Grêle
Le département dévasté par la grêle

Morgane Poulet
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Ces derniers jours, les agriculteurs du département n’ont pas été épargnés par les intempéries. Les parcelles les plus touchées accusent des pertes phénoménales.

Le département dévasté par la grêle
Les tournesols au stade 8 feuilles de Yannick Bourdat, à Marcilloles, ont été dévastés par la grêle.

Depuis une quinzaine de jours, le département isérois est touché par des orages parfois violents. Les agriculteurs sont aux premières loges et nombreux sont ceux ayant été très touchés par la grêle. D’un bout à l’autre de l’Isère, ils accusent d’importants dégâts dans leurs cultures.
 
Des pertes impressionnantes
 
« On parle beaucoup des pertes subies dans le Roussillon, mais dans le Trièves, cela fait quinze jours qu’il pleut tous les jours des quantités importantes et qu’il y a de nombreux orages, parfois violents », constate Samuel Delus, viticulteur au domaine de l’Obiou, à Prébois.
Si le Trièves est généralement sec, il pleut actuellement entre 15 et 20 mm par soir, ce qui fait craindre les maladies, qu’il s’agisse d’acariose et d’érinose, déjà installées, mais aussi de mildiou et de black rot, qui pourraient se développer dans les vignes. D’autant plus que les viticulteurs du secteur sont tous installés en agriculture biologique, ce qui rend la lutte contre les maladies plus difficile à gérer.
Samuel Delus a déjà dû traiter deux fois ses parcelles et a pour l’instant prévu un troisième passage. Alors que les vignes avaient déjà pris du retard en termes de pousse en raison d’un faible ensoleillement et de températures très froides, les récentes intempéries inquiètent et font se demander aux agriculteurs non pas s’il grêlera mais plutôt quand il grêlera.
Maxime Poulat, viticulteur au hameau de Vareilles, à Prébois, estime les dégâts à environ 70 % de la production. Mais le problème se situe pour lui plutôt du côté de l’année 2024, car il va « repartir avec des bois très touchés et parfois même très cassés, j’en aurai pour le double de travail à faire ». Le viticulteur élève également des cochons en plein air et les orages ont créé des coulées de boue et de grêle, couchant les grilles des animaux. Les cultures servant à l’alimentation des porcs ont aussi été touchées. « Les épis de pois blanchissent », précise Maxime Poulat.
 
Incertitudes
 
Du côté de Marcilloles, Yannick Bourdat, polyculteur-éleveur possédant 50 hectares d’herbe et 90 hectares de céréales, constate des pertes, mais fait part de ses incertitudes. L’orage ayant éclaté le dimanche 4 juin dans la soirée a ravagé certaines parcelles : 40 mm de pluie sont tombés en moins de 25 minutes. Sur une largeur d’environ 600 mètres, ce sont 15 à 20 hectares de ses cultures qui ont été touchés (blé, orge, colza et maïs). Le reste des parcelles a été partiellement touché.
En ce qui concerne les hectares totalement abîmés, environ 50 % des grains sont tombés. Et pour le maïs, « il était jeune donc aujourd’hui, il ne reste que la tige là où l’orage a été le plus violent, mais je pense que les plants devraient repartir car l’apex n’a pas été touché », explique Yannick Bourdat. Les jours à venir permettront de confirmer ou d’infirmer ces impressions.
Pour le tournesol, la situation est plus difficile à déterminer et sera sans doute différente en fonction des lieux où la grêle a frappé. « Les tiges de tournesol d’un de mes voisins ont cassé, donc il est sûr que ça ne repartira pas », ajoute-t-il. Les jours qui viennent permettront de déterminer également la situation pour les autres cultures, car les plantes ayant semblé tenir le coup peuvent devenir des nids à maladie. Pour le colza, il faudra constater les dégâts seulement en fin de semaine, car les blessures ont tendance à sécher, ce qui fait ensuite sécher les gousses et tomber les grains.
Les jours à venir seront donc déterminants pour les cultures de printemps. « A 200 euros la tonne de blé, s’il y a environ 30 % de pertes dans les cultures, les pertes financières pourraient s’élever entre 10 et 15 000 euros pour le blé », constate Yannick Bourdat. Une situation d’autant plus gênante qu’à un mois de la récolte, les plants n’auront pas le temps de repartir. « Heureusement que toutes les parcelles ne pas voisines, ajoute-t-il. De l’autre côté de Marcilloles, il n’y a eu que de la pluie, elle a été violente et est rapidement tombée mais cela a sauvé les cultures. Tout s’est joué à 100 mètres près. »
 
Premières déclarations
 
« En compagnie de la mairie de Morette, des agriculteurs et moi-même avons fait une demande pour classer la commune en catastrophe naturelle, car il y a eu beaucoup de dégâts en termes de véhicules et de cultures », explique Lionel Cardin, nuciculteur à Morette.
Détenteur de 40 hectares de vergers de noyers, 38 hectares ont été touchés à 100 % par la grêle tombée vendredi 2 juin. « Les grêlons étaient de la taille d’une balle de golf et ont aussi brisé des parebrises et enfoncé des toits de véhicules », précise-t-il.
Ne faisant pas uniquement de la monoculture, toutes ses cultures ont été touchées. « Je fais du fourrage et vends ensuite le foin et la paille. J’ai 34 hectares de prairies que je fauche et que je cultive moi-même. Or, l’orage est passé au-dessus de toutes mes parcelles et le foin a été complètement écrasé, je n’ai plus de culture. » Ces hectares n’étant pas assurés, l’agriculteur affirme qu’il essayera de s’en sortir comme il le pourra. Et d’ajouter : « ce n’est pas l’année 2023 qui m’inquiète mais plutôt 2024, car je me retrouve sans rien. »
Pour l’instant, la Chambre d’agriculture de l’Isère monte des dossiers avec les agriculteurs concernés, mais les dégâts ayant été très locaux, il n’est pas évident de mettre quelque chose en place qui corresponde aux besoins de chacun, selon les dires de certains agriculteurs.
Du côté de Maxime Poulat, la mairie l’a contacté pour le prévenir que la DDT demande aux agriculteurs de recenser leurs dégâts. « Je pense que cela remontera mais je ne sais pas ce qui se passera ensuite », ajoute-t-il. Comme d’autres viticulteurs, il avait fait le choix de ne pas assurer ses vignes. « La DDT prend en compte les pics olympiques, donc lorsque les vignes sont jeunes, c’est-à-dire qu’elles ont moins de dix ans, ce n’est pas intéressant de les assurer », explique-t-il. Or, ses premiers pieds ont été plantés il y a dix ans et les surfaces cultivées ont augmenté petit à petit, chaque année.

Morgane Poulet