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Forêt

Une lente évolution des mentalités

Des propriétaires privés prennent conscience de l'importance d'une bonne gestion agronomique de la forêt.
Une lente évolution des mentalités

L'exploitation des forêts est parfois difficile à faire accepter au grand public : le paysage peut être modifié, l'accès à certains sites limité le temps des travaux forestiers... La fête de la forêt et du bois qui aura lieu les 3 et 4 septembre dans la commune du Grand-Serre (26), a pour objectifs de sensibiliser le public aux métiers du bois, et de l'informer sur les problématiques auxquelles doit faire face la filière. « Il faut se sortir de la tête l'image du meuble de la grand-mère ou du chalet de montagne. Le bois, ce n'est pas que cela » rappelle une animatrice de la charte forestière. Cette fête aura lieu dans le territoire de Chambaran, qui, avec le massif de Bonnevaux situé de l'autre côté de la Bièvre, sont soumis à une exploitation forestière importante, notamment grâce à une topologie moins contraignante qu'en haute montagne. Une activité qui doit cependant être repensée, réorganisée.

Moyenne d'un hectare

Entre 80 et 90% des forêts Bonnevaux et Chambaran sont privées, et la surface moyenne par propriétaire est d'environ un hectare. Ce morcellement foncier renchérit le coût d'exploitation, et certains propriétaires se désintéressent de leurs parcelles. En-dessous de dix hectares, impossible d'élaborer un plan simple de gestion (PGS). L'Association syndicale libre de gestion forestière (ASLGF) du Bas-Dauphiné permet une gestion commune des parcelles de faibles surfaces des différents propriétaires, actions encouragées par les chartes forestières de territoire (CFT) Chambaran et Bas-Dauphiné Bonnevaux.

Du bois dont on fait les ganivelles

Le bois de Chambaran et Bonnevaux est principalement commercialisé en bois « énergie » (plaquettes, granulés, bûches), notamment auprès des chaufferies collectives comme celles de Grenoble et Chambéry et de quelques industries. Un tissu économique local à préserver, mais qui peut être concurrencé par les bas prix des énergies fossiles comme le fuel. Un autre débouché : le piquet. La qualité imputrescible du châtaignier, essence courante dans les deux massifs, en fait un matériau idéal pour cette production, dont le marché s'étend au-delà des frontières de la région : outre l'utilisation en élevage, les piquets en bois servent aussi à la fabrication des ganivelles, ces clôtures situées en bord de mer. Toutefois, du fait du traitement en taillis (1), les souches sont peu renouvelées, et la qualité du bois diminue avec le temps. La coupe rase, technique répandue notamment en forêts privées et qui consiste à abattre la totalité des arbres d'une parcelles, est remise en cause pour son impact visuel et sa gestion « tout ou rien. »

 

Repenser la forêt

Les CFT et l'ASLGF encouragent donc une conversion en futaie irrégulière – un système assez commun en forêt publique : d'une part, les arbres ne sont plus issus de régénérations végétatives mais de semis naturels, et d'autre part, une même parcelle comporte des arbres à tous les stades d'évolution, du semis à la vieille futaie. Au-delà de l'avantage qualitatif, ce traitement permet de varier les débouchés : une valorisation en bois d'oeuvre est rendue possible par la présence d'arbres de gros diamètres. Il présente aussi des atouts environnementaux : la couverture permanente du sol limite l'érosion et le dessèchement du sol, et l'impact sur le paysage est moindre. Une autre opération suscite des interrogations : pour la production de plaquettes et de granulés, qui nécessite un broyage du bois, le débranchage est progressivement abandonné, impactant le renouvellement du sol, peu de matière végétale restant finalement au sol. L'exploitation importante des forêts de Chambaran et Bonnevaux nécessite aussi une surveillance d'un point de vue quantitatif. L'abattage doit être inférieur au renouvellement naturel des forêts pour assurer une disponibilité des ressources à long terme. Le dispositif régional Sylv'acctes permet d'accompagner financièrement une gestion forestière durable par un système de compensation : les entreprises aux impacts les plus négatifs sur l'environnement financent d'autres projets davantage écoresponsables.

 

(1) Arbres de petits diamètres qui croissent à partir d'anciennes souches.

Magali Seyvet