Les mesures de la PPL Duplomb en difficulté à l'Assemblée
Mardi 6 et mercredi 7 mai, la commission du développement durable a examiné la proposition de loi Entraves des sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville. Elle avait été saisie pour avis sur cinq articles et sur le fond sur les articles concernant le rôle des préfets auprès des agents de l'OFB, la définition des zones humides, et l'encadrement des projets de stockage d'eau. Un examen qui laisse un sentiment de trahison pour la FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA).

La proposition de loi « Entraves » avait obtenu un large plébiscite au Sénat fin janvier obtenant 233 voix pour. Côté Assemblée nationale, la donne semble différente. La commission du développement durable qui avait été saisie pour l’examen de cinq articles et sur le fond sur les articles concernant le rôle des préfets auprès des agents de l'Office français de la biodiversité (OFB), la définition des zones humides, et l'encadrement des projets de stockage d'eau, contenant des mesures portées par la FNSEA et les Jeunes agriculteurs (JA), a ébranlé l’édifice votant des amendements supprimant certaines mesures. L’examen s’est déroulé les 6 et 7 mai. Ainsi, le 6 mai, les députés ont adopté un amendement de suppression de l'article 5, qui réunit plusieurs dispositions liées à la gestion de l'eau et aux zones humides, et sur lequel la commission est saisie sur le fond. Le vote a été emporté avec la voix du député Modem Hubert Hot et l'avis favorable de la rapporteure (LREM), Sandrine Le Feur. L'article 5 crée notamment une présomption d'intérêt général majeure pour les retenues de stockage d'eau à vocation principalement agricole ou introduit la notion de « zone humide fortement dégradée ». L'idée avait été introduite au Sénat par le gouvernement, pour des milieux qui « ne sont plus en mesure, en l’état, de remplir les fonctions spécifiques essentielles caractérisant les zones humides ». Ces zones dites « non fonctionnelles » seraient classées selon des conditions précisées par décret, incluant « l’état du sol et l’usage pérenne qui en est fait, tant que celui-ci n’est pas arrêté ou abandonné ». Dans le texte initial, les sénateurs proposaient de revenir à une définition en vigueur selon eux depuis 2019, à savoir un double critère cumulatif de terrain hydromorphe et végétation hydrophile. Or, avec une telle définition, « la simple suppression de toute végétation caractéristique ne permettrait plus de les reconnaître comme zones humides », a souligné le gouvernement.
OFB et préfet
Un autre amendement de suppression des dispositions relatives au rôle du préfet auprès des agents de l'OFB, qui figuraient dans l'article 6 sur lequel la commission est également saisie sur le fond, a aussi été adopté. Introduite par le gouvernement au Sénat, la mesure visée rend explicite, dans le Code de l’environnement, que les missions de police administrative de l’OFB sont placées sous l'autorité du préfet, tandis que les missions de police judiciaire sont sous l'autorité du procureur de la République. Il renforce aussi le rôle du préfet en précisant qu’il valide « la programmation annuelle des contrôles » de police administrative. En commission, la rapporteure (LREM), Sandrine Le Feur, a défendu le gouvernement indiquant que « l'article vient sécuriser le fonctionnement de l'OFB ». Faux, a rétorqué le député Modem, Richard Ramos, qui estime avoir rédigé son amendement de suppression, « avec les agents ». Sur le fond, Delphine Batho (EELV) estime que le texte retire aux agents la possibilité de transmettre des PV aux procureurs sans contrôle hiérarchique, ce qui ferait craindre des risques de censure de l'administration. La procédure actuelle passerait effectivement par la hiérarchie, qui aurait toutefois l'obligation de la transmettre, ont répondu plusieurs députés.
Anses et acétapride
Concernant la gouvernance de l'Anses et à la réautorisation de l'acétamipride, les députés ont là encore voté la suppression de l’article 2. Si la commission du développement durable n'est pas saisie au fond sur ces sujets, son avis n'est pas anodin en vue de l'examen par la commission des affaires économiques qui a débuté le13 mai et devrait durer jusqu’au 20 mai. D'autant que la suppression a été proposée par la rapporteure, Sandrine Le Feur, avec le soutien de plusieurs députés Modem (Lecamp, Ott) et au moins un député LR (Vermorel-Marques) et Horizons (Violland). Concernant l'acétamipride, il s'agit d'une petite surprise, alors que le président du groupe Modem, Marc Fesneau, s'était dit favorable à une réautorisation dérogatoire. Plusieurs députés Modem, dont Pascal Lecamp, avaient d'ailleurs déposé des amendements visant à restreindre ces dérogations à 120 jours – qu'ils ont finalement retirés avant la séance. La défense des filières dépendantes de la pollinisation (apiculture, fruits et légumes) est revenue plusieurs fois comme un argument en faveur de la suppression, notamment chez la rapporteure et Antoine Vermorel-Marques. Seul le député RN, Timothée Houssin, s'est opposé publiquement à la suppression de l'article. Les députés ont toutefois adopté le principe de la fin de la séparation de la vente et du conseil et un amendement LFI qui permet l’accès gratuit pour les agriculteurs aux conseils d’application de produits phytosanitaires, via les chambres d’agriculture. L’amendement a été adopté malgré l’opposition de la rapporteure Sandrine Le Feur (LREM). Quant à l'assouplissement des ICPE, son issue est très incertaine. Aprés l’examen de la commission des affaires économiques du 13 au 20 mai, la PPL devrait être examinée dans l’Hémicycle à compter du 26 mai.
D’après Agrafil
PPL Duplomb : la FNSEA et JA se sentent « trahis »
La FNSEA et Jeunes agriculteurs sont très remontés contre les députés membres de la commission du développement durable qui s’est réunie les 6 et 7 mai derniers. Lors de l’examen de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, portée par les sénateurs Laurent Duplomb (LR, Haute-Loire) et Franck Ménonville (UC, Meuse), ils ont vu tous leurs espoirs douchés et « balayés en quelques heures », indique un communiqué de presse du 7 mai. « Pire, cette loi qui devait lever les entraves à l’exercice du métier d’agriculteur, ajoute de la complexité et de nouvelles contraintes ! Les attentes des agriculteurs étaient fortes, leur déception est immense et leur réaction sera à la hauteur de cette trahison », poursuivent les deux syndicats. Ils « appellent immédiatement leurs réseaux à se mobiliser pour aller à la rencontre de l’ensemble des députés pour les convaincre de revenir à la raison », et « se préparent dès à présent à des actions syndicales pour faire respecter les engagements ».« L’exaspération qui a conduit aux grandes manifestations de l’hiver 2024 reste intacte », insiste le communiqué de presse.
Agrafil et Actuagri