Une dizaine de jeunes agriculteurs isérois rencontrent le président Macron

Comme beaucoup, ils ont d'abord cru à une blague. La semaine dernière, Bastien Kocik, Steven Clavel et quelques jeunes agriculteurs isérois installés en 2017 ont reçu un mail les conviant à venir rencontrer le président de la République à l'Elysée le 22 février. « Surpris sur le moment », Bastien a pris le parti de laisser ses bêtes la journée pour répondre à la « convocation ». Steven, lui, va suspendre ses plantations de noisetiers le temps de faire l'aller-retour. Coût de l'opération : 210 euros pour les agriculteurs (le prix du billet, dont ils ne savent pas pour le moment s'il va être pris en charge par l'Elysée) et un bon coup de pub pour le président... à deux jours de l'ouverture du Salon de l'agriculture.
« On ne maîtrise rien »
Ce que le président Macron va leur dire ? Ils n'en savent absolument rien. « Ce qu'on aurait envie de lui dire ? Eh bien... de respecter les anciennes normes avant de nous en imposer de nouvelles et de nous payer la PAC », s'agace Bastien Kocik, qui a rejoint le Gaec de la Bathie, à La Forteresse, en juillet dernier. Installé hors cadre familial, le jeune éleveur laitier se heurte, avec ses deux associés, à un casse-tête administratif, lié à un projet d'agrandissement qui nécessite une mise aux normes du stockage d'effluents, donc un permis de construire... pour l'instant refusé par la mairie. Depuis qu'il est tout petit, il veut être paysan. « Je suis mordu, je ne me vois pas faire autre chose, confie-t-il. Mais j'aimerais dire au président que ça ne peut plus continuer comme ça : on ne décide de rien, on ne maîtrise rien ! Je voudrais qu'on puisse être acteur de nos filières, qu'on décide de nos prix et qu'on arrête de nous imposer un prix d'achat ! »
Installé à Biol avec son père et son frère depuis le printemps 2017, Steven Clavel est sur la même longueur d'onde. Pour diversifier l'exploitation familiale, il s'est lancé dans la production de noix, de noisettes, de miel et de bière. Ce qu'il voudrait, c'est que « nos produits soient rémunérés à leur juste valeur ». Mais, lucide, Steven ajoute : « De toute façon, là-dessus, Macron, il ne peut pas grand chose. Mais j'ai pensé que je pourrai lui donner une bière Clavel, pour la faire connaître... »
Déverrouiller les dossiers
A défaut de le voir faire la pluie et le beau temps sur le front économique, Bastien Kocik aimerait que le président déverrouille les dossiers de l'écologie et de la formation. Pour la première, il suggère qu'« au lieu de se manger le nez avec l'Etat, on puisse produire de l'énergie en installant des panneaux solaires sur les toits de nos bâtiments ou des méthaniseurs. Ils ne veulent plus de centrales nucléaires ? Nous les agriculteurs, nous pourrions fournir de l'énergie. Mais il faut nous simplifier la tâche, pas nous la compliquer ».
Côté formation, le jeune éleveur estime que « l'enseignement part à la dérive ». Son bac pro CGEA en poche, il s'est senti démuni quand il s'est retrouvé dans la vraie vie professionnelle. « Ce qu'on a eu, ce n'est pas une formation agricole, regrette-t-il. On a appris un peu de tout, mais ce n'est pas assez précis. On n'a fait que survoler les choses. Il y a un gros travail à faire sur la formation. » Message reçu, monsieur Macron ?