Innovation
Le robot qui comprend les maraîchers

Toutilo est à la fois un robot et un porte-outil dédié au maraîchage. Dans son développement, l'accent a été porté sur la complémentarité homme/machine.
Le robot qui comprend les maraîchers

Incubé à Grenoble, le robot agricole Toutilo a pris son envol cette année dans les bandes maraîchères.

« Nous sommes dans la complémentarité homme/machine, c'est-à-dire la recherche de l'efficacité dans ses actions, ce que nous appelons la cobotique », déclare Flore Lacrouts-Cazenave, la PDG de la société Toutiterre qui a créé l'engin et le commercialise désormais.
Tout commence par une histoire de famille. « Ma sœur, Laurence, est maraîchère à Rumilly en Haute-Savoie et nous avait signalé le manque de matériel dans son métier, notamment pour les petites et les moyennes exploitations, explique la dirigeante, experte en design industriel. Dans la famille, nous jouons de la complémentarité des compétences. » En effet, l'outil est conçu avec le concours du père, spécialiste en électronique automobile.

Ergonomie

Cinq ans de R&D et de nombreux partenaires plus tard, l'autoporteur affiche ses nombreuses fonctionnalités. Planter, désherber, récolter, transporter, biner, sarcler, il permet de tout faire.

Sa structure enjambe les bandes et s'adapte à la hauteur des cultures.

C'est à la fois un porte-outil, qui reçoit des éléments pour le travail du sol à l'avant et à l'arrière, et un châssis largement ouvert qui, équipé de sièges reconfigurables, facilite le travail de l'exploitant.

Toutilo est reconnaissable entre tous les robots par la position originale qu'il offre aux maraîchers. Le volet ergonomique a été étudié avec la MSA « pour anticiper les problématiques de TMS fréquentes dans le milieu ». Assis ou allongé sur le ventre, le maraîcher voit la pénibilité de son travail allégée.

 

 

« Il y gagne en rentabilité grâce à la synchronisation des tâches, poursuit Flore Lacrouts-Cazenave. En une seule passe, on peut creuser le sillon, planter et le refermer ». Toutilo peut aussi être guidé à distance car il est équipé d'une télécommande amovible.

Dans son développement, l'accent a été porté sur l'électromécanique. L'engin fonctionne avec une motorisation électrique et des batteries au lithium qui lui confèrent une autonomie de plusieurs jours.

« Nous avons beaucoup travaillé sur le couple autonomie/vitesse », précise la dirigeante. Une des nombreuses innovations porte sur la maîtrise de la vitesse. En dépit des terrains irréguliers, le robot est capable d'avancer lentement et régulièrement tout en restant stable.

Made in France

Toutilo s'adresse à une large clientèle. L'engin ciblait au départ les maraîchers désireux de s'équiper d'un outil polyvalent, ergonomique, qui leur permette de gagner en rentabilité.

L'investissement pour un robot moyen s'élève à 17 000 euros, « rapidement rentabilisé car il représente vite un gain d'un tiers du temps de travail », assure Flore Lacrouts-Cazenave.

Si bien que l'engin intéresse aussi les grandes exploitations de plusieurs dizaines d'hectares qui veulent répondre aux besoins de leurs équipes, mais aussi les producteurs de plantes aromatiques et médicinales, de petits fruits, notamment en bio et les pépiniéristes sur l'activité jeunes plants. « Cela représente un potentiel important de 40 000 exploitations en France », considère la dirigeante.

En raison de la polyvalence de l'outil et donc de son utilisation soutenue, l'achat reste individuel. L'entreprise travaille sur la réduction des coûts de production. « Nous avons un effet volume important à atteindre », précise la dirigeante.

 

Le robot est équipé d'une télécommande amovible. 
(Crédit photo : Toutiterre)


Toutiterre prévoit de livrer une trentaine de Toutilo en 2017 et une centaine par an à moyen terme.

Flore Lacrouts-Cazenave insiste : « Tout est produit en France et le robot est entièrement assemblé en Savoie. Nous travaillons aussi avec des entreprises de travail protégé. »

Pour l'heure, Toutiterre commercialise ses Toutilo en direct. Elle est très présente sur les salons professionnels comme le Sival. « C'est important d'expliquer le produit aux agriculteurs et d'avoir leurs commentaires en retour », signale la dirigeante.

« Dans un deuxième temps, nous nous appuierons sur un réseau de distributeurs de machines agricoles pour nous développer dans tout le territoire puis en Europe ».
L'entreprise songe déjà aux évolutions futures de son produit : des modules complémentaires et des développement sur l'axe de la cobotique.

Isabelle Doucet

Une start-up dans le monde agricole

La démarche reste originale bien que de moins en moins rare dans le domaine en fort développement des robots dédiés à l'agriculture. L'équipe de Toutiterre, issue du milieu industriel, a su s'appuyer sur les outils d'amorçage habituellement réservés à d'autres secteurs de l'économie.
C'est par le réseau des entrepreneurs de Haute-Savoie que Flore Lacrouts-Cazenave se rapproche de la plateforme d'incubation iséroise Linksium. L'accompagnement porte au départ sur l'évaluation de la viabilité économique et technique du projet, puis permet à la dirigeante de se former sur les compétences juridiques, financières et économiques.
Le passage par la société d'accélération du transfert de technologies (Satt) Linksium lui ouvre les portes d'autres partenaires locaux comme l'Inria en Isère, sur des programmes d'innovation. Au total plus de 70 personnes ont apporté leur expertise au développement du robot.
Le capital de Toutiterre de départ s'élève à 50 000 euros, composé essentiellement de love money et d'une première participation de Linksium.
Une première levée de fond permet d'atteindre 141 000 euros grâce au concours du Crédit agricole et du FSE (fonds social européen).
Toutiterre prépare une troisième levée de fonds d'environ un million d'euros pour lui permettre de sortir de sa phase d'amorçage et de s'inscrire dans un cycle industriel.
Elle espère dégager des bénéfices d'ici deux ans.
Fortement primé pour ses innovations, le robot est aussi couvert de brevets.
ID

 

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