Le Gaec de la Goula a investi dans deux robots de traite à la veille de la crise laitière, l'obligeant à effectuer un repositionnement radical. Deux ans après, les associés détaillent leur parcours.
La Goula : une conversion sans concession

En mars dernier, les vaches laitières du Gaec de la Goula, à Trept, ont regagné les prés. Cela faisait 15 ans que ça n'était pas arrivé.

Ce signe fort est le résultat d'une conversion vers l'agriculture biologique menée au pas de charge.

En 2015, au cœur de la crise laitière et fortement endetté, le Gaec était au plus mal. « Au mois de septembre, nous avons eu une réunion avec le groupe de travail Sodiaal à Saint-Jean-de-Bournay, relate Nicolas Roybin, le plus jeune des trois associés. On nous a dit qu'ils recherchaient des producteurs bio, cela nous a interpelés. »
Le Gaec de la Goula est une exploitation laitière et céréalière de 380 hectares et de 103 vaches de race montbéliarde, auxquelles se mêlent quelques prim'holstein. Le droit à produire s'élève à 1,093 million de litres.

 

 

Bernard Roybin, 63 ans, Nicolas, son fils de 40 ans et Serge Roybin, 53 ans, son cousin, emploient également un ouvrier à temps plein, Baptiste Bouchard, et accueillent en permanence un à deux stagiaires.

 

 

« Depuis mon installation, le Gaec a été en évolution constante, nous avons investi dans les bâtiments et repris une exploitation », détaille Nicolas Roybin.

En 2013, le Gaec était dégagé de tout emprunt.

« En 2014, c'était le bon moment pour investir dans la robotique, reprend Bernard Roybin. Les banques nous ont prêté sans difficulté. » C'est ainsi que le Gaec a emprunté 500 000 euros sur 10 ans pour équiper l'exploitation de deux robots de traite.

 

 

Le calcul de l'amortissement se base sur un prix du lait à 360 euros les 1 000 litres*. Or, patatras, en 2015, il chute à 327 euros, et encore, « parce qu'on fait de la qualité », insiste Nicolas Roybin.

« Nous avons perdu 100 000 euros en 2015, en majorité à cause du lait, mais aussi du cours des céréales », ajoute son père.

Pour les trois associés, c'est une remise en cause totale du fonctionnement économique de l'exploitation qui motive la démarche de conversion. « Pour passer en bio, il faut être autonome et avoir de la surface, mais il faut surtout être prêt dans sa tête », insiste le jeune éleveur.

Visites d'exploitiations

Début 2016, tous les week-ends, les éleveurs partent en région visiter des producteurs bio.

« Nous avons rencontré des gens très techniques, cela nous a intéressés », note Nicolas Roybin.

Mais surtout, ce qui saisit les associés, c'est la sérénité de ces éleveurs qui ne courraient pas après la production. « Tout allait bien pour eux alors que pour nous c'était dur. Ils n'avaient pas de problème moralement et dégageaient de bons résultats techniques », poursuit-il.

 

 

Le diagnostic réalisé avec l'Adabio, la chambre d'agriculture, le contrôle laitier et Cerfrance est lancé dans la foulée. L'intérêt du passage en bio est évident en raison des surfaces importantes dont dispose l'exploitation.

« Tout a été revu », indique Nicolas Roybin. Le début de la conversion est daté du 12 mai 2016.
Pour remettre l'exploitation à flot, les associés ont d'abord demandé une année blanche. En travaillant sur les coûts de production et la réorganisation de la ferme, ils ont effectué 40 000 euros d'économie en un an.

 

Bernard Roybin, un des trois associés du Gaec de la Goula.

 

« Nos coûts de production s'élevaient à 130 euros/1 000 litres de lait avant conversion. Avec la mise en place du pâturage, ils tournent autour de 100 euros/1 000 litres », constate Nicolas Roybin. Pour autant, il sait que l'équilibre est fragile : un coup de sec, un besoin d'alimentation supplémentaire pour le troupeau et les coûts peuvent à nouveau grimper à 120 euros.

Enfin, le total des primes reçues après cette première année de conversion s'élève à 70 000 euros. C'est beaucoup certes, c'est incitatif, mais les associés insistent sur le fait qu'ils ont dû débourser à égale hauteur pour l'achat de semences, notamment de prairie et de luzerne et de matériel de travail du sol.
« Notre priorité, c'est la vie du sol, souligne Nicolas Roybin. Cela coûte cher, mais nous n'avons plus le sentiment d'apposer un pansement comme lorsqu'on passait des phytos. On est dans la prévention, dans l'enrichissement, dans l'entretien. Nous avons décidé de limiter la production de céréales nous ne pas être envahis par le travail et être efficaces dès la première année. »

C'est encore plus dans la gestion des cultures que dans le troupeau que l'agriculteur se réalise à travers son passage en bio.

Moins de tracteur, moins de gasoil

Les cultures étaient dominées par le blé, le colza et le maïs.

« Nous avons basculé 15 ha de maïs en luzerne pour faciliter les rotations et il y a eu également 23 ha de céréales à pailles ou de colza qui sont passées en fourrage vert.»

Aujourd'hui, les 380 hectares se répartissent ainsi : 11 ha d'orge, 22 ha de blé, 31 ha de maïs, 19 ha de soja, 21 ha de méteil, 41 ha de luzerne, 23 ha de légumineuses pour l'ensilage, 87 ha de prairies temporaires, 64 ha de prairies permanentes, 50 ha d'ENS (pelouse sèche).

A cela s'ajoutent des cultures de semences : 3 ha de féveroles destinées à ensemencer 25 ha auparavant en soja, 1,5 ha d'épeautre pour ensemencer 10 ha en 2018, et un hectare d'avoine blanche.

« L'avantage lorsqu'on est en bio et que l'on dispose de surfaces, est de pouvoir faire des essais », confie Nicolas Roybin. Le Gaec fait partie du réseau des fermes Dephy.

« On fait moins d'heures de tracteur, constate l'agriculteur, c'est autant économisé en temps de travail et en gasoil. »

Le bio a été pour l'exploitation une façon de se différencier et de baisser ses coûts d'exploitation. « Pour remonter la pente, nous avons tout revu du point de vue des cultures comme du troupeau laitier », rappelle encore l'associé.

« Notre objectif est de repartir à zéro fin 2017 », insiste Bernard Roybin.

 

 

Rappelons que la Région vient de donner un coup de frein à l'agriculture biologique en plafonnant les aides, de sorte qu'un Gaec de trois associés ne pourrait plus bénéficier aujourd'hui que de trois fois 12 000 euros, soit 36 000 euros d'aides à la conversion.

Isabelle Doucet

 

 

 

Changement

Pâturage tournant pour le troupeau

L'objectif du Gaec a été de retrouver la rentabilité du troupeau.
En mettant les bêtes au pâturage, elles ont perdu en moyenne 3 kg de lait pour une production de 31 kg, conforme aux prévisions.
La production annuelle devrait passer de 10 083 litres à 8 500 litres par vache (la production moyenne montbéliarde en France est de 8 278 kg). Cette baisse a largement été compensée par une alimentation autonome. Inscrit à l'OS montbéliarde, le troupeau a toujours été d'un très bon niveau. Toutes les vaches sont génotypées et les éleveurs pratiquent la semence sexée.
Par ailleurs, au titre de la conversion, le Gaec touche une prime de 30 euros/1 000 litres versée par Sodiaal. Le lait bio sera ensuite payé 460 euros en prix de base par Sodiaal, voire 485 euros chez Biolait.
Le troupeau a débuté sa conversion le 12 mai dernier. Herbe (mélange de luzerne), soja si possible toasté et maïs entier composeront à terme l'alimentation des bêtes. La féverole devrait aussi entrer dans la ration en 2018.
27 paddocks
Pour les pâturages, après échange de parcelles avec un voisin, les prés autour de la stabulation ont été divisés en 27 paddocks de 70 ares. Leur superficie a été calculée en fonction des besoins de matières sèche par vache.
Kit pour pâturage tournant.

Le troupeau change de parcelle chaque jour ; c'est le principe du pâturage tournant dynamique. Par manque d'habitude, les bêtes sont encore un peu hésitantes. Les éleveurs les rationnent pour les inciter à sortir.
Pour faciliter le passage de tous, entre les zones de pâturage et les chemins, Nicolas Roybin a repris le principe d'une installation visitée dans la Loire.
Le passage canadien électrique est un dispositf amovible de radier électrique posé au sol. Il peut être alimenté ou non.
Nicolas Roybin a mis en place un système de passage canadien électrique.

Les vaches ne franchissent pas cette clôture au sol. En revanche, les véhicules peuvent rouler dessus et les hommes (en chaussure) marcher sur les fils permettant aux usagers d'utiliser les chemins ruraux.
Un arrêté communal autorise l'utilisation de ce dispositif.

*Le prix du lait conventionnel payé par la coopérative Sodiaal s'est établi à 0,38 cts/l en 2014, 0,33 cts/l en 2015 et 0,32 cts/l en 2016.