Arnaud Rousseau : « Je demande à être jugé sur les résultats »
Président de la FNSEA, qui a vu ses bases reculer aux dernières élections des chambres d’agriculture, Arnaud Rousseau a répondu à nos questions avant sa participation à l’assemblée générale de la FDSEA du Cantal le 7 novembre.
Que reste-t-il des grandes manifestations de début 2024 où s’était exprimé le ras-le-bol des agriculteurs face aux normes, aux entraves réglementaires à la production ? La loi “Duplomb”, censée alléger ce carcan, n’a pas été adoptée dans son intégralité.
Arnaud Rousseau : « Il reste un certain nombre de décisions, en particulier fiscales. En deux ans, nous avons récupéré deux milliards d’euros de soutiens fiscaux, notamment en faveur de l’élevage avec la fameuse déduction pour atténuer l’augmentation de la valeur du stock des animaux. C’est une sacrée avancée, surtout quand on voit l’évolution des prix des bovins. Et puis, il y a tout ce que nous avons obtenu sur l’épargne de précaution pour mieux faire face aux aléas climatiques et sanitaires. On dispose ainsi d’outils de gestion de la fiscalité, y compris pour les exploitations au micro-BA dont le seuil a été porté de 92 000 à 120 000 €. C'est le cas également avec des mesures intéressantes de la loi Duplomb. Je pense au relèvement des seuils d’effectifs pour les ICPE1 ou au recours possible à l’assurance récoltes concernant les fourrages... alors que beaucoup nous disaient qu’on n’avait aucune chance d’aboutir. Ces mesures sont là, même si on en attend encore les décrets d’application. Sur l’Office français de la biodiversité (OFB), là aussi nous avons plutôt progressé et c’était nécessaire : l’OFB est beaucoup moins entreprenant que ce qu’il a été. On n’est pas opposé aux contrôles, mais pas lorsqu’ils sont opérés par des agents militants. Dans le projet de loi de finances, nous avons aussi poussé très fort pour la non-fiscalisation des indemnités en cas d’abattage total ou partiel de troupeau en cas de brucellose, de DNC... Et puis, on a obtenu de Bruxelles le changement de statut du loup, et nous travaillons à une proposition de loi pour aller plus loin sur les conditions de prélèvement de l’espèce et pour régler la problématique du comptage du nombre d’individus. Autant de chantiers entrepris depuis deux ans, souvent loin des exploitations, souvent invisibles, mais c’est le cadre de fond du travail syndical. Nous, on est au boulot, beaucoup de nos opposants critiquent, mais sans jamais déposer le moindre amendement. »
Même si l’alliance FNSEA-JA reste majoritaire, vous avez été bousculés aux dernières élections des chambres d’agriculture. Quels enseignements en tirez-vous ?
A. R. : « L’honnêteté m’oblige à dire que dans les territoires où les difficultés se sont accumulées, de nombreux agriculteurs se sont interrogés, faute de vision et de solutions. Nous avons été challengés dans une période difficile, mais la colère qui s’est exprimée n’est pas un projet. Notre projet à nous, c’est le goût d’entreprendre. Et encore une fois, je demande qu’on juge sur les résultats. Quand les gens viennent me voir et me disent “vous n’avez rien foutu”, je réponds que deux milliards d’euros mis dans l’agriculture en deux ans, c’est du sonnant et trébuchant pour tous les secteurs. Je n’oublie pas qu’il y a aujourd’hui d’autres secteurs qui souffrent : les zones viticoles, les zones intermédiaires... Pour tous, on est allé chercher des soutiens et des politiques publiques, du législatif avec la loi d’orientation, la loi Duplomb, la loi Lepsi avec la simplification du droit de l’urbanisme et la reconnaissance de l’antériorité en cas de conflit de voisinage... »
On arrive bientôt à la fin du second quinquennat Macron qui a voulu faire l’impasse sur les corps intermédiaires et donc les syndicats. Une nouvelle ère politique, incertaine, s’ouvre. Comment voyez-vous dans ce nouveau paysage la place du syndicalisme ? C’en est fini de la cogestion ?
A. R. : « Tous ceux qui pensaient qu’on pouvait se priver des corps intermédiaires ont compris depuis l’épisode des Gilets jaunes qu’il valait mieux avoir des gens responsables, organisés, fiables. Quand plus rien ne tient, que les gouvernements se succèdent, avoir des corps intermédiaires, des vigies de la République responsables c'est important. »
Qu’y a-t-il de commun entre le président de la FNSEA, céréalier en Seine-et-Marne, et un paysan du Massif central ?
A. R. : « L’amour de mon métier, l’amour de mon terroir. Je suis né dans un village où ont vécu mes parents et mes grands-parents, je suis quelqu’un d’ancré. L’agriculture française est ainsi faite que l’agriculteur du Massif central et celui de Seine-et-Marne n’ont pas le même visage mais tous les deux sont fiers de leur identité. Je suis convaincu que pour transmettre ces exploitations et leur typicité, où que l’on soit, il faut du revenu. Mon combat, c’est celui du revenu. Et je me réjouis qu’en ce moment, on ait retrouvé des prix rémunérateurs, même si c’est en partie en raison de la décapitalisation. C’est pour ça que je me bats, pour que l’on continue à produire car qu’il s’agisse de kilos de viande, de litres de lait, d’hectolitres de vin ou de quintaux de blé, à la fin, l’acte de production est une nécessité. Mais pour cela il faut qu’on puisse stocker l’eau, avoir des marchés ouverts, des organisations de filières efficaces... »
Propos recueillis par Patricia Olivieri
1 - Installations Classées pour la Protection de l’Environnement.