Mutualisation
Les Cuma de l'Isère travaillent sur leurs moyens humains et leur organisation

Si les Cuma permettent une optimisation des coûts de mécanisation, les bénéfices qu'elles permettent à leurs adhérents couvrent un champ bien plus large. A condition de croire au collectif.
Les Cuma de l'Isère travaillent sur leurs moyens humains et leur organisation

L'essence d'une Cuma (1), c'est l'achat de matériel en commun pour réduire les coûts de mécanisation de ses adhérents.

Et, plus que jamais, au regard de la conjoncture, c'est une piste qui doit être privilégiée.

Selon Eric Greffe-Fonteymond, président de la fédération départementale des Cuma de l'Isère : « L'investissement individuel n'est plus possible aujourd'hui. Dans le contexte économique actuel, la mutualisation, c'est une obligation ».

Pour autant, tous les agriculteurs ne sont pas adhérents d'une Cuma.

Si certains estiment que tous les travaux peuvent se faire avec du matériel mutualisé, « même les noix ou les foins », il en est qui restent sur leurs réserves. « Etre en Cuma, c'est un état d'esprit. C'est une habitude de travailler collectivement », estime Eric Greffe-Fonteymond.

Matériel fiable et opérationnel

Au fil du temps, les convaincus ont identifié les clés qui garantissent la réussite collective. 

« D'abord, il faut en avoir envie. Cela ne servirait à rien de forcer des personnes qui n'y croient pas, cela ne marcherait pas », souligne le président de la fédération départementale, également président de la Cuma du Pays de Tullins. 

 

" Il faut du matériel fiable et opérationnel utilisé régulièrement », soutient Pascal Ravix, trésorier de la Cuma du Moucherotte, dans le Vercors, créé en 1987 et qui depuis n'a fait qu'agrandir son parc de matériel et son nombre d'adhérents.

 

« Et il faut du matériel fiable et opérationnel utilisé régulièrement », soutient Pascal Ravix, trésorier de la Cuma du Moucherotte, dans le Vercors, créé en 1987 et qui depuis n'a fait qu'agrandir son parc de matériel et son nombre d'adhérents.

Utiliser du matériel toujours en état, faire preuve d'innovation, porter un œil éclairé à ses coûts de mécanisation, travailler à plusieurs... C'est ce que s'attache à faire la Cuma du Moucherotte.

 

Et ses responsables constatent que c'est ce qui intéresse les jeunes. « Tant d'un point de vue économique que d'un point de vue sociétal, cela correspond à leurs attentes. Car cela permet de gagner en confort de travail, de libérer du temps, de cultiver la solidarité. Et d'avoir une sécurisation financière », considère Pascal Ravix. 

Facteur de lien social

Pour ces agriculteurs, le travail en Cuma permet d'optimiser ses coûts de mécanisation.

Mais c'est aussi un facteur de lien social qui contribue à rompre l'isolement que certains agriculteurs peuvent ressentir.

« Lorsque nous sommes en phase d'installation d'un nouveau matériel, nous faisons plus de réunions. Cela crée du lien », affirme François Rony.

Même constat à Tullins. « Le bâtiment de la Cuma nous permet de nous retrouver, de discuter. Cela favorise aussi les échanges, l'entraide et même les transmissions de savoir-faire », avance également Eric Greffe-Fonteymond.

Pour ces adeptes du système, la Cuma a fait ses preuves en matière d'optimisation de charges de mécanisation. Ils voudraient maintenant passer à l'étape suivante, à savoir l'embauche d'un salarié partagé.

Aide aux investissements immatériels

Mais même les plus convaincus le disent : « Travailler en Cuma, ce n'est pas si évident que cela ». « Il faut fédérer les adhérents, tempérer les points de vue divergents, trouver le consensus pour accorder tout le monde », assure le trésorier de la Cuma du Moucherotte.

« C'est vraiment une aventure collective », ajoute le président de cette structure, François Rony.

« Le bon fonctionnement d'une Cuma est liée à l'humain. Et ça, cela ne se commande pas », estime Eric Greffe-Fonteymond.

Mais « ce bon fonctionnement » peut être accompagné.

Depuis le 1er janvier 2016, le dispositif sur les prêts bonifiés (MTS) à destination des Cuma est remplacé par le Dina (Dispositif national d'accompagnement des Cuma) qui est composé de deux aides.

Une aide aux investissements matériels pour la construction de hangars et de bâtiments et une aide aux investissements immatériels pour permettre l'accompagnement du développement et la structuration des Cuma.

« Concrètement, c'est un dispositif qui permet aux adhérents des Cuma d'avoir du temps de conseil financé à hauteur de 90 % par la DDT (Direction départementale des territoires) sur toutes les questions qui peuvent les intéresser. Il peut autant s'agir d'un bâtiment ou d'une aire de lavage que de thématiques sociales telles que la participation des adhérents ou des administrateurs, le renouvellement d'un bénévole très impliqué, l'embauche d'un salarié, la pertinence d'un matériel, la réorganisation d'un outil administratif », explique Jay Jivan Kessaodjee, animateur des fédérations départementales des Cuma de l'Isère et de Savoie. 

« L'objectif est d'aider les Cuma sur le long terme, d'accompagner leurs adhérents pour qu'ils prennent le temps d'échanger sur leur avenir et leurs projets ».

En Isère, une dizaine de demandes de conseils « Dina » ont été déposés à la DDT. Toutes ont été acceptées.

La Cuma du Moucherotte va en bénéficier pour « formaliser son système d'entraide qui fonctionne, mais qui manque de cadrage ».

« Ce nouveau dispositif vise à mettre tout le monde autour de la table pour favoriser la cohésion de groupe », précise Eric Greffe-Fonteymond.

 

(1) Coopérative d'utilisation de matériel agricole

Isabelle Brenguier

 

Expériences / Toujours en quête d'innovation

 
François Rony et Pascal Ravix, respectivement président et trésorier de la Cuma du Moucherotte.
Les Cuma se sont toujours montré innovantes.
 
Et elles continuent.
Faire les foins en Cuma. Certains pensent que c'est impossible.
Pas les adhérents de la Cuma du Moucherotte qui, forte de presque trois décennies d'expérience, vient d'investir dans une chaîne de récolte de fourrages.
Composé d'un groupe de fauche qui intervient sur dix mètres, une faneuse à dix mètres aussi, un andaineur, une presse haute-densité capable de réaliser des balles carrées de 120 x 70 centimètres, l'investissement a représenté un coût de 330 000 euros.
Le matériel, utilisé par une dizaine d'adhérents sur la vingtaine que compose la Cuma, intervient dans une surface de 450 hectares, des contreforts du Vercors au canton de Villard-de-Lans. Cet achat s'inscrit dans la continuité de nombreux précédents investissements qui ont façonné l'histoire de la Cuma du Moucherotte, née du besoin d'avoir un tracteur suffisamment puissant pour tirer l'ensileuse de la Cuma du Vercors.
« L'achat de cette chaîne de récolte représente une vraie révolution. Mais nous ne l'avons pas réalisée d'un seul coup. Nous y sommes allés progressivement, puisque nous fauchions déjà à six mètres », estime François Rony, le président de la Cuma, qui exploite, sans tracteur à lui, 70 hectares.
Agenda connecté
Du côté du nord-Isère, la Cuma de la plaine de Faverges est aussi toujours en quête d'amélioration.
Elle s'attèle maintenant au chantier de l'organisation.
Actuellement, ses adhérents gèrent les plannings des matériels avec un tableau réalisé gràce à la réunion hebdomadaire qu'ils tiennennent le lundi matin.
Cela fonctionne, mais cela pourrait être optimisé.
C'est ce qu'ils comptent faire avec un système d'agenda connecté à leur smartphone.
L'outil permet de faire les réservations en direct - la disponibilité des matériels étant connue en temps réel - sans avoir besoin de se déplacer au local et d'avoir toutes les synthèses en fin d'année, sans nouvelles saisies.
Le gain de temps devrait être important. Pour prendre en main cette application, les adhérents de la Cuma vont réaliser un stage Dina (Dispositif national d'accompagnement des Cuma).
IB

 

Renouvellement

Le réseau Cuma s'est réorganisé. Suite au départ de Jean-Paul Jullien qui a fait valoir ses droits à la retraite, la fédération départementale des Cuma de l'Isère s'est rapprochée de celle de Savoie pour l'embauche d'un animateur commun.
 
Jay Jivan Kessaodjee est le nouvel animateur des fédérations départementales des Cuma de l'Isère et de la Savoie.
Jay Jivan Kessaodjee a pris ses fonctions courant juin 2016.
Installé à la Tour-du-Pin, il officie à hauteur de 70 % en Isère et 30 % en Savoie, ce qui correspond à la répartition proportionnelle du nombre de Cuma entre les deux départements.
« Un important travail d'animation l'attend. Pour les Cuma aussi, les générations se renouvellent. Nombre de nos responsables arrivant à la retraite, il faut organiser et accompagner la transmission des Cuma. La prise de responsabilité peut freiner certains candidats. Il faudra les accompagner, leur montrer  que ce n'est pas un outil si complexe », estime Eric Greffe-Fonteymond, président de la fédération départementale des Cuma de l'Isère.
IB