Elections départementales
Montagne : les enjeux climatiques au cœur des programmes en Isère

Marianne Boilève
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Tourisme, ressources naturelles, vie sociale et culturelle : trois enjeux cruciaux pour la montagne iséroise, territoire fragile déjà très affecté par le changement climatique. Nicole Pignard-Marthod, candidate sur la liste du Printemps isérois en Chartreuse, et Fabien Mulik, candidat de la majorité sortante dans le canton Matheysine-Trièves, avancent leurs propositions en exlcusivité pour Terre Dauphinoise. Le Rassemblement national n'a pas donné suite à nos demandes d'interview.

Montagne : les enjeux climatiques au cœur des programmes en Isère
En Isère, les candidats aux élections départementales qui se dérouleront les 20 et 27 se positionnent tous par rapport à la question du changement climatique.

En montagne, le tourisme est un vecteur essentiel du développement économique local. Quelle politique d'accompagnement envisagez-vous à l'échelle du Département ?

Nicole Pignard-Marthod (Printemps isérois) : En montagne, le développement touristique a longtemps été orienté vers les sports d'hiver. Nous proposons de sortir de ce modèle tout-neige pour construire un nouvel équilibre qui prennent en compte la transition écologique, l'évolution du climat et la préservation des ressources naturelles, à commencer par l'eau. Nous voulons aller vers une montagne vivante et accueillante toute l'année, pour les habitants comme pour les visiteurs. Dans nos communes, les gens ont plein d'idées. Nous soutiendrons les initiatives qui permettent de diversifier les activités tout en pérennisant les ressources. Nous proposons par exemple d’aider les filières pour valoriser les produits locaux, via la transformation ou la restauration, car il ne faut pas seulement penser vente directe. Nous voulons aussi mettre en place un ambitieux plan vélo, qui permette de connecter les itinéraires entre eux. Les projets doivent aussi s'appuyer sur les demandes émergentes, autour du bien-être ou des enfants par exemple. Nous voulons également favoriser les séjours des collégiens en montagne, soutenir les projets d'agritourisme, les animations et l'accueil à la ferme. C'est une manière de contribuer à une meilleure connaissance du monde montagnard et agricole : si les visiteurs, souvent urbains, en comprennent les enjeux, ils respecteront mieux la montagne et ceux qui y habitent. Nous proposons aussi d'aider les collectivités et les acteurs à revaloriser les hébergements et les centres de vacances qui ont parfois été laissés à l'abandon pour permettre un accueil de qualité, ouvert à tous les publics, toute l'année.

Fabien Mulyk (Pour l'Isère) : La question du tourisme est indissociable des enjeux climatiques. Qui dit montagne dit neige. En Isère, nous avons beaucoup de petites stations de basse et moyenne altitude. Il n'est plus question de penser "tout-neige" : c'est dépassé. Il faut s'orienter vers le tourisme quatre saisons, comme le font le Vercors et la Chartreuse. Aujourd'hui, on ne va plus forcément à la montagne pour faire du ski de piste. Il y a d'autres demandes concernant les activités de plein-nature, le bien-être ou les activités à sensations fortes, qui peuvent attirer une nouvelle clientèle, et notamment des jeunes. Il y a également une lame de fond pour le vélo et le vélo à assistance électrique : il faut mettre en place une politique dans ce sens. Nous proposons aussi d'accompagner les propriétaires dans la rénovation des biens immobiliers de tourisme, dont beaucoup sont vieillissants dans de nombreuses petites stations. Le niveau d'exigence a évolué : les gens veulent un accueil de qualité et n'ont pas envie de passer leurs vacances dans un studio de 16 m2. Les planètes sont alignées : l'État, la Région et le Département ont alloué des moyens considérables dans le cadre du Plan montagne. C’est l’occasion d’adapter nos stations aux réalités climatiques et aux besoins des gens.

Comment favoriser la mise en valeur des ressources naturelles, et notamment de la forêt ?

Nicole Pignard-Marthod (Printemps isérois) : En montagne, les forêts et l'agriculture sont très impactées par le changement climatique. Nous avons besoin d'une gestion qui préserve la ressource, tout en permettant de rémunérer justement les exploitants agricoles et sylvicoles. Pour cela, il faut prendre en compte l'ensemble de la filière, de l'arbre jusqu'à l'artisan pour la forêt par exemple, mais aussi utiliser le levier de la commande publique. Le Département soutiendra les acteurs et les collectivités engagés dans des projets innovants en phase avec la transition écologique. Nous prévoyons un plan de 100 millions d'euros pour opérer cette transition. Nous proposons notamment d’accompagner les agriculteurs intéressés par l'agroforesterie ou d’aider ceux qui n'ont pas encore franchi le pas de l'agro-écologie, en s'appuyant sur leurs savoir-faire. Nous voulons aussi inciter à la mutualisation et soutenir l'investissement collectif, de façon à fabriquer les "morceaux" de la filière qui manquent. En Chartreuse par exemple, des menuisiers se sont regroupés pour acheter une machine à commande numérique. C'est le genre de projet que nous pourrions soutenir.

Fabien Mulyk (Pour l'Isère) : Concernant la forêt, nous avons déjà mis beaucoup de choses en place, comme l'Observatoire des forêts. Etant donné l'émergence de problèmes liés au changement climatique, il faut que nous travaillions au renouvellement de la forêt et que nous essayions de nouvelles essences, moins sensibles au réchauffement et aux parasites. Nous allons également continuer à promouvoir le bois dans la construction des collèges et des bâtiments publics. Pour ce qui est de l'agriculture, nous allons accompagner l'installation, car le renouvellement des générations est une question cruciale dans nos montagnes. Je veux aussi que l'on soutienne les secteurs fragilisés, comme la filière lait. Le projet de brique Plein Lait Yeux a permis de fédérer les éleveurs du Sud-Isère, mais on peut sans doute aller au-delà. Je garde espoir qu'on avance sur un projet de coopérative laitière, sur le modèle de Vercors Lait. Car il y a une demande des consommateurs localement. Je voudrais également dire un mot sur la prédation : nous serons aux côtés des éleveurs dans ce dossier. La biodiversité, c'est intéressant. Mais quand elle impacte l'activité des éleveurs, il faut aussi la réguler.

Comment (re)dynamiser la vie sociale et culturelle dans un espace géographique aussi complexe que la montagne ?

Nicole Pignard-Marthod (Printemps isérois) : La montagne accueille beaucoup de monde, mais il faut des lieux pour que tous ces gens se retrouvent, se rencontrent, dansent ensemble... Il n'y a pratiquement plus de café. Nous devons inventer des petits lieux pour permettre aux gens de se réunir et aux artistes de se produire. La question culturelle est centrale car elle est vecteur de lien social. Nous avons des artistes, des artisans artistes, des associations très actives. Il faut aider tous ces acteurs à se mettre en réseau pour créer des événements culturels accessibles à différents publics et faire de la montagne un lieu de vie plaisant pour ses habitants. Cela permettra aussi de valoriser l'image touristique de nos massifs.

Fabien Mulyk (Pour l'Isère) : Du fait de la crise sanitaire, nous avons avec nous l'envie des gens de partager des moments autres que le travail et la routine du quotidien. Mais ce n'est pas facile de l'articuler dans nos communes, surtout dans des cantons aux densités aussi faibles que les nôtres. Nous allons bien sûr conforter les festivals et les associations qui portent des actions culturelles. Mais il faut aussi organiser des espaces, sur le modèle de l'espace de vie sociale de Mens, où l'on peut trouver des ressources en termes d'animation, de prévention, d'entraide et d'accompagnement des familles. Je voudrais également qu'on aille chercher les publics, comme on l'a fait pour les espaces naturels sensibles. Nous avons formé les médiateurs pour pouvoir attirer des gens - des personnes âgées, handicapées ou bénéficiaires de l'aide sociale - qui n'ont pas l'habitude de participer à ce genre d'animation. Nous pouvons très bien le faire pour l’animation sociale et culturelle.

Propos recueillis par Marianne Boilève

 

 

 

 

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