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INTERVIEW

David Chauve : « C'est un bras d'honneur fait aux agriculteurs »

David Chauve, le président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, dénonce les coups de canifs portés par les députés du Nouveau front populaire (NFP) et du bloc central à la loi Entraves, la dépouillant de son objectif : desserrer l'étau qui asphyxie les agriculteurs.

David Chauve : « C'est un bras d'honneur fait aux agriculteurs »
David Chauve président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes.

Les députés membres de la commission du développement durable et issus principalement du Nouveau front populaire (LFI, PS, EELV) et du bloc central (dont Modem) ont largement censuré les principaux articles de la proposition de loi (PPL) pour lever les contraintes à l’exercice du métier ? Que vous inspire cette volte-face ?

David Chauve : « La proposition issue du Sénat nous allait bien, car elle s'inspirait largement des mesures que notre réseau FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA) défend depuis plusieurs années déjà. Nous les avions d'ailleurs détaillées noir sur blanc à l'occasion des grandes mobilisations de l'hiver dernier. Elles étaient courageuses, concrètes et proches des réalités du terrain, peut-être parce qu'elle émanait du sénateur Laurent Duplomb, lui-même agriculteur. Ce qui s'est passé la semaine dernière en commission du développement durable nous interroge et n'augure rien de bon pour la suite. Le cadre général de la loi d'orientation agricole (LOA) a beau être pavé de bonnes intentions, c'est bel et bien, la PPL sur les entraves au métier qui doit permettre de les mettre en musique. En effet, les avancées concrètes sur les moyens de production se trouvent davantage dans cette PPL que dans la LOA. »

Sur l’eau, l’OFB, le conseil stratégique sanitaire, les installations classées, la réintroduction des produits phytosanitaires… les propositions initiales ont été non seulement censurées mais durcies !

D.C : « Très clairement l'ambition agricole française va avoir du mal à se traduire dans les faits avec ce qui s'apparente, en effet, à pire qu'un rétropédalage. On est dans une cacophonie générale où personne ne veut prendre ses responsabilités. Tout le monde joue la montre, les engagements qui ont été pris, une fois de plus, ne se traduisent pas dans les faits. Pire, le groupe Modem a voté à l'unanimité contre cette proposition de loi. Un groupe présidé par Marc Fesneau, l'ex-ministre de l'Agriculture, qui promettait lorsqu'il était rue de Varenne, la main sur le cœur, de libérer l'agriculture française de ses carcans. Les parlementaires ont fait un sacré bras d'honneur aux agriculteurs lors de ce premier débat. Il y a une responsabilité gouvernementale aussi, car certains sujets auraient pu passer par un décret sans attendre le vote de la loi. »

Pouvez-vous nous préciser lesquels ?

D.C : « C'est le cas notamment de l'assurance prairie. Une mesure que nous réclamons depuis des mois. L'enjeu est la question du recours en prenant en considération les expertises de terrain soit par le réseau des fermes de référence, et en s'appuyant sur les travaux conduits par les chambres d'agriculture sur la pousse de l'herbe. À ce stade, la lecture satellitaire n'est pas fiable, il nous faut donc des expertises terrain. Il n'y a rien qui se déclenche alors que les paysans payent une cotisation de plus en plus élevée. D'ailleurs, les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à se désengager de l'assurance prairie au regard du manque de fiabilité. »

Globalement, comment entendez-vous réagir, alors que la FNSEA et JA ont lancé un appel à mobilisation ?

D.C. : « Dans un premier temps, nous allons retourner voir les parlementaires. À cette période de l'année, avec les nombreux travaux dans les champs, il est compliqué d'envisager des mobilisations de masse. Cependant, ce lâchage des agriculteurs par les parlementaires et le gouvernement ne pourra pas rester lettre morte. Nous serons amenés à marquer le coup fortement dans les semaines et mois à venir. D'autant que tout le monde se focalise sur les phytosanitaires, mais il y avait bien d'autres sujets dans cette PPL : l'eau, les installations classées (ICPE), la gestion des risques (assurance prairie). Sur les phytosanitaires, la loi proposait tout simplement de gommer les distorsions de concurrence qui subsistent avec nos voisins européens, de ne pas laisser les agriculteurs dans l'impasse sans solutions. Nous attendons du courage politique. On ne peut pas faire le constat du changement climatique, et s'opposer à une gestion de l'eau plus pragmatique pour permettre aux agriculteurs de produire. Dans un contexte géopolitique incertain, il nous semblait que la sécurisation de notre alimentation en donnant aux agriculteurs des moyens de production avait du sens. Force est de constater que nos élus ont une lecture à géométrie variable sur ce sujet. »

Vous avez rencontré, vendredi 9 mai, la préfète de région1. Quelle a été la teneur de vos échanges ?

D.C. : « Il s'agissait d'une première prise de contact à la suite de l'élection des nouveaux présidents de la chambre régionale d'agriculture et de la FRSEA. Nous avons été reçus par le staff au grand complet de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf), la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets), l'Office français de la biodiversité (OFB), la direction de la protection des populations (DDP). Chacun de ces organismes a fait un point sur les travaux de simplification, les contrôles, et livré leur approche sur les nouveaux zonages nitrates… La volonté d'accompagner sur le périmètre régional est sincère, mais on sent bien que l'administration reste prise dans la tenaille des arbitrages nationaux. »

Sur le volet économique, la promesse de réaliser davantage de contrôles sur le respect de la loi Egalim et l'origine a-t-elle été tenue ?

D.C. : La Dreets a indiqué avoir multiplié les contrôles, ce que nous demandions avec fermeté. A priori, au niveau des opérateurs régionaux, la loi est plutôt bien respectée. Les contrôles sont réalisés sur l'origine, sur le SRP + 10 (seuil de revente à perte) et sur la prise en compte du prix de la matière première. Sur l'origine, 28 % des contrôles en distribution ont constaté une anomalie. 5 % d'entre elles se sont révélées de vraies fraudes qui ont déclenché une amende (2/3 en fruits et légumes et 1/3 en viandes). En restauration collective, 7 établissements sur 10 ont été jugés sans problème, 25 % d’anomalies mineures ont été relevées. 5 % de vraies fraudes ont fait l'objet d'une verbalisation. Plus globalement, la loi Egalim, qui demeure notre cheval de bataille pour garantir une rémunération au juste prix, porte ses fruits. La remontée des prix est certes conjoncturelle, mais elle est aussi le travail de structuration des prix sur la base des coûts de production. Nous disposons désormais d'une base de négociations crédible et légitime. Les agriculteurs doivent s'en emparer pleinement.»

Propos recueillis par Sophie Chatenet