Le département de l'Isère possède de réels intérêts à diversifier son offre touristique et à ne pas tout miser sur le ski. Deux années de pandémie confirme la nécessité de cette orientation. 

 Quatre saisons sinon rien
C'est à Saint-Nizier-du-Moucherotte que Jean-Pierre Barbier a lancé la saison estivale 2021 en Isère. A ses côtés, Franck GIrard-Carrabin est président de la communautés de communes du massif du Vercors.

« Le tourisme en Isère, c’est quatre saisons ! ». Jean-Pierre Barbier est catégorique, les activités liées aux loisirs doivent être développées toute l’année. Et pas uniquement en saison d’hiver. 2020 n’a fait que renforcer cette conviction au regard des pertes comparées entre Isère et Savoie. Si le tourisme en Isère est moins connu, il est davantage diversifié et donc moins fragile. « Cela fait quatre ans que nous axons le développement du tourisme sur les quatre saisons », rappelle le président du Département. 

Le pari du vélo 

Pour lancer celle de l'été 2021, il s’était entouré de Chantal Carlioz, vice-présidente chargée du tourisme et du maire de Saint-Nizier-du-Moucherotte, Franck Girard-Carrabin, par ailleurs président de la communauté de communes du massif du Vercors. Le lieu n’a pas été choisi au hasard. « La tradition d’accueil touristique est ancienne dans le Vercors et ce secteur économique est un des principaux pourvoyeurs d’emplois », explique J.P. Barbier qui n’hésite pas à rappeler que depuis cinq ans, petit bilan oblige, 51 projets touristiques ont été menés pour 2,3 millions d’euros. « 70% des aides ont participé à la diversification touristique, randonnées, promenade à vélo et développement du vélo à assistance électrique ». 21 boucles de VAE existent dans le département et 1 000 kilomètres de voies cyclables. La via Vercors est assez récente tandis que la via Chartreuse est en cours de finition. 

Santé et bien-être

Mais si le lieu a été choisi, c’est aussi parce que le Vercors est à une altitude supérieure à 1 000 mètres, en moyenne montagne. Et qu’une enquête soutenue par le Département étudie les bienfaits de l’altitude sur le bien-être et la santé. C’est l’autre déclinaison du tourisme des quatre saisons. « 72% des Français souhaitent passer des vacances en France en 2021 », explique Chantal Carlioz. Une attitude favorisée par les incertitudes qui peuvent persister quant à l’ouverture des frontières et à la situation pandémique. Mais la volonté de se retrouver entre générations, de prendre l’air de se sentir bien et en bonne santé pousse nos concitoyens à ne pas aller loin. « L’Isère possède des atouts : à moins de deux heures des grandes agglomérations, avec des offres culturelles ou de balades pour tout niveau, la carte de la santé et du bien-être - mens sana in corpore sanum - nous pouvons redonner espoir aux acteurs du secteur », explique-t-elle. Elle a participé à la remise d’un rapport au premier ministre Jean Castex il y a quelques jours afin de faire renaître le label climatisme dans les possibles qualifications des destinations touristiques. Cette mention a été supprimée en 2017. « L’étude lancée par le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes (Chuga) donne de bons espoirs en la matière. Elle montre déjà que le rapatriement des centres de convalescence de la moyenne montagne dans la plaine et la suppression des centres de vacances en altitude va à l’encontre de ce qu’il faut faire. » La vie n’est qu’un éternel recommencement. 

Jean-Marc Emprin

encadré

1 000 mètres, altitude parfaite

La moyenne montagne se situe entre 1 000 et 2 000 mètres d’altitude, mais les endroits les plus habités et les plus bénéfiques à la santé sont compris entre 1 000 et 1 500 mètres. L’Isère est donc parfaitement adaptée pour servir de territoire d’études puisque 58 communes sont situées au-dessus de 900 mètres et qu’un des rares laboratoires dans le monde spécialisées dans les recherches entre altitude et santé se trouve à Grenoble. 

Une étude appuyée par Isère attractivité, l’agence d’attractivité du département, a démarré depuis quelques mois afin de déterminer les relations entre environnement et santé. 

Le manque d’oxygène, l’hypoxie est un élément clé. En moyenne montagne, c’est un élément de bonne santé, c’est en tout cas l’hypothèse étudiée par l’équipe du docteur Samuel Vergès responsable du laboratoire Hypoxie physiopathologie Inserm de l’université Grenole Alpes. 12 chercheurs travaillent sur l’altitude mais l’équipe comprend 30 scientifiques. « La santé est influencée par la génétique, les facteurs environnementaux et les modes de vie », explique Samuel Vergès. Le tout est de quantifier l’importance de chacun. 

Ingrédients de proximité

L’intérêt du département de l'Isère est que l’on peut comparer facilement les populations de montagne et de plaine. Géographiquement elles ne sont pas très éloignées, mais elles ont des conditions environnementales très différentes. La collecte d’études réalisées dans différents pays montre qu’en moyenne altitude, les risques d’accidents cardiovasculaires ou d’AVC baissent significativement. Les problèmes liés à l’asthme également tandis que l’obésité est nettement moins présente en moyenne montagne. Même tendance pour les lymphomes. 

Durée optimale inconnue

Si des chiffres peuvent être fournis pour constater ces effets intéressants, on ne sait pas encore quelle est la durée nécessaire pour en bénéficier. Les séjours passagers produisent un effet tant au niveau de l’asthme que de l’obésité. L’activité physique en montagne est plus efficace en montagne qu’en plaine. Partant de ces constats, des recherches sont effectuées avec une altitude simulée. On se trouve alors en plaine, dans des salles spécifiques dans lesquelles on provoque une hypoxie. La méthode est déjà employée dans le domaine sportif pour préparer les compétiteurs à des épreuves de haut niveau. Des essais sur des rongeurs prouvent que la récupération est meilleure en hypoxie simulée pour des AVC. Chez des personnes obèses, la simulation d’altitude a autant d’effets que la prise de médicaments spécifiques. 

La dose suffisante d’exposition à l’altitude est encore inconnue. « La régularité est primordiale », estime Samuel Vergès. 

Ces études dureront trois ans, « mais leur intérêt ne réside que si elles aboutissent ensuite à une traduction sur le terrain, à un aménagement du territoire ».

La montagne n’a pas fini de nous gagner. 

JME