Les nouvelles règles du jeu

Un mois après les élections à la chambre d'agriculture qui ont reconduit la liste FDSEA/JA de l'Isère à la gouvernance de l'institution, le congrès de la FDSEA a surtout évité de verser dans la complaisance, tant les dossiers ouverts sont encore nombreux.
« L'agriculture française est la plus belle au monde et la plus durable, a rappelé Michel Joux, le président de la FRSEA qui avait fait le déplacement pour le congrès, lundi dernier, au lycée de La Côte-Saint-André.
Une agriculture « victime de son succès », qui souffre de dénigrement, d'érosion des marges, de la surtransposition des normes, d'un besoin « d'alternatives sérieuses » à l'arrêt des produits phytosanitaires, de solutions pour la ressource en eau, d'une fiscalité plus favorable et, sujet d'importance en Isère, d'un nouveau plan loup qui permette de réguler l'espèce comme il se doit, afin de parvenir au « zéro attaque » défendu par la FNSEA.
Dérogation
Deux tables rondes ont exploré des sujets nouveaux et complexes, qu'il s'agisse du « renforcement du rôle des OP dans le cadre des négociations commerciales suite à la loi Egalim » ou de la « réforme des Zones défavorisées simples et de son impact sur l'agriculture iséroise ».
Les débats ont largement porté sur la construction des prix inscrite dans la loi Egalim, de façon à prendre en compte les coûts de production dans le cadre des négociations commerciales, quand elles sont menées par les OP, les organisations de producteurs.
Dans certaines filières, le compte n'y est pas, estiment les professionnels, l'inversion de la construction du prix ayant à ce jour peu d'effet.
Pour mesurer cela, la députée Monique Limon a mis en place un comité de suivi dont les premières observations remonteront à l'Assemblée nationale.
Christelle Barrallon, chargée de mission FRSEA, a présenté les nouveaux outils dont disposent les OP depuis la loi Egalim, notamment une dérogation au droit de la concurrence, rendant possible « une entente entre membres d'une OP pour mettre en marché pour le compte des adhérents ». OP commerciales et non commerciales sont concernées.
Transparence
Autre avancée de taille, la construction des prix en marche en avant donne au vendeur la responsabilité de la proposition des accords cadres. D'où le débat sur la composition des prix qui tient compte des coûts de production et d'indicateurs de filières.
« Le problème, c'est que les entreprises connaissent très bien les coûts de revient en agriculture et les actualisent, a fait remarquer Philippe Rivat, producteur de semences à Colombe, en revanche, il n'y a pas moyen de connaître les coûts sortie usine. Dans une négociation, il faut être trois : le distributeur, le transformateur et l'agriculteur, dont seuls les coûts sont connus. »
Une absence de transparence que regrette Pascal Denolly, vice-président de la chambre d'agriculture de l'Isère, qui a rappelé que la loi Egalim devait préserver « la répartition des marges au sein de toutes les filières ».
De quoi plancher pour le comité de suivi.
Coopérateurs et membre d'OP
Le calcul des coûts de production ne peut pas tout sans une OP forte. « Il faut que les producteurs s'engagent », a plaidé Jean-Michel Bouchard, président de l'OP saint-marcellin.
Les négociations avec la grande distribution demeurent âpres. « Toutes les fromageries sont à la baisse, hormis Leclerc qui a fait des efforts. Intermarché et Casino sont très durs, constate-t-il. Et nous attendons toujours un accord tripartite avec Lidl.»
Le témoignage de Richard Forest, président de l'OP Guilloteau dans la Loire, dont les producteurs livraient à une entreprise privée avant qu'elle ne soit rachetée par le groupe coopératif Eurial, a fait la preuve que des coopérateurs peuvent créer une OP et obtenir un prix différencié à la hauteur de leurs attentes.
Mais, comme l'indiquait Monique Limon, « il est difficile de faire une loi pour toutes les filières ».
Interdiction du prix minimum
Et dans les fruits et légumes, « la loi Egalim pose beaucoup de problèmes », a exposé Paul Faburel, délégué général de la Gouvernance économique fruits et légumes (Gefel).
Il estime que, dans une filière où les OP commerciales existent depuis 1996, la loi a rajouté des contraintes. Il dénonce par exemple la difficulté à choisir des indicateurs pertinents.
« Oui, mais les OP non commerciales peuvent faire désormais des choses qu'elles ne pouvaient pas faire avant sans transfert de propriété », a rétorqué Christelle Barrallon.
Paul Faburel met surtout en garde les producteurs et les interprofessions de ne pas annoncer de prix minimum de revient, « ce qui est absolument interdit en droit européen ».
En dépit du cadre imposé par l'Europe, Michel Joux estime « que la loi Egalim n'est pas allée assez loin. La grande distribution, l'industrie agroalimentaire sont très concentrées. Il nous faut concentrer l'offre », a-t-il déclaré.
A la clé : de vraies négociations commerciales et une construction des prix qui permettent aux agriculteurs de gagner leur vie.
Sécheresse
Retour de la valeur dans les exploitations, aides à l'agriculture, future PAC : le syndicalisme a du pain sur la planche.
« Nous sommes dans les starting block sur le dossier des calamités », a lancé Jérôme Crozat, qui attend encore un coup de pouce de l'Etat afin « qu'il n'y ait pas seulement les collectivités qui interviennent ».
Alors que la Région a annoncé 15 millions d'euros d'aides pour la sécheresse 2018 pour 12 départements, le président du département de l'Isère, Jean-Pierre Barbier, a fait savoir qu'il débloquerait un million d'euros en appui (aides à l'emprunt, sinon à l'achat ou au transport de fourrage).
Luc Lebreton, chef du service agriculture et développement rural à la DDT, a indiqué que le fonds national pour la sécheresse s'élevait à 2,8 millions d'euros. 2 000 éleveurs sont concernés en Isère, à conditions qu'ils se déclarent sur Télécalam avant la mi-avril.
Le dispositif de dégrèvement sur la taxe foncière non bâtie est en cours d'application.
Charte de bon voisinage
Jean-Pierre Barbier a rappelé son soutien à l'agriculture iséroise, lui consacrant un budget de 6,4 millions d'euros dont 700 000 euros pour l'irrigation.
En Isère, La FDSEA travaille en particulier avec le Département pour le développement de la marque Is(h)ere et sur le dossier de la charte de bon voisinage.
Enfin, Jean-Claude Darlet, président réélu de la chambre d'agriculture, a fait part des grands dossiers de la mandature : le renouvellement des actifs avec l'expérimentation du dispositif Fast d'accompagnement des cédants, l'économie des exploitations avec la restructuration des filières, la gestion de l'eau et l'innovation, mais aussi la préservation du foncier.
Isabelle Doucet
Entendu au congrès
Conseil de prud'hommesDidier Rouveure, conseiller prud'hommal, a lancé un appel aux bonnes volontés pour sièger dans cette instance où une centaine de dossiers agricoles, qui opposent salariés et employeurs, sont traités chaque année.RetraitesFrédérique Puissat, sénatrice de l'Isère, a invité ses collègues députés à « regarder la loi votée au Sénat qui prévoit de porter à 85% du Smic les retraites agricoles. Cela vaudrait le coup que l'on travaille ensemble », a-t-elle déclaré.Monique Limon, députée de la 7e circonscription a annoncé la tenue d'un atelier, ce vendredi matin 22 mars, à Châbons, sur le sujet des retraites. Toutes les institutions et syndicats sont invités.Fiscalité« Ce combat, pour passer d'un revenu fiscal au revenu du travail, reste toujours d'actualité », a commenté Vincent Schneider, expert-comptable au Cerfrance, en dénonçant les aberrations de la fiscalité agricole « où sont soumis à prélèvement fiscaux et sociaux des revenus réinvestis ». La modernisation de la fiscalité est un dossier porté par les JA et Aurélien Clavel, dans un objectif de simplification et de rapprochement du revenu fiscal et du revenu disponible.FNSEA en congrèsLe prochain congrès de la FNSEA se déroulera les 27 et 28 mars à Nancy.
Thèmes abordés en tables rondes :
- Place et rôle des corps intermédiaires
- Comment et pourquoi parler d'Europe ?
Lire aussi l'article de Terre dauphinoise :
- ICHN, le département de l'Isère va toucher deux millions d'euros supplémentaires