Une filière encore balbutiante

Loïs Point est sans doute un des rares producteurs de miscanthus du département. A Saint-Barthélémy-de-Beaurepaire il a planté, en 2008, 1,35 hectares de cette plante aussi appelée roseau de Chine. Cette graminée pérenne rhizomateuse ne présente aucun risque invasif, sa multiplication étant végétative. Elle peut atteindre trois mètres de haut et reste en place au moins pour une vingtaine d'années. Ses fonctionnalités sont multiples : biomasse, litière, paillage, biomatériau, biocarburant, plante paysagère...
Paillage et litière
« Mon père avait découvert cette plante au travers de revues. Cela paraissait intéressant. En 2006-2007, rien n'avait encore été fait dans la région. La plante est plus connue en Bretagne ou dans le nord de la France. Nous voulions voir comment elle se comporterait sous nos latitudes. En 2008, nous avons lancé nos premiers essais personnels », explique Loïs Point, dont l'EARL de Montremond compte plusieurs activités agricoles : culture céréalière (blé, maïs, jachère) sur 70 ha, entreprise de travaux agricoles et plateforme de compostage. La première récolte de miscanthus a lieu en 2010, car l'année N+1, il convient de broyer la parcelle pour constituer un paillage préalable. Mais ne trouvant pas de débouchés, cette récolte finit au composteur. « En 2011, nous en avons vendu une partie aux pépinières Vivier à Penol. L'essai a été convaincant », explique l'exploitant, qui cependant ne récolte pas en 2012. Aussi, en 2013, les quantités sont au rendez-vous et la clientèle aussi. Si les pépinières Vivier restent le premier client, la vente en paillage horticole connaît un vrai succès. D'autant que l'EARL revend aussi la récolte produite sur le site Sytrad de Saint-Quentin-en-Valloire. « En 2014, nous avons aussi lancé la litière pour les chevaux et avicole », poursuit l'exploitant qui se positionne en tant que développeur de la filière à l'échelle régionale. Il vient de recruter une commerciale à ces fins. Paillage horticole, litière animale, biomasse ; « pourquoi ne pas travailler avec des industriels pour que le miscanthus entre dans la composition de biopolymères ou d'emballages alimentaires ? Une étude est en cours pour du biocarbutant », ajoute Loïs Point.
Zones de captage
La conduite de la plante est des plus simples, hormis la première année qui réclame un désherbage, avec un passage de glyphosate et un broyage. « Elle est plantée au printemps sur une préparation du sol fine. Il faut 15 à 20 000 rhizomes à l'hectare ». Début mars, la récolte s'effectue à l'ensileuse, à la condition que la plante soit bien sèche (9 à 10% d'humidité), car le stockage est important. Le rendement moyen est de 15 tonnes à l'ha. Si le miscanthus est si peu développé, c'est probablement en raison de son coût élevé à l'installation : 3 500 euros à l'hectare. « Comparé aux cultures céréalières, le retour sur investissement est plus long, il n'intervient pas avant sept ans », précise l'exploitant. Si elle peut pousser à peu près partout, la plante aime aussi l'eau. « Elle a surtout besoin d'irrigation les deux ou trois premières années, mais en fonction des apports en eau, on peut observer des écarts du simple au double », note Loïs Point. Cette appétence pour l'eau intéresse l'Agence de l'eau, partenaire des essais. L'organisme s'est en effet rapproché des professionnels pour conduire des plantations dans les zones de captage car le miscanthus favorise la qualité de l'eau. « Faire planter du miscanthus en zone de captage présente un intérêt pour les agriculteurs, même si cela prend du temps », insiste le pilote du projet. Les paillages sont revendus 30 euros par m3, mais la plante a d'autres débouchés. « Nous travaillons actuellement sur la mise au point d'une machine pour dépoussiérer le produit vendu sous forme de litière animale », ajoute Loïs Point, qui compte bien développer à la fois la filière amont et aval du miscanthus.
Isabelle Doucet
Voir aussi : Le paillage, une alternative au désherbage chimique en horticulture