Un risque de concurrence entre les Etats

A l'heure des négociations, l'unité de la PAC est-elle menacée ? Qu'en est-il aujourd'hui de la future PAC post 2020 ?
C'est l'enjeu du débat qui est devant nous.
Pour le Conseil des ministres, il faudrait laisser davantage de prérogatives aux Etats membres, faire comme on veut.
Pour le Parlerment, il faut garder des choses communes : les règles de la concurrence, la mise en œuvre de la conditionnalité, les contrôles et la façon dont ils sont opérés etc.
Quand ces questions seront-elles portées au débat ?
Le débat aura lieu à partir de l'année prochaine.
Le Conseil des ministres et le Parlement arrêtent leurs positions et présentent leurs amendements début décembre. Il n'est pas possible de commencer à discuter avant.
Il y a deux courants : entre le Conseil des ministres qui défend les Etats qui souhaitent davantage de liberté pour faire ce qu'ils veulent et le Parlement qui dit : attention à la mort de la PAC.
Vous craignez que la mise en application de la PAC soit reportée après 2021 ?
La PAC post 2020 ne pourra pas entrer en application le 1er janvier 2021.
Les négociations devront être terminées mi 2020 puis laisser le temps aux Etats membres de rédiger les copies, jusqu'à la mi 2021, pour une mise en application début 2023, sinon rien ne sera prêt et, comme lors de la dernière PAC, les paysans ne seront pas payés dans les délais.
Mais cela ne laisse pas plus de temps aux négociations.
Les craintes portent aussi sur un budget de la PAC qui risque d'être amputé ?
Entre la proposition validée par la Commission européenne et la position des Etats membres, il y a une différence d'enveloppe financière de - 15% sur le 1er pilier et - 20% sur le 2e pilier.
La France et l'Allemagne veulent le maintien du budget de la PAC à l'identique.
Ce n'est pas un effet du Brexit, mais lié au dévelopement d'une nouvelle politique européenne en matière de sécurité et de défense.
Les aides du 2e pilier pourraient donc diminuer ?
La Commission propose d'augmenter part du cofinancement national. Mais les Etats sont-ils prêts à cela et pour quoi faire ?
Quant à la question de l'environnement, peut-être devrait-on réfléchir à un conditionnement des aides aux investissements productifs en ce qu'ils privilégient l'environnement.
Que reste-t-il des travaux menés dans le Vercors en juin 2017, lors du Global Food Forum organisé par le think tank Farm Europe ?
Ces travaux ont donné matière à une réflexion sur la définition d'outils opérationnels, lesquels seront repris dans les stratégies communautaires.
Ils apportent un cadre aux Etats qui veulent mettre en œuvre ces politiques. Les Etats sont en train d'analyser ces éléments.
Mais la France a mobilisé beaucoup d'énergie autour des Egalim et n'a pas aujourd'hui une position claire vis-à-vis de la politique agricole européenne.
D'autant que les élections professionnelles, qui se dérouleront en janvier 2019, bloquent aussi la réflexion.
Il y a une crainte que la France ne se réveille trop tard. Or, le risque aujourd'hui est d'exacerber la concurrence avec les Etats.
Il est parfois reproché à la PAC de s'être éloignée de son objet.
La PAC a été créée pour alimenter la population et cet objectif a été rempli.
Mais il y a aujourd'hui une crise de confiance de l'opinon publique par rapport à son alimentation.
Un chantier sera de rétablir cette confiance en l'alimentation.
Ce n'est pas seulement une réflexion agricole, mais elle concerne l'industrie agroalimentaire et les services vétérinaires, qui sont autant de lieux où l'on ne voit pas ce qui se passe.
Il convient de travailler à une meilleure visibilité de l'échelon industriel pour le consommateur.
Comment la PAC peut-elle y parvenir ?
La PAC peut accompagner des investissements qui permettent de rétablir davantage de transparence.
Vous serez présent à la Nuit de l'Agriculture iséroise. Que partagerez-vous ?
Je trouve que la symbolique d'un repas pour parler d'agriculture est très forte.
Nos concitoyens oublient le lien qui existe entre qualité d'agriculture et qualité d'alimentation.
Car on se condamne à faire appel à des productions plus lointaines, plus connues et de moindre qualité.
C'est un événement qui a du sens.
Propos recueillis par Isabelle Doucet