie sud du continent africain, c'est-à-dire des zones à bas coût de main-d'œuvre, nous ne pouvons pas jouer sur la carte des prix. En revanche, la qualité de nos produits, le service que nous apportons et la proximité par rapport au marché font la différence.
Quels sont les chiffres de la production locale ?
C'est devenu une production en peau de chagrin. Il y a aujourd'hui 130 hectares cultivés contre 600 il y a quatre ans. Et la situation agricole a changé ces dernières semaines, avec une baisse du cours des céréales, des inquiétudes sur le prix du lait et une année climatique difficile. Le seul regain d'intérêt viendra d'une situation qui s'améliorera sur le plan commercial et donc de la rentabilité. Nous avons eu un écho positif de la part du ministère de l'Agriculture pour un recouplage partiel des aides que nous avions perdues. Avec l'augmentation du prix commercial, c'est une bouffée d'oxygène. Mais cela vient tardivement, car la dynamique est cassée. Cet accord court jusqu'à fin 2014. Après, la nouvelle Pac se mettra en place et nous nous poserons à nouveau la question de la pérennité de la culture du tabac, en fonction du niveau de soutien.
D'où cette diversification vers les productions de plantes à parfum et aromatiques (PPAM).
Nous travaillons sur ce dossier depuis trois ans. Nous mesurons aujourd'hui les résultats de la production de deux campagnes test. En 2013, pas moins de 40 hectares ont été mis en production, ce qui commence à être significatif, contre 20 en 2012. Nous avons prévu de récolter 60 tonnes en 2013 et une centaine en 2014. Les premiers enseignements sont qu'il existe un marché intéressé à la fois par la capacité de production et par la sécurisation de approvisionnements en local. Nous nous adressons à des entreprises françaises qui se trouvent face à une filière dispersée et peu structurée. Nous pouvons leur apporter la qualité grâce au suivi technique que nous assurons et surtout, nous leur offrons un panel de produits en regroupant un ensemble de producteurs à travers un interlocuteur unique. C'est l'intérêt du système coopératif. Mais il faut veiller à ce que les agriculteurs dégagent des marges, à l'image de celles du tabac hier, afin de les intéresser à ces productions.
Les coopératives Terre et sens (ex-Agritabac) et La Dauphinoise sont engagées dans un processus de fusion qui devrait se concrétiser en janvier.
Au regard du faible niveau d'activité de la coopérative Terre et sens, il était difficile d'asseoir un équilibre financier pérenne. Or, il importe de donner confiance aux producteurs à travers un organisme qui puisse conforter ses services dans de bonnes conditions économiques. Ce rapprochement avec La Dauphinoise est facilité par la proximité des réseaux et des infrastructures sur le terrain. De plus, les trois-quart des producteurs adhérents le sont aussi à La Dauphinoise. Cette fusion nous permet d'avoir des perspectives que seuls nous n'étions pas capables de mettre en œuvre. La Dauphinoise est une coopérative multi métiers, qui a déjà une gestion analytique des productions de tabac et plantes aromatiques. Et puis, cela permet de donner des perspectives aux trois collaborateurs de Terre et sens et de garder leurs compétences. Sur le plan opérationnel, cette branche spécifique sera gérée par la direction du pôle semences, qui compte déjà beaucoup d'adhérents producteurs de semences et de tabac.
En tant que président des deux structures comment appréhendez-vous cette fusion ?
Je suis satisfait de l'état d'esprit qui a présidé à cette fusion. Le conseil d'administration de Terre et sens s'est montré unanime et solidaire. Nous avons eu de larges débats, qui nous ont amenés à considérer le côté positif de cette opération, à savoir que 75% des agriculteurs de Terre et sens sont aussi adhérent de La Dauphinoise et les 25% restant ont reçu des assurances pour être confortés dans la démarche. Par ailleurs, c'est une démarche qui s'inscrit dans l'anticipation. La coopérative Terre et sens n'était pas en situation de difficulté financière, mais nous souhaitions garder des perspectives de production en conservant un minimum de moyens. Mais il faut encore attendre l'assemblée générale extraordinaire de La Dauphinoise, le 21 janvier prochain, pour que cette décision soit entérinée. Je suis confiant.