Le ballon captif de débardage est le fruit d'une réflexion menée par un consortium 100% alpin en totale rupture technologique.
Un ballon pour une bille

Désormais, les arbres volent. C'est le projet un peu fou lancé par Jean-Charles Mogenet, entrepreneur de travaux forestiers à Samoëns en Haute-Savoie. Celui de renouer avec le débardage par ballon, une technique utilisée aux Etats-Unis dans les années 60 à 80. Qu'à cela ne tienne a dit le FCBA* en Isère, qui a pris le projet à bras le corps et créé le consortium Debal Cap pour le mener à bout. Une équipe de choc s'est constituée avec le CEA Grenoble sur le volet énergie électrique, Airstar à Champ-Près-Froges pour la construction du ballon, EchoForêt pour son expertise d'usage et le FCBA pour son expertise technique et la conduite du projet. Il est financé à hauteur de 170 000 euros par le conseil départemental de l'Isère, l'Etat, l'Europe et l'assemblée des Pays de Savoie. Trois ans après, la maquette du dirigeable captif sortait des ateliers du Grésivaudan pour prendre son envol, à Samoëns, durant l'été 2014 pour une série de tests.
« C'est un ballon gonflé à l'hélium et fixé à un câble. Il se hisse seul et pendant ce temps récupère l'énergie afin de limiter la consommation de carburant des treuils qui alimentent le câble de traction », décrit Alain Fournet, responsable des affaires spéciales d'Airstar, spécialiste du ballon éclairant et des dirigeables (Champ-Près-Froges, 130 salariés dans le monde, CA 2014 : 18 millions d'euros). Ce ballon d'essai de près de 300 m3 répond à plusieurs objectifs : capable de lever 100kg sur 80 mètres, il se déplace rapidement tout en présentant une faible prise au vent. En s'élevant au-dessus de la canopée, il limite les dégâts en forêt en évitant les déboisements qui seraient nécessaires pour créer une ligne de vie (débardage par câble) ou une route forestière. En effet, le nouveau venu devrait être aussi prometteur, en termes de rentabilité, par rapport au treuil ou à l'hélicoptère pour intervenir dans des zones difficiles ou inaccessibles. D'un fonctionnement hybride, il est motorisé pour accéder aux les zones de chantier. Puis les moteurs sont déposés et le ballon devient captif, relié à un câble.

 

Alain Fournet, responsable des affaires spéciales d'Airstar.

Prototype

« Airstar est une entreprise de passionnés, reprend Alain Fournet. Dès qu'il y a des projets un peu fous, cela nous intéresse ». Francis de Morogues, ingénieur R&D au FCBA, souligne le « faisceau avancé de technologies » que referme la maquette. De l'enveloppe textile à la forme fuselée en passant par la maîtrise de l'énergie électrique et l'utilisation des câbles synthétique, le dirigeable s'inscrit dans une véritable rupture technologique. Ayant fait ses preuves, il ne reste plus qu'à l'inscrire dans sa phase opérationnelle. Airstar va ainsi réaliser un prototype baptisé Aérolifter de 4 000 m3, d'une capacité de deux tonnes et pouvant absorber des dénivelés de 2 kilomètres. Il pourrait être lancé en 2018. Les utilisateurs ciblés sont les entreprises de travaux forestiers comme Echoforêt qui en sera le premier utilisateur. « Il existe un marché, note Francis de Morogues en lançant ce slogan : Débarder en ballon protège l'environnement ». Le gros avantage, outre sa faible consommation et son absence d'impact sur la forêt, c'est que les bois peuvent être ramenés directement dans la vallée.

 

Le ballon dirigeable captif referme un concentré de technologies.


Pour aller encore plus loin, FCBA vient de lancer une nouvelle génération de projet baptisé Debal Plus. « Nous expérimentons d'autres schémas pour nous affranchir d'autres contraintes comme la vitesse ou la longueur de ligne ou encore dans la connaissance du système et de ses solutions », explique Francis de Morogues. Ce nouveau projet d'un montant de 90 000 euros est porté par le Cerfob, le conseil départemental de l'Isère et la région Rhône-Alpes.
Si la maquette de l'Aérolifter devait être présentée pour la première fois en démonstration à Lans-en-Vercors lors de la Fête de la forêt de montagne, chez Airstar, on voit déjà plus loin dans les applications. « Les entreprises de levage et de grutage pourraient être intéressées pour intervenir dans des cas particuliers où l'accès est difficile, imagine déjà Alain Fournet. Par exemple pour la réfection du toit d'une église ou la construction d'une piscine dans un espace clôt. »

Isabelle Doucet

FCBA : Institut technologique Forêt, cellulose, bois-construction, ameublement