« Former 30 % d’apprenants supplémentaires d’ici 2030 »
Luc Maurer, directeur général adjoint de l’enseignement et de la recherche au sein du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, dresse un premier bilan satisfaisant de la rentrée 2025 et présente les nouveaux projets de l’enseignement agricole.
L’année scolaire a-t-elle débuté sous les meilleurs auspices ?
Luc Maurer : « Un chiffre résume, à lui seul, l’état d’esprit de cette rentrée scolaire : la hausse de 7 % en cinq ans des effectifs des apprenants dans les établissements agricoles. Dans les formations dites de « production agricole », dont la filière CGEA (conduite à la gestion d’exploitation agricole) est un des principaux diplômes, ils ont crû de 0,8 % l’année passée, après avoir progressé de 2,9 % en 2023. Nous sommes donc sur le chemin de l’objectif inscrit dans la loi d’orientation agricole de mars 2025 : accroître de 30 % le nombre d’apprenants dans les filières agricoles et agroalimentaires d’ici 2030. L’année scolaire commence aussi avec la certitude que les apprenants ne rencontreront pas de problème pour s’insérer professionnellement une fois leur diplôme en poche. Un an après leur sortie de l’enseignement agricole, 60 % d’entre eux travaillent contre 54 % pour ceux issus de l’éducation nationale. Quant aux 40 % d’apprenants restants, nombre d’entre eux poursuivent leurs études. »
En créant le bachelor agro, la rénovation des programmes scolaires prend-elle une dimension particulière cette année ?
L.M. : « Un nouveau diplôme national de niveau Bac+3, le bachelor agro, sera lancé à la rentrée 2026. Il offrira la possibilité aux apprenants de BTSA de se former une année de plus avant de s’installer en agriculture ou, pour ceux qui veulent poursuivre leurs études, d’être un pont entre le BTSA et les écoles d’ingénieurs agronomes ou vétérinaires. Le bachelor agro vient consolider cette offre en proposant une formation et un diplôme reconnus par l’État, qui bénéficient d’une accréditation nationale. Pour développer ce nouveau diplôme, nous ne partons pas de rien. Il existe déjà des licences professionnelles dispensées dans des établissements agricoles. Elles forment par exemple les apprenants à la gestion des exploitations (comptable, managériale, etc.). »
Dans les lycées agricoles, la parité fille-garçon est en voie d’être atteinte mais peu de jeunes femmes s’installent agricultrices ?
L.M. : « L’enseignement agricole connaît une évolution positive de la place des femmes dans ses formations. S’agissant de l’enseignement supérieur agricole long (études agronomiques, vétérinaires et de paysage), les étudiantes représentent 61 % des effectifs, alors qu’elles n’étaient que 20 % en 1975. S’agissant de l’enseignement agricole technique, les femmes représentent 44 % des effectifs des apprenants. Cependant, les femmes et les hommes continuent à se conformer à des schémas socioprofessionnels stéréotypés. C’est pourquoi nous étudions les obstacles qui empêchent des jeunes femmes diplômées de se projeter dans le métier d’agricultrice. Nous allons par exemple approcher les maîtres de stage pour lever leurs réticences à accueillir des jeunes filles en stage en valorisant leur potentiel. »
Quels moyens supplémentaires faudra-t-il déployer pour augmenter de 30 % les effectifs d’apprenants aux métiers de l’agriculture et l’agroalimentaire ?
L.M. : « Nous allons remplir les classes et en ouvrir de supplémentaires. L’effectif par classe est en moyenne de 20 élèves dans les lycées agricoles publics et privés. Mais on compte aussi 210 classes, dans des formations directement en lien avec l’agriculture, avec moins de dix élèves. Or, elles pourraient en accueillir 2 700 en plus. Par ailleurs, la formation continue, qui n’est pas directement financée par les moyens de l’ñtat, constitue aussi un vivier pour attirer des adultes, notamment en reconversion, vers l’installation. »
Quels modèles agricoles promulguent les établissements agricoles ?
L.M. : « Le ministère de l’Agriculture souhaite faire de l’enseignement agricole un moteur des transitions climatiques et environnementales mais les établissements agricoles ne promeuvent pas un modèle agricole plutôt qu’un autre. Au cours de leurs études, les apprenants acquièrent les compétences nécessaires pour choisir la voie qu’ils suivront pour réaliser leur projet d’installation. Les stages en entreprise et dans les exploitations agricoles les aident notamment à faire ces choix. »
Comment allez-vous rendre la profession agricole et l’ensemble des métiers du vivant plus attractifs ?
L.M. : « Nous allons nous appuyer sur le nouveau programme national d’orientation et de découverte des métiers du vivant qui sera déployé en janvier prochain. Il vise à toucher un public large allant des élèves de primaire ou de collège jusqu’aux personnes en réorientation ou reconversion professionnelle. Elles découvriront les opportunités qu’offrent les métiers et formations des filières agricoles et agroalimentaires, et plus généralement les métiers du vivant. »
Cette année marque les 60 ans de la création de l’éducation socioculturelle (ESC) ?
L.M. : « L’éducation socioculturelle (ESC) est un des marqueurs forts et reconnus de l’enseignement agricole, tant public que privé. C’est aussi un des leviers essentiels de la réussite de nos apprenants. Cet anniversaire est fêté tout au long de l’année 2025 avec une série d’évènements portée par les établissements d’enseignement agricole pour montrer les réalisations des élèves et leurs liens avec les territoires. Cette célébration sera clôturée le 14 novembre prochain au Studio 104 de la Maison de la Radio par un évènement ouvert au grand public avec des personnalités invitées du monde agricole ayant une expertise culturelle reconnue. »
Propos recueillis par Actuagri