Un nouveau PAEN pour la Capi
Pour préserver le foncier agricole, onze communes de la Capi souhaitent adhérer au PAEN déjà existant. En parallèle de réunions organisées pour informer la population du territoire, une enquête publique est en cours jusqu’au 9 octobre.
« C’est bête à dire, mais s’il n’y a plus de foncier, il n’y a plus d’agriculture », lance Mathieu Gaget, maire de Saint-Quentin-Fallavier et vice-président de la Capi (Communauté d’agglomération porte de l’Isère), délégué à l'agriculture et au territoire, lors de la troisième réunion publique sur le nouveau projet de PAEN de la collectivité. Aussi évidente soit-elle, l’affirmation ne prête pas à rire, tant les enjeux autour du foncier dans le territoire du Nord-Isère sont importants et pris au sérieux par l’ensemble de ses acteurs.
Organisée conjointement par la Capi, le Département et la Chambre d’agriculture de l'Isère, cette rencontre avait pour but de présenter le nouveau projet de périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains. Elle venait compléter celles précédemment tenues à Nivolas-Vermelle et Saint-Quentin-Fallavier les 9 et 10 septembre.
Sollicitation locale
Précurseure, la Capi a déjà créé un PAEN dans son territoire en 2020 dans huit communes (1). L’idée est d’étendre ce périmètre en lui ajoutant neuf nouvelles communes (2) et en revoyant les contours de Saint-Quentin-Fallavier et de l’L'Isle-d'Abeau. Ainsi, il est question que 17 communes de la communauté d’agglomération, soit 5 764 hectares -contre 3 600 initialement-, soient couvertes par ce dispositif et puissent faire l’objet du programme d’actions qui sera déployé par la suite.
La mise en œuvre de ce PAEN vient répondre à la problématique de pression foncière subie par le territoire, qui a en moyenne, perdu 58 ha par an sur la période 2019-2023 (3).
Comme l’indique Delphine Stoppiglia, chargée des procédures d'aménagement foncier rural au Département de l'Isère, « un PAEN est un outil qui permet de sanctuariser les terres agricoles et forestières, ainsi que les espaces naturels. C’est le département qui a la compétence pour l’adopter mais il ne le fait que sur sollicitation locale, dans une logique d’accompagnement des acteurs locaux et du monde professionnel agricole. Il s’accompagne d’un plan d’action doté de 100 000 euros par an pendant cinq ans visant à répondre aux besoins du territoire ».
Durée indéterminée
Pour Mathieu Gaget, « cette démarche vient appuyer celles de protection du foncier que nous avions déjà initiées grâce au premier PAEN. Elle vient aussi en complément des mesures de préservation de la biodiversité et de la qualité de l’eau prises via des PSE (Paiements pour services environnementaux) et des MAEC (Mesures agroenvironnementales et climatiques), ainsi que du Projet alimentaire territorial que nous souhaitons porter, explique-t-il.
Concrètement, la mise en place du PAEN signifie pour les communes concernées, qu’en matière de droit à construire, les PLU continueront de s’appliquer, mais que les parcelles classées agricoles ou naturelles par les conseils municipaux garderont cette nature pour une durée indéterminée ». Fait pour protéger durablement ces espaces, seul un décret interministériel peut défaire un PAEN.
Le comparant avec d’autres outils de préservation du foncier tels que les PLU et les Zan (Zéro artificialisation nette), Jean-Paul Prudhomme, élu à la Chambre d’agriculture de l’Isère dans le collège des propriétaires, fait remarquer qu’« il est le seul à s’inscrire sur le long terme, à apporter des financements pour le territoire, à permettre des échanges de parcelles entre agriculteurs et bien d’autres mesures encore ».
Agriculteurs échaudés
Les quelques exploitants et propriétaires venus à la rencontre ont fait part d’un état d’esprit réservé à l’égard de cette initiative. Il en est qui sont échaudés par la mise en œuvre de précédents dispositifs, en particulier Natura 2 000, qui craignent la mise en place d’« une grosse machine source de contraintes », et qui pensent que « c’est très complexe pour pas grand-chose ».
Il en est aussi qui estiment ne pas avoir été informés par les élus de leur commune et leur reprochent donc « cette façon de faire ». Et surtout, il en est qui redoutent que les propriétaires des parcelles qu’ils exploitent, ne leur en tiennent rigueur.
« Nous nous sentons désabusés et mis devant le fait accompli », lance l’un d’eux.
Convaincu par le dispositif, Cyrille Madinier, maire de la petite commune de Flachère et vice-président du Département en charge de l’agriculture, a voulu les rassurer. Il rappelle que « ce n’est pas le département qui impose un PAEN mais que ce sont les conseils municipaux qui en font la demande ».
Prônant la consommation des produits locaux et la valorisation du bien manger à la cantine, il considère que « les maires et les conseillers départementaux sont aussi des acteurs des territoires et que grâce à certains outils, nous pouvons avancer progressivement vers l’autonomie alimentaire que nous recherchons. De la même façon que nous voulons que les agriculteurs vivent décemment de leur travail, que leurs exploitations soient rentables, qu’ils puissent se dégager du temps avec leur famille. Pour cela, nous, les élus, nous avons tous un rôle à jouer, en partenariat avec le monde agricole ».
Isabelle Brenguier
(1) Saint-Quentin-Fallavier, La Verpillère, Villefontaine, Vaux-Milieu, L'Isle-d'Abeau, Four, Saint-Alban-de-Roche et Domarin
(2) Bourgoin-Jallieu, Chèzeneuve, Crachier, Eclose-Badinières, Maubec, Nivolas-Vermelle, Ruy-Montceau, Saint-Savin et Succieu
(3) selon l’Observatoire foncier partenarial de l’Isère (Ofpi).
« Pour que le secteur agricole perdure dans les territoires »
Fabien Durand, maire de Saint-Savin, partage son ressenti à l’issue de la réunion publique sur le PAEN.
« L’outil paraît compliqué, mais l’idée est simple. Il s’agit de figer le foncier agricole, indique Fabien Durand, maire de Saint-Savin, commune qui adhère au nouveau périmètre de PAEN (Périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains) de la Capi, lors de la réunion publique de présentation du dispositif, le 16 septembre. Il représente la volonté qu’ont les élus de faire perdurer le secteur agricole dans les territoires et une opportunité pour leur offrir des services et des financements. Il vise également à permettre aux jeunes de se projeter, à leur donner de l’espoir. Je ne pense pas qu’il y ait de crainte à avoir sur ce dispositif, mais plutôt qu’il faut faire confiance aux élus locaux qui portent ce projet ». S’il concède que « le dispositif est compliqué et administratif », qu’« il faut revoir les méthodes de consultation du public, faire évoluer ce formalisme administratif et réajuster la valeur des terrains agricoles », il s’inquiète pour le monde agricole, ne comprenant pas son ambivalence, entre des demandes de protection du foncier et les réticences de certains agriculteurs vis-à-vis de ce dispositif.
IB
L’économie agricole et forestière du territoire
Dans les onze communes concernées par le nouveau périmètre du PAEN :
- 130 exploitations ont leur siège dans le périmètre d’étude ;
- 56 exploitations sont en agriculture biologique (AB) pour une surface d’environ 715 ha ;
- 12 exploitations sont certifiées Haute Valeur Environnementale (HVE) ;
- la SAU est de 7 214 ha, soit 45,7 de la surface totale (15 788 ha) ;
- la surface moyenne est de 55 ha par structure ;
- les surfaces en céréales et oléo-protéagineux représentent près de 60 % des surfaces cultivées déclarées à la PAC, et les prairies plus d’un tiers de ces mêmes surfaces ;
- la forêt occupe une surface de 3 110 ha dans les 11 communes engagées dans la démarche PAEN, soit 21 % du territoire ;
- 3 057 ha sont en forêt privée et 53 ha en forêt publique (soumise au régime forestier).
- les espaces forestiers sont principalement composés de forêts fermées de feuillus (2 939ha), et seulement 18 ha de résineux.
Source : Chambre d’agriculture de l’Isère
En pratique
Le dossier d’enquête, comprenant le plan des communes concernées, la notice expliquant comment le périmètre du PAEN a été défini, ainsi que le registre consignant les observations, peut être consulté par le public jusqu’au 9 octobre, dans les mairies des communes concernées par l’enquête publique, à savoir Bourgoin-Jallieu, Chèzeneuve, Crachier, Eclose-Badinières, L’Isle-d’Abeau, Maubec, Nivolas-Vermelle, Ruy-Montceau, Saint-Quentin-Fallavier, Saint-Savin et Succieu, ainsi qu’à la Communauté d’agglomération Porte de l’Isère, siège de l’enquête, à leurs jours et heures d’ouverture.
A l’issue de l’enquête, et après examen du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur, Denis Cuvillier, le Département de l’Isère aura compétence pour adopter le périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains des onze communes concernées.